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Covid-19 : le prototype de pousse-seringue de l’Electrolab à Nanterre

Prototype de pousse-seringue conçu à l'Electrolab de Nanterre. CC BY-SA 4.0.

Les pousse-seringues électriques ou seringues autopulsées sont des dispositifs médicaux qui permettent d’administrer lentement et de manière automatisée de faibles quantités de fluide. Les services hospitaliers mobilisés contre le Covid-19 commencent à manquer de ces équipements cruciaux. Les makers de l’Electrolab développent un prototype open source.

Yannick Avelino est ingénieur de formation, consultant en électronique et membre fondateur des associations Electrolab et Open Space Makers installées à Nanterre. Les bénévoles du makerspace de l’Electrolab sont aujourd’hui mobilisés pour répondre aux besoin en matériel des personnels exposés et soignants engagés dans la lutte contre le Covid-19. Yannick Avelino a répondu à nos questions et explique en particulier leur projet pousse-seringue open source.

Makery : Comment avez-vous organisé votre engagement dans la production de matériel pour aider les soignants ?

Yannick Avelino : Les productions les plus importantes, ce sont d’abord les masques et visières. Ensuite les respirateurs et les pousse-seringues. Pour les respirateurs, il y a plusieurs initiatives open source, mais qui visent plutôt la réponse à l’international. L’État a mobilisé Air Liquide, PSA, Schneider Electric, et en France, pour répondre aux vrais besoins des médecins et des équipes en terme de respirateurs, nous pensons effectivement que les logiques de productions industrielles sont les plus adaptées. Nous avons donc décidé de focaliser nos efforts sur les sujets sur lesquels nous pouvons vraiment apporter quelque chose dans ce contexte. Nous avons donc d’abord réalisé des visières et en avons livré au début 150 à l’hôpital de Nanterre, ensuite 50 à l’hôpital Robert Debré à Paris, ensuite à la Croix Rouge, l’hôpital de Montreuil, des maisons de santé, au jour d’aujourd’hui 1200 visières « made in Electrolab » ont été livrées.

Vers quel modèle de visière vous êtes-vous orientés ?

On avons conçu un design en découpe laser pour que cela aille plus vite. Le coût c’est cinquante centimes, la durée de fabrication, quelques minutes. Comme cette production n’est pas chère on a fait le choix d’un matériel qui se jette et on ne se pose pas trop de questions. Les hôpitaux, que cela soit Debré ou Nanterre, les désinfectent le soir et s’en resservent. Une personne les plonge dans un bain décontaminant.

Le Réseau Français des Fablabs encourage à relever le défi des pousse-seringues qui commencent à manquer. A l’Electrolab vous avez prototypé un modèle, quelles ont été vos motivations ?

En cherchant côté pousse-seringue, nous n’avons rien trouvé de très convaincant à ce jour en termes d’approvisionnement des hôpitaux. Du coup nous sommes partis sur une première évaluation chiffrée des besoins. Le directeur de la réanimation de l’hôpital de Montreuil nous a dit que le besoin de pousse-seringues était d’environ une centaine par hôpital en France. L’AP-HP c’est déjà 38 hôpitaux, c’est déjà beaucoup de monde à équiper. Il y a un prototype en cours de test à l’hôpital Lariboisière en ce moment-même, avec les infirmières et la réanimation. Le projet est passé par l’un de nos membres qui est anesthésiste à Lariboisière. Nous avons reçu des encouragements, il y avait quelques ajustements à faire sur le capteur de force, des modifications ont été faites dans le week-end. On fait de nouveaux essais de précision sur le banc de test cet après-midi et demain matin. Sinon nous sommes en train de faire une seconde version du design. Le boîtier électronique est devenu un boitier standard, pour pouvoir augmenter les cadences de fabrication. C’est tout en impression 3D. Evidemment, on a redesigné les pièces pour que la majorité puisse aussi être fabriquées en usinage.

Essais le 4 avril avec le Dr. Jona Joachim, médecin à l’hôpital Lariboisière. CC BY-SA 4.0.

Comment seront utilisés ces pousse-seringues ?

Evidemment, le sujet central de tout cela est l’aspect certification. Dans les projets médicaux, la certification prend des mois. Et on ne les a pas. Notre choix a été d’apporter un maximum de sécurité en mettant différents capteurs. Il y a un capteur de force pour mesurer la poussée sur la seringue et un capteur pour mesurer les déplacements sur le poussoir. Nous avons aussi mis de la sécurité hardware sur l’électronique pour superviser que le moteur ne se mette pas à faire n’importe quoi. Une alarme se déclenche et on arrête de pousser. L’idée est de mettre le plus de sécurité possible pour qu’en situation d’urgence, ce soient les médecins qui décident. Notre choix a été de les rassurer le plus possible sur le fait qu’il y a ces sécurités, pour qu’ils puissent s’en servir. Evidemment ce n’est pas possible pour nous, bénévoles, et dans le temps imparti de faire une certification formelle de ce matériel dans des labos. En revanche nous sommes en train de travailler avec des organismes d’état pour qu’ils donnent un avis aux médecins sur ce matériel, sachant que cet avis ne sera probablement que consultatif. Voilà où nous en sommes.

Comment faites-vous pour la matière première ?

Ce projet a attiré l’attention de la Fondation de l’Avenir qui a mobilisé la Fondation de l’académie de Chirurgie et la CARAC (mutuelle de retraite) afin de nous aider un peu sur le projet, pour payer la matière première des prototypes. Il faut que l’on sécurise un peu les approvisionnements pour pouvoir en fabriquer suffisamment. Le temps que des institutionnels, s’ils veulent les reprendre, puissent le faire et mettre en place leur ligne de production.

Le fil dédié au prototype de pousse-seringue sur le forum de l’Electrolab.

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