Makery

El Reactor, chronique estivale d’un fablab pionnier à Buenos Aires

L'imprimante 3D est partout dans le tout petit espace du minifablab El Reactor. © Laurent Catala

C’est l’été à Buenos Aires et sans doute pas la meilleure période pour découvrir le réseau grandissant des fablabs argentins. En attendant FAB13 fin juillet, la rencontre internationale des labs à Santiago du Chili, on a visité El Reactor.

Buenos Aires, correspondance (texte et photos)

Trouver un fablab ouvert à Buenos Aires en plein mois de janvier s’apparente à un véritable exploit ! Non pas que pour être un maker dans la capitale argentine, il faille savoir vivre caché, mais dans la chaleur estivale (frisant les 40° !), l’indolence latine reprend facilement ses droits. Derrière des façades anonymes et bien closes se trouvent (se dissimulent ?) quelques-uns des acteurs/hackers majeurs du pays. Tel est le cas d’El Reactor, fablab pionnier ici, mais qu’il faut savoir pourtant débusquer dans le quartier populaire (mais désormais aussi un brin hype avec ses bars colorés) de Palermo.

C’est dans la partie la plus résidentielle de celui-ci, entre un petit restaurant et une salle de cours de yoga, qu’on le déniche avec quelques efforts. A première vue, la vieille maison qui lui sert d’antre s’apparente plutôt à un squatt fermé qu’à un lieu de création partagée ! Pas de plaque ni d’inscription, sinon une porte cadenassée et des graffitis interdisant de stationner, et tout juste une sonnette surlignée du logo R, qu’il faut savