Makery

Au SexTechLab: «Et on jouit comment avec ça?»

Sextoys et slideshows au menu du premier SexTechLab. © Nicolas Barrial

Le premier hackathon du sexe s’est tenu du 19 au 21 mai à l’école 42. Si son principal sponsor était le leader du X, Marc Dorcel, l’évènement a privilégié l’approche éducative.

On connaissait la fashion tech, l’éducation tech, les civic tech, et le sexe alors ? Voilà, c’est fait ! Une soixantaine de développeurs, designers, makers et growth hackers (marketing oblige), se sont retrouvés du 19 au 21 mai à l’école 42, dans le 17ème à Paris, pour le SexTechLab, tout premier hackathon du sexe en France à la baseline alléchante : « 50 heures pour innover dans le plaisir ». A l’initiative de l’association pour entrepreneurs dans l’innovation ADN Startup et du collectif de designers Humain-Humain (dont fait partie Gille de Bast, un maker proche de Makery), 69 hackathoniens se sont inscrits (si-si-sic), dont une vingtaine issus de l’école 42. Une moyenne de 25 ans et, fait notoire, presque à parité entre filles et garçons.

Grégory Dorcel prodigue ses conseils aux hackatoniens du sexe. © Humain-Humain

Marc Dorcel, sponsor poids lourd

Le programme annonçait un intervenant surprise en ouverture vendredi 19 mai, qui n’était autre que Grégory Dorcel, fils de Marc Dorcel et PDG du leader français du X, qui s’était porté mécène principal de l’événement à quelques jours du lancement, devant des partenaires plus traditionnels des hackathons (Viva Technology, Futur en Seine ou les imprimantes 3D Dagoma). Pour Marc Dorcel, qui a fait fortune dès 1979 à l’âge d’or de la VHS, prospéré à l’ère du Web, et épousé la réalité virtuelle dès 2015, le SexTechLab était l’occasion d’annoncer le lancement du Dorcel Lab, un « in“cul”bateur mondial pour start-ups osées », dixit Grégory Dorcel. Et d’ajouter qu’un projet du SexTechLab serait le premier incubé. Ce lot s’ajoutant à d’autres (formation à la création d’entreprise en trois jours offerte par The Family, six mois dans l’espace Be-Coworking, etc.).

Porn mais cœur

Vendredi toujours, place aux pitches, des présentations courtes de vingt-cinq projets, dont dix ont été retenus. Parmi lesquels, les plus makers sont Flextoy, un sextoy modulable pour personnaliser l’objet (taille et accessoires à pluguer), Cup+, une coupe menstruelle connectée, Heart Sensation, un sextoy « as a service », vibrant au rythme du cœur de son partenaire.

Les seniors au désespoir que Tumamm entend remettre sur le marché de l’amour. © Nicolas Barrial

Côté services en ligne, un site « pour trouver un mec à ma mère », cri du cœur de la porteuse du projet Tumamm, vainqueur à l’applaudimètre pour ses saillies drolatiques sur « les sites de rencontres senior qui ressemblent à celui de la CAF ». L’initiateur du projet Porn it Yourself, le « Airbnb du film porno », a bien fait rire lui aussi, surjouant le producteur hâbleur qui s’invite chez les partouzeurs pour les filmer.

Place ensuite à la sexualité mode d’emploi, avec le projet de la youtubeuse Clemity Jane, qui voudrait faire du conseil en achat de sextoys et en vendre, la plateforme XYStories, qui veut partager « les histoires X de la génération Y », ou encore le chatbot Ali(x), un robot conversationnel calé en sexualité. Offline, la box Oserez-vous entend briser les tabous, avec matériel et guide à la clé.

Porn it Yourself signera-t-il la fin du chômage pour les intermittents du X? © Nicolas Barrial

Le sextoy, l’iPhone du sexe

Les équipes de Marc Dorcel confiaient avoir suivi les expériences sextech de Gille de Bast et Aurélien Fache (autre complice de Makery), notamment le sextoy contrôlé par la pensée. Il faut dire que le sextoy représente 22 milliards sur les 30 milliards de dollars estimés du marché du sexe dans le monde ! Pas étonnant de le retrouver au menu de la moitié des projets sur lesquels les équipes allaient devoir plancher jusqu’aux présentations dimanche, 16h30. Libre à chacun de rester la nuit, l’école 42 ne dort jamais.

