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«Apprendre l’aquaponie, c’est plus facile que ça en a l’air»

Jonathan Katona, aquaponiste autodidacte et formateur au Green Lab de Londres. © Elsa Ferreira

Au Green Lab de Londres, on a suivi une formation pour créer un système d’aquaponie. Pour être aquaponiste, il faut être touche-à-tout: chimie, design, plomberie et maths, on a révisé les grands principes.

Londres, de notre correspondante

C’est un grand classique des fablabs et des adeptes du DiY : l’aquaponie, un système qui associe élevage de poissons et culture de végétaux. L’idée est d’« agir pour valoriser les boucles qui se mettent en place dans la nature », explique Jonathan Katona, notre formateur et aquaponiste autodidacte. Les excréments des poissons sont transformés en nitrate par des bactéries puis utilisés comme engrais par les plantes. Celles-ci agissent comme des filtres et reversent de l’eau propre aux poissons. « C’est très accessible et très DiY, c’est pour ça que c’est si fun. »

Schéma du fonctionnement de l’aquaponie. © FAO

Ce samedi matin de novembre, nous sommes une quinzaine à suivre l’atelier d’initiation à l’aquaponie au Green Lab, un lab de food tech à Londres dont on vous parlait récemment. Certains travaillent comme paysagistes ou sont professeurs de sciences ou biologie et envisagent d’enseigner cette technique à leurs élèves. D’autres, comme James Hubbard, diplômé en géologie et sciences de la terre, explorent cette culture pour y déceler une opportunité commerciale, à condition de pouvoir la hisser à grande échelle.

« Il est tout à fait possible d’utiliser l’aquaponie à échelle industrielle, confirme Jonathan Katona. Il existe quelques endroits au Royaume-Uni. Beaucoup de choses se passent aux États-Unis. » D’ailleurs, ajoute-t-il, GrowUp Urban Farms, la plus grosse ferme aquaponique du Royaume-Uni, est à Londres. C’est l’une des raisons qui a poussé cet autodidacte à s’intéresser à cette nouvelle technique d’agriculture. « C’est efficace, durable et il est possible de la réaliser en milieu urbain, là où à l’avenir la plupart des gens vont se concentrer. »

Aujourd’hui, c’est une version plus DiY que nous allons étudier. « Le plus important, c’est le réseau, les ressources humaines, insiste le formateur. Il faut tester les idées, échanger vos histoires, d’horreur ou de succès, et, à terme, vous pourrez échanger de la nourriture. »

Communauté aquaponique en développement au Green Lab de Londres. © Elsa Ferreira

« C’est plus facile que ça en a l’air, encourage Jonathan. Cela ne coûte pas cher de créer un petit système. Allez-y et apprenez en expérimentant. Ce sera plus rapide et plus facile. »

Matériel

– Un grand bidon en plastique, environ 20€ ;
– Des tuyaux en PVC, environ 20€ ;
– Une pompe à eau, environ 30€ ;
– Des billes d’argile, 10€ le sac de 20L ;
– Des plantes de votre choix, environ 10€ ;
– Des poissons, moins de 5€ par poisson.

Etape 1: c’est de la chimie basique

Le saviez-vous ? L’ammoniaque est très toxique pour les poissons. Or, c’est ce qu’ils produisent dans leurs excréments. C’est pour ça qu’il faut changer leur eau régulièrement si vous ne voulez pas qu’ils se retrouvent le ventre à l’air.

C’est là que le génie de l’aquaponie intervient : les bactéries qui se développent dans votre bac à culture vont absorber l’ammoniaque pour la transformer en nitrate qui va servir d’engrais à vos plantes. Celles-ci vont filtrer l’eau et redonner de l’eau propre aux poissons. « Il faut que ce processus soit très rapide. Au moins un tour complet de l’eau par heure, voire deux. Si les poissons restent dans leurs excréments, c’est très rapidement toxique. »

Etape 2: le design

Il existe différents designs pour les systèmes d’aquaponie. Les éléments de base : le poisson, le biofiltre (les bactéries) et les plantes. On peut ensuite choisir un système qui s’étend sur plusieurs endroits, un système à marée simple avec un niveau d’eau plus bas que le bac à culture (le plus simple des systèmes), ou un système qui repose sur de l’eau en constant mouvement ou sur de l’eau profonde.

Pour dessiner son système, Jonathan recommande le logiciel de modélisation 3D gratuit SketchUp, qui permet de calculer les besoins en matériaux pour fabriquer une construction donnée.

Etape 3: les poissons

En théorie, on peut choisir n’importe quel poisson ou presque. Il faudra cependant être vigilant à leur tolérance aux écarts de température et décider si on souhaite élever des poissons pour les manger. Le poisson rouge est bien pour débuter mais n’est pas comestible, rappelle Jonathan. Le tilapia a une grande tolérance, grandit rapidement et a bon goût, mais c’est un poisson tropical : il faudra donc chauffer l’eau. Au contraire, la truite préfère l’eau froide, difficile à maintenir en été.

Une fois les poissons sélectionnés, il faut les nourrir. Deux solutions : on peut acheter des aliments pour poisson, mais ils seront rarement bio ou issus du développement durable, ou bien créer sa propre nourriture. Par exemple avec la lenticule, ou lentille d’eau, cette algue qui flotte sur les points d’eau. En trop grande quantité, les lentilles d’eau risquent de désoxygéner l’eau des cours d’eau qu’elles colonisent. Elles sont cependant composées à 40% de protéines et constituent un très bon aliment pour les poissons. Partez donc à la cueillette, c’est gagnant-gagnant.

Le Green Lab prévoit aussi d’installer une ferme à insectes, qui pourront servir de nourriture aux poissons. « On va faire le test sur des poissons nourris avec nos larves et avec des insectes pour voir la différence. »

Etape 4: la fabrication du container

Il est temps de remonter ses manches. Difficile ici de donner un guide complet étape par étape – nous nous contenterons de donner les grandes indications. Pour le reste, de très nombreuses ressources existent sur Internet comme celle-ci :

Fabriquer son système aquaponique, par Rob Bob (en anglais):

Choisir un grand container en plastique (celui de Jonathan contient 220L). Attention à ce qu’il a contenu, le plastique absorbe certaines substances toxiques. Le conseil de Jonathan : « Si ça sent le sucré, il y a de bonnes chances pour que ce soit adapté. »

Acheter une pompe. Pour créer du mouvement et apporter de l’oxygène à l’eau. Elle doit permettre de renouveler l’eau de l’aquarium au moins une fois par heure, deux si la densité de poissons est importante. Pour calculer le débit nécessaire, Grégory Biton, qui gère le site aquaponie.net, a créé un outil de calcul que vous pouvez télécharger sur cette page.

Couper les bidons pour faire le bac à culture en gardant 15 à 30cm de profondeur pour laisser la place aux racines.

On fixe le bac à culture au-dessus du bassin. © Elsa Ferreira

Mettre en place un système de siphon-cloche, pour automatiser le remplissage et drainage du bac de culture (par ici, un tuto en français pour construire l’outil). On fixe le siphon-cloche dans le bac à culture avec application : une fois les plantes en place, il sera compliqué de réparer les fuites.

Étape 5: construire le biofiltre

Dans le bac à culture, placer un substrat. Il servira de support aux bactéries nitrificatrices. Jonathan recommande des billes d’argile, légères et remplies de bulles d’air. « Elles ont la surface d’un ballon de basket, ce qui laisse beaucoup de place aux bactéries pour les coloniser. »

Une fois que vous avez construit le système, vous devez faire tourner un cycle avant de mettre les poissons à l’intérieur, explique Jonathan, afin de construire les bactéries du système (le biofiltre) nécessaires pour traiter les déchets des poissons. Pour les différentes étapes, vous pouvez consulter Wikihow.

Le cycle est complet lorsque les taux d’ammoniaque et de nitrite sont proches de zéro et que le niveau de nitrate est en hausse. Vous pouvez désormais ajouter les plantes et les poissons et surveiller de près.

Etape 6: les maths

Il faut désormais calculer combien de poissons sont nécessaires pour faire fonctionner votre système. Les déchets des poissons doivent être proportionnels aux besoins en nutriments des plantes. L’équation qui permet de trouver ce rapport s’appelle le coefficient alimentaire.

Exemple : j’ai 2m d’espace de culture. Je veux utiliser 1m2 pour faire pousser des légumes-feuilles (50g de nutriments par jour) et 1m pour des légumes-fruits (80g de nutriments par jour). Il me faut donc 130g de nutriments par jour. Un tilapia adulte peut peser jusqu’à 500g et manger jusqu’à 2% de son poids par jour, soit 10g de nourriture. Il me faudra donc 13 poissons pour créer assez de déchets pour ces 2m2 d’espace de culture. A raison d’environ 20L par poisson, il me faudra donc un aquarium de 260L.

En savoir plus sur l’atelier d’initiation à l’aquaponie du Green Lab, à Londres (prochaine session le 27/1, inscription 36£)

La gestion des systèmes aquaponiques expliquée par la FAO (l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture)