Makery

Just One Giant Hackathon contre le Covid-19

Carte mondiale des participants de l’OpenCovid19 Initiative (JOGL)

JOGL, une plateforme internationale pour collaborer sur des projets biotech, DIYbio et open science hardware pour une planète plus durable, propose une série de micro-bourses pour des équipes qui s’attaquent directement à la crise du Covid-19.

Tout a commencé avec un appel pour un test de dépistage DIY open source pour le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 à l’origine du Covid-19, lancé par Just One Giant Lab (JOGL) le 1er mars 2020. Des centaines de personnes à travers le monde ont répondu à l’appel, ce qui a donné lieu à un community call hebdomadaire sur Zoom et un workspace dédié sur Slack. Le projet de JOGL s’est depuis transformé en programme à part entière pour combattre la pandémie mondiale avec des méthodologies open source : OpenCovid19 Initiative.

Le programme compte actuellement plus de mille participants qui collaborent ou cherchent à collaborer sur une cinquantaine de projets. Et grâce à un partenariat avec le Fonds Axa pour la Recherche, JOGL propose des micro-bourses allant jusqu’à 3000€ par projet. Les dossiers sont évalués par les membres de la communauté selon plusieurs critères (originalité, clarté, design, faisabilité, impact). Panorama des lauréats des deux premiers tours.

Open PPE

Lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins d’urgence des personnels soignants exposés, le matériel de protection sanitaire est prioritaire, en commençant par le masque. Deux femmes, chacune de son côté, ont relevé le défi.

Le Basic Respirator de Hunter Futo

Soigneusement prototypé par Hunter Futo à Los Angeles, le Basic Respirator est ce que son inventeure appelle « l’IKEA des respirateurs N95 ». En effet, le porte-filtre du masque, compatible N95, s’imprime en 3D en une heure avec 9.5g de filament, se découpe au laser ou à la lame, s’aplatit pour la livraison et s’assemble en quelques minutes. Le masque, qui se plie en origami et pèse 19g, est fait principalement de Tyvek 1073B, un polyéthylène haute-densité antimicrobien à 98-99%.

Le masque NWPP d’Angela Peebles

A Niagara Falls au Canada, Angela Peebles a créé un masque à 4 plis, low-tech, pas cher et jetable à partir d’emballage de stérilisation NWPP (polypropylène non tissé) Halyard H100. Ce projet résolument DIY nécessite des matériaux et des outils facilement accessibles, comme des ciseaux, une agrafeuse et de la colle pour un assemblage d’environ une minute, en plus d’une pièce en aluminium pour ajuster la sécurisation du masque sur le nez.

Comme pour tout matériel à déployer dans un environnement médical, la validation est essentielle pour la fabrication et la distribution en masse avec de partenaires locaux ; ainsi les fonds de bourse serviront surtout à tester les prototypes pour évaluation.

Open hardware

Modèle du prototype Open Syringe Pump

A Paris, le besoin urgent de pousse-seringue dans les salles de réanimation surchargées a motivé une équipe internationale à développer un pousse-seringue open source à faible coût, pour être testé et validé dans le court-terme par l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP). Conçu à partir des spécifications du matériel open source Poseidon, ce pousse-seringue imprimé en 3D fonctionne avec le firmware open source de contrôle numérique Smoothieware et son Smoothieboard associé.

Breezy : écran de visualisation sur smartphone

A Bratislava, une autre équipe développe Breezy, un ventilateur pulmonaire open source, à bas coût et modulaire, dont un système de mesure et de statistiques qui utilise seulement 2 capteurs pour calculer 12 paramètres. L’appareil est accompagné d’une application mobile qui permet de visualiser la pression, le flux et le volume de chaque souffle en temps réel. En plus de participer à l’Agorize Code Life Ventilator Challenge, l’équipe développe Breezy pour répondre aux exigences professionnelles de la Medicines & Healthcare products Regulatory Agency pour un ventilateur qui puisse être déployé dans les hôpitaux britanniques.