Gille de Bast interviewé après la démo de son sextoy contrôlé par la pensée. © Humain-Humain

Pour soutenir les participants, pas moins de vingt mentors avaient répondu présent, parmi lesquels Sophie Gravier, fondatrice du site de rencontres lesbien La garçonne, Emanuel Allely, cofondateur de l’Usine IO ou Frédéric Assémat, fondateur du site de libertinage Gentle. Le tout agrémenté de conférences courtes, comme celle du conseil en stratégies de l’innovation Olivier Ezratty sur « la valeur émotionnelle des objets connectés ». Avec le sextoy, ça prenait tout son sens !

Beaucoup d’émotion avec ce proto maousse costaud de l’équipe Flextoy. © Nicolas Barrial
Ça gigote en finesse chez Heart Sensation. © Nicolas Barrial

Un terrain miné: les ados

Tous n’ont pas passé le week-end à prototyper. Certains avaient déjà leur audience, comme XYStories ou Clemity Jane et ses 54000 abonnés, et cherchaient plutôt un modèle économique viable. D’autres ont créé leur proto sur place, comme Heart Sensation, qui est parti de la capacité de l’Apple Watch à capter les battements de cœur. Tandis que côté Ali(x), on faisait la feuille de route des tests pour une intelligence artificielle en terrain miné : les ados et le sexe ! Quant à Cup+, la problématique de l’innocuité des ondes dans un vagin a dirigé l’équipe vers l’étude des pacemakers.

L’équipe Cup+ cogite autour de Charles-Edouard, codeur de l’école 42. © Nicolas Barrial
Ça cogite aussi en terrasse autour de Clemity Jane. © Nicolas Barrial

Dimanche, à 16h30, tous avaient quelque chose à présenter aux neuf membres du jury, dont Christel Le Coq, fondatrice du sextoy connecté à la littérature érotique B.Sensory, Marie Réveilhac, fondatrice de Dans ma culotte, ou Marc Pointel, auteur du site Le roi de la capote. En donnant parfois de sa personne, comme le présentateur d’Heart Sensation, qui a sauté à la corde pour augmenter les vibrations du sextoy de son partenaire imaginaire.

L’équipe du bot Ali(x), une tech complice pour éduquer. © Nicolas Barrial
Le garçon qui voulait régler son compte aux tampons avec Cup+. © Nicolas Barrial

L’occasion pour le doyen du jury, le sexologue Jacques Waynberg, d’envoyer quelques vannes de papy boomer aux générations X, Y et Z : « Et on jouit comment avec ça ? » ou « c’est une fabrique à éjaculateurs précoces ». Toutefois, le ton du hackathon a plutôt été à la retenue, les différents intervenants évoquant une responsabilité vis-à-vis d’une jeunesse livrée aux sites porno gratuits. Un cadre de Marc Dorcel confiait son ire de parent face à la notoriété du « Merci Jacquie et Michel » dans les cours de récré, gimmick des utilisateurs de ce site plutôt hard. Mais plus le temps de tergiverser, le jury se réunissait en conclave pour délibérer.

Jury et organisateurs, quelques minutes après la délibération. © Nicolas Barrial

Un palmarès à la Prévert

Et c’est donc le plus « éducation sexuelle » qui a emporté le premier prix, Ali(x), le copain chatbot porté par Sarah Lecoffre, tandis que les seniors de Tumamm et l’appli Can U ont pris respectivement les deuxième et troisième places. Marc Dorcel a (logiquement) remis son propre prix à Porn it Yourself, le plus adapté à l’incubation au Dorcel Lab. Une belle concurrence pour Jacquie et Michel en perspective…

La porteuse du projet Tumamm a reçu un jeu Dorcel en plus pour sa maman. © Nicolas Barrial

Dans le cadre du festival Futur en Seine: le SexTechLab propose la conférence «La tech va-t-elle sauver la sexualité ou bien détruire nos relations?» (9/06, 16h30-18h); Aurélien Fache expose son expérience sextech «In bed with Thomas Pesquet» (8/06, 14h-19h)