Makery

Gérardmer lâche son fablab

En octobre 2015, le maire PS de Gérardmer Stessy Speissmann (au centre) lançait les 48h de l'innovation au fablab Innov'lac… fermé en décembre 2016. © DR

Dépôt de bilan, liquidation judiciaire et vente aux enchères. C’est le parcours amer du fablab associatif Innov’lac de Gérardmer, dans les Vosges. Après un an et demi d’activité, le fablab a fermé en décembre. A qui la faute? 

27 000€, qui dit mieux ? Le 10 février dernier, le matériel du fablab associatif Innov’lac de Gérardmer, dans les Vosges, a été vendu aux enchères. Ses équipements resteront toutefois entre les mains de la municipalité, en l’occurrence la Maison de la culture, qui a surenchéri sur l’offre à 16 000€ du Fablab Vosges de Saint-Dié-des-Vosges. 

Initié par la mairie et annoncé comme le fleuron de la vie numérique locale, le fablab avait ouvert le 1er juillet 2015 dans la petite ville de 8 000 habitants. En décembre 2016, il a été placé en liquidation judiciaire. Que s’est-il passé en quinze mois?

La municipalité avait pourtant employé les grands moyens. Elle avait mandaté la société de conseils Wikinova pour réaliser une étude de faisabilité de la future implantation d’Innov’lac, pour 15 000€. « Tout le monde était intéressé par le fablab lors de sa création. Mais si vous n’offrez pas quelque chose d’attrayant aux gens, ils ne viennent pas. Il s’est produit un effet soufflé », dit Jacques Leléon, le PDG de Wikinova.

Un fablab à deux vitesses

Atelier drone, 48 heures de l’innovation ou encore construction d’une micro fusée en février 2016… Rien ne laissait présager la cessation d’activité de l’atelier de fabrication numérique vosgien. Le fablab qui, selon la télévision locale Vosges Télévision visait un chiffre d’affaires de 100 000€, était « bien implanté » dans la vie de la commune, affirme Pierre Laide, ancien fabmanager du lieu, et avait réuni jusqu’à 80 adhérents.

En octobre 2015, le maire (au centre) assistait à la présentation des projets du fablab Innov’lac. © DR

C’est « le volet centre de formation qui, dans le montage économique, devait équilibrer les comptes de l’association », explique à Makery le maire de Gérardmer Stessy Speissmann (PS). Après un an et demi d’activité, le fablab avait besoin de financement pour se développer en mettant en place un pôle de formation. Pour le fabmanager, la municipalité a refusé d’apporter son soutien financier. Le maire s’en défend : « Il n’est pas dans les missions naturelles d’une collectivité de faire fonctionner un organisme de formation. »

Wikinova, chargée de l’animation du lab, s’était engagée à développer un pôle d’apprentissage. L’entreprise dit avoir formalisé l’offre de formation? Pourtant, l’ensemble des démarches nécessaires (organisation des services, déclaration de l’organisme) n’a pas été entrepris par l’association.

«Le niveau de prestation et le matériel de l’atelier étaient-ils suffisants pour attirer des entreprises, les établissements scolaires…?» 

Stessy Speissmann, maire de Gérardmer

Pour Jacques Leléon, c’est l’arrivée tardive d’un prêt de 70 000€ et des tarifs adhérents trop bas, associés au manque d’ambition et à l’absence d’esprit d’entreprise qui ont mené le fablab à sa perte. « Je voulais rendre le fablab autonome financièrement et qu’il permette de créer des entreprises et de l’emploi, sans négliger la formation et le lien social. »

«Des chefs d’entreprise voulaient me suivre. Mais sans prise de risque, il ne s’est rien passé.» 

Jacques Leléon, PDG de Wikinova

Le fablab Innov’lac lors des journées portes ouvertes en novembre 2015. © DR

A Gérardmer, il n’y a pas grand monde pour critiquer l’opération. Sauf l’élu NPA Eric Defranould, qui avait voté contre la création du fablab et incrimine le modèle économique proposé par Wikinova, dans une tribune publiée en décembre sur le site d’info locale Gérardmer Info : « Sur le fond, nous étions d’accord,  sur la méthode, pas du tout ! » Contacté par Makery, Eric Defranould, ancien membre du fablab, explique qu’il n’envisageait pas le développement du lieu en « faisant de l’argent ».

Effet soufflé bis repetita

Innov’lac n’est pas le premier fablab à fermer ses portes. Le Rural Lab à Néons-sur-Creuse, dans l’Indre, avait fermé en décembre 2014. L’Atelier de Beauvais, dans l’Oise, avait subi le même sort en 2015. Depuis cependant, les makers beauvaisiens ont repris leurs bidouillages grâce à une réouverture du fablab au sein du lycée Paul-Langevin. Le Conseil général entendait « conserver ce matériel dans le Beauvaisis ». On peut souhaiter la même évolution pour le fablab de Gérardmer, son matériel ayant été racheté par la Maison de la culture de la ville.