Analyse de données biométriques

Pendant la crise sanitaire, l’accès difficile à la consultation médicale et au dépistage rend encore plus nécessaires des outils de diagnostique open source que chacun peut utiliser chez soi. L’application mobile CoughCheck du développeur bioinformatique argentin Hernán Morales Durand utilise l’intelligence artificielle pour analyser le son de votre toux afin de détecter une infection possible du Covid-19. Reste que le premier défi du projet est de rassembler assez d’échantillons pour pouvoir former le modèle d’apprentissage automatique, tout en respectant la confidentialité des participants.

Visualisation de données par Quantified Flu

Face au déluge de chiffres associés à la pandémie, on se perd facilement dans les statistiques. Pourtant, notre propre corps regorge de données biométriques qui peuvent être récoltées, visualisées et analysées afin de comprendre les signaux physiologiques indiquant une maladie telle que le Covid-19. Co-initié par Mad Price Ball, confondatrice d’Open Humans, et le « Quantified Self nerd » Bastian Greshake Tzovaras, le logiciel Quantified Flu est un outil de recherche pour agréger, visualiser et analyser les données brutes des capteurs sur nos wearables connectés (Fitbit, Oura Ring, Withings, Google Fit…).

Expérimentations en biotech

Fidèles au défi original de l’OpenCovid19 Initiative, deux projets DIYbio portent sur des méthodes de dépistage rapide du virus SARS-CoV-2 dans des expérimentations open source.

Le PocketPCR de GaudiLabs

Dans le makerspace Starship Factory à Bâle en Suisse, les Basel Biohackers tentent d’améliorer les protocoles du RT-LAMP dans la méthode courante de dépistage en temps-réel par RT-PCR quantitative. En particulier, ils expérimentent avec un kit de réaction lyophilisé qui nécessite seulement l’échantillon à tester, de l’eau et une source de chaleur constante. Leur matériel de base est le PocketPCR de GaudiLabs, un thermocycleur open source programmable.

Schéma du dépistage CRISPR par SoundBio

A Seattle, la lycéenne Sophie Liu mène une équipe de biologie synthétique au laboratoire communautaire SoundBio pour développer une variante à bas coût du protocole CRISPR open source de Mammoth Biosciences (qui vient d’être validé) en utilisant des plasmides bactériens de E. coli modifiés. Comme SoundBio n’est autorisé à travailler qu’avec des matériaux à faible risque, il faudrait éventuellement vérifier le test avec des échantillons humains avant de le déployer à plus grande échelle.

Apprendre la science en dehors du labo

Depuis le confinement général, des outils d’apprentissage en ligne et indépendant ont pris le relais des cours d’école. Pendant la crise, lorsque la désinformation et le manque d’accès aux informations dans les communautés défavorisées prolifèrent, il est d’autant plus urgent de connaître les faits et de comprendre la science, surtout concernant le Covid-19.

Lecturers Without Borders

Si les ressources pédagogiques en ligne sont déjà multilingues et variées, la virologue Eugenia Covernton des Lecturers Without Borders—un réseau de scientifiques qui donnent gratuitement des conférences dans des pays en voie de développement durant leurs voyages—a initié une nouvelle série de webinars dédiés à la virologie. Ces conférences gratuites, interactives, en ligne et enregistrées sont proposées à des écoles et universités en français, en anglais et en espagnol, où les étudiants peuvent aussi envoyer en avance des questions concernant leur situation locale.

Poster VoltSchool

Au Nigeria, Obasegun Ayodele de Vilsquare développe un programme pédagogique pour des élèves africains en dehors de l’école, avec le support du Volt Microscope high-tech, facile à utiliser, à faible coût et à faible consommation d’énergie. La plateforme VoltSchool est actuellement en cours de développement technique. Le programme comprendra des cours enregistrés par des élèves en train d’expérimenter avec le microscope, accompagnés par des enseignants et conformes au cursus approuvé par le West African Examinations Council.

En savoir plus sur l’OpenCovid19 Initiative

Dans notre prochain article sur les activités de JOGL : focus sur les projets qui traitent du dépistage rapide pour le Covid-19, retenus aux deux premiers tours des mini-bourses.