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Au OuiShare Fest, un vent militant souffle sur la ville

Le OuiShare Fest 2017 était organisé à Pantin. © Carine Claude

Biens communs, justice sociale, engagement citoyen… Après la blockchain en 2016, le OuiShare Fest a joué la carte du politique pour sa 5ème édition du 5 au 7 juillet à Pantin.

« Villes de tous les pays, unissez-vous ! » C’est sur ce thème aux accents de slogan que s’est ouverte la 5ème édition du OuiShare Fest, événement phare de l’économie collaborative organisé à Paris, Rio et Barcelone par le collectif éponyme d’entrepreneurs et d’experts internationaux.

Du 5 au 7 juillet, 250 intervenants et plus de 2000 participants sont venus braver le cagnard de l’esplanade des Magasins généraux de Pantin qui accueillait pour la première fois le festival et son marathon de conférences, masterclasses et workshops participatifs sur fond de crise des processus démocratiques.

L’objectif des organisateurs ? Réfléchir à la manière dont « les villes forment de nouvelles alliances pour apporter des solutions aux crises économique, démocratique et écologique et mener de front la prochaine grande transformation », à l’instar des 350 villes américaines organisées en réseau pour braver le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat et qui comptent bien faire respecter les engagements de réduction des gaz à effet de serre, avec ou sans Donald Trump.

Ambiance estivale sur les bords du canal de l’Ourcq. © Carine Claude

Réseaux de villes et fabcity

Histoire de limiter l’éparpillement des cerveaux dans la jungle du programme, le festival s’est décliné autour de trois réflexions centrales : l’action collective, les écosystèmes urbains et les réseaux de villes. Figure de proue de la démocratie participative, Pia Mancini, cofondatrice de la plateforme Democracy OS et du parti politique argentin Partido de la Red, était invitée aux côtés de Mark Watts, directeur du C40 Cities Climate, d’Alaistair Pavin, créateur de Wikihouse ou encore de Jeremy Heimans, activiste et entrepreneur australien à l’origine de la plateforme de pétitions en ligne Avaaz.

Mis à contribution lors de plusieurs conférences et tables rondes, Tomás Diez, fondateur du réseau des Fab Cities, était venu défendre sa vision de l’articulation entre production locale et réseau global, mais aussi décortiquer le buzz qui existe autour des villes dites expérimentales, résilientes, circulaires ou collaboratives.

Pour creuser le thème des fabcities et des villes fabricantes, l’espace Studio du festival accueillait un workshop de design thinking le 6 juillet en fin de journée. « Combien d’entre vous connaissent les fablabs et les fabcities ? » Lancée à la trentaine de participants de l’atelier, cette question pas si anodine de Nat Hunter, coanimatrice du workshop et directrice du makerspace londonien Machines Room, fait se lever timidement quelques mains.

Nat Hunter, Liz Corbin et Justyna Swat animent l’atelier sur la fabcity. © Carine Claude

L’occasion pour elle de revenir sur la genèse des fablabs et du réseau des Fab Cities, avant de rentrer dans le vif de l’atelier « Perturber et tenir l’espace : utiliser la co-conception pour rééquilibrer la dynamique de puissance dans les villes » avec ses deux coanimatrices, la Britannique Liz Corbin, chercheuse de l’Institute of Making, et Justyna Swat, cofondatrice de Wikihouse et de la POC21, le camp alternatif et maker « zéro carbone, zéro déchet » organisé en amont de la COP21 (nous vous en parlions ici).

Le workshop de «design thinking» autour de la fabcity au OuiShare Fest. © Carine Claude

L’auberge espagnole

Pour compléter la cohorte déjà bien remplie des intervenants du OuiShare Fest, des personnalités politiques françaises sont également venues défendre leurs ambitions territoriales et l’initiative de la Fab City Grand Paris. Jean-Louis Missika, adjoint au développement économique d’Anne Hidalgo, présentait un bilan d’étape de l’Arc de l’innovation, un regroupement de communes de l’Est parisien qui mise sur le potentiel économique des tiers-lieux pour booster l’emploi et réduire la fracture sociale à grand renfort d’appels à projets et de concertation territoriale.

L’heure du bilan d’étape pour l’Arc de l’innovation lancé en 2015. © Carine Claude

« Il ne faut pas avoir peur des mots, j’assume totalement le terme “marketing territorial” », déclare Jean-Louis Missika, qui explique vouloir ouvrir l’Arc à toutes les bonnes volontés, institutionnelles, associatives ou commerciales. « L’idée est simple : il ne faut pas labelliser. Ceux qui veulent y entrer, y entrent, ajoute-t-il. On a voulu quelque chose d’agile, sans GIP (Groupement d’intérêt public, ndlr), GIE (Groupement d’intérêt économique, ndlr) ou autres machins du genre. Ça n’a l’air de rien, mais dans le monde des collectivités territoriales, c’est une petite révolution. »

«Il faut briser la frontière psychologique du périphérique pour permettre aux jeunes de ne pas être chassés par des phénomènes de gentrification.»

Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris chargé du développement économique 

Pour mobiliser les quelque 600 acteurs déjà recensés sur l’Arc et éviter le passage en force auprès des acteurs de l’insertion, de l’emploi et de l’associatif, l’établissement a fait appel aux membres d’Open Source Politics, de CivicWise et de OuiShare. Ils ont opté pour une méthodologie de co-construction qui se veut « ouverte, inclusive, créative et transparente pour générer un cadre de confiance », selon Ioana Valero de CivicWise. Concrètement, une centaine d’acteurs de l’Arc se réunit en ateliers à intervalles réguliers. « Nous voulons que cet Arc soit porteur d’emplois, mais nous n’excluons personne car l’objectif est de partager les savoirs et de favoriser l’entrepreneuriat », renchérit Nathalie Berlu, vice-présidente d’Est Ensemble, l’établissement public territorial du Grand Paris cogestionnaire de l’Arc.

Prochains jalons dans le développement de l’Arc de l’innovation et de la Fab City Grand Paris : le lancement de nouveaux appels à projets – dont un trophée de l’économie sociale et solidaire pour l’agriculture urbaine, l’upcycling et l’innovation numérique – ainsi que du futur plan Fabriquer à Paris. « Nous souhaitons doubler les lieux de fabrication du Grand Paris pour relocaliser la production en ville, accompagner les initiatives de makers et connecter artisans d’art et artisans numériques », annonce Jean-Louis Missika.

Le site du Ouishare Festival