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Confinothèque : pour solde de tout compte

Manif.app Crédit : Antoine Schmitt

Encore deux semaines d’isolement. Pendant que certains sont dans l’action pour produire du matériel de protection, seuls ou en micro-usines, d’autres préparent le monde d’après ou profitent de l’occasion pour creuser le réseau en perspective d’activités culturelles alternatives. Laurent Diouf nous livre sa confinothèque.

Quel bonheur ce virus ! On souhaiterait que le confinement dure indéfiniment. Pourvu qu’il nous laisse le temps… L’idée de vivre dans une sorte de « présent éternel », sans se projeter dans l’avenir et en ayant largué les amarres du passé, nous ravi. Évidemment, pour profiter de cette parenthèse enchantée, il ne faut pas être en première ou deuxième ligne… Et pour changer d’air pas besoin d’aller au delà du périmètre interdit. Quelques clics suffisent pour s’évader. Exemples.

L’éclat

Dans les circonstances actuelles, au vu du nombre de gens qui semblent avoir enfin lu La Peste d’Albert Camus (et dans la foulée, rêvons un peu, L’Homme révolté et Le Mythe de Sisyphe), on commencera ces repérages en signalant que les Éditions de l’Éclat proposent toujours des lybers ; soit des aperçus très complets de livres offerts en partie ou totalité en.pdf ou en ligne, ou qui renvoient vers des sites dédiés. Parmi les références, on mentionnera les sujets d’inquiétudes du philosophe Paolo Virno sur L’Usage de la vie, soit une version augmentée d’Opportunisme, cynisme et peur (un triptyque en phase avec le confinement), quelques études nietzschéennes (Massimo Cacciari, mais surtout Mazzino Montinari, La Volonté de puissance n’existe pas, et Giorgio Colli, Après Nietzsche), le livre-testament de Derek Jarman (Chroma), la somme colossale de Nanni Balestrini & Primo Moroni sur la folle décennie du Mai rampant italien (La Horde d’or), d’autres ouvrages militants comme Constellations, soit l’inventaire des Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle établi par le collectif Mauvaise Troupe, et des manifestes de la « contre-cyberculture » devenus incontournables : TAZ de Hakim Bey, l’anthologie Quitter la gravité de l’Association des Astronautes Autonomes, Bolo’Bolo de P.M., L’Architecture de survie selon Yona Friedman (récemment disparu), Libres enfants du savoir numérique d’Olivier Blondeau & Florent Latrive.

Yona Friedman, Cités virtuelles – It is not only the city-scape that changes, 2016 © DR.

Scylla

Lecture encore avec Scylla, LA librairie de science-fiction parisienne. Comme d’autres officines, cette librairie valorise ses ventes en ligne et a mis en place un système de retrait, façon drive… Mais ce qui nous intéresse ici, c’est une initiative réservée en priorité aux vrais amateurs de SF et aux collectionneurs. Tous les jours, à midi, pendant le grand effondrement, Scylla propose sur son site une occasion « collector » à moitié prix.

© Éditions Scylla

Hey!

Lecture toujours avec la revue Hey! On connaît l’attachement au papier pour cette publication d’exception, mais le confinement est l’occasion de découvrir l’édition numérique de la bible du Modern art et de la Pop culture.

Capture du site web © Hey!

Cinémathèque

Dans la série « à quelque chose malheur est bon », la Cinémathèque se lance dans le streaming. Une révolution. Il ne manquerait plus que le Festival de Cannes accepte les productions de Netflix et consorts… Mais pas d’emballement, c’est seulement le temps du confinement. Qui plus est, c’est à heure fixe comme une « vraie » séance ciné, à 20h30 tous les soirs sur « Henri ». Une plateforme dédiée qui porte le prénom de Langlois, le fondateur de la Cinémathèque. Au programme, des films rares de la première moitié du siècle dernier réalisés par Epstein, L’Herbier, Iosseliani… Pour cinéphiles avertis, donc.

Feu Matthias Pascal par Marcel L’Herbier © La Cinémathèque

Christie Books

Dans le genre, le site d’archives anarchistes Christie Books propose lui aussi gratuitement des films à faire rougir (et noircir) la Cinémathèque justement. Un peu sur le modèle d’UbuWeb, on trouve en effet des incunables signés Robert Bresson, René Clair, Jean Vigo, Elia Kazan, Andrzej Wajda (Danton), Luis Buñuel, Win Wenders (Hammet), Howard Hawks, Bernardo Bertolucci (Le Conformiste), Uli Edel (The Baader Meinhof Complex), Jean Renoir, Joris Ivens, Agnès Varda… Des interviews de Chomsky, Toni Negri, Huey P. Newton, Howard Zinn… Et les détournements situs de René Vienet (La dialectique peut-elle casser des briques ?). Confiné(e)s, mais révolté(e)s donc.

Antoine Schmitt

En parlant de révolte, l’artiste plasticien Antoine Schmitt a conçu Manif.app, une application open source et un site qui recense les manifestations en ces temps de confinement. Cela permet d’y participer virtuellement via un avatar personnalisable, y compris au niveau des pancartes et slogans. De quoi grossir les rangs du cortège de tête en toute sécurité… On peut aussi organiser une manifestation en ligne. Dans le même esprit, on se souvient du Grand Jeu et de sa carte collaborative au plus fort du mouvement des Gilets Jaunes. Il va sans dire que cette initiative est gratuite, sans publicité, ni visée commerciale, et surtout totalement anonyme (aucune information privée n’est stockée ou transmise).

Manif App © Antoine Schmitt

The Warehouse Project

À l’arrêt comme tout le monde ou presque, les soirées The Warehouse Project basées à Manchester proposent une série régulière de mixes, en direct sur les réseaux sociaux, baptisés sobrement At Home With. Skream et Aphex Twin se sont déjà invités à la maison.

Le Cube

Infos, démos, communications… En attendant sa réouverture, Le Cube, centre de création numérique, propose des contenus créatifs et originaux en ligne du lundi au vendredi à partir de midi sur les réseaux sociaux. #LeCubeChezVous

© Le Cube

Fondation Cartier

Même échappée web pour la Fondation Cartier qui nous invite à découvrir ou redécouvrir chaque semaine ses séries, podcasts, articles et contenus inédits, donnant la parole aux artistes, philosophes ou scientifiques qui ont enrichi notre vision de l’art et du monde.

Burning Man

Le grand carnaval freaks qui se tient chaque été dans le désert de Black Rock dans le Nevada n’aura pas lieu cette année. Du moins, physiquement. Car l’édition 2020 du Burning Man se tiendra dans les replis du multivers. La « communauté » est appelée à se retrouver dans un monde virtuel, la Virtual Black Rock City, en créant des avatars et des décors sans limites. Ce qui devrait permettre encore plus d’extravagance et de folie. Puisqu’on vous dit que le bonheur est dans le Covid 19…

Les foules se rassemblent pour une performance sur la playa le premier soir de Burning Man 2019. DR.

Lire notre précédente confinothèque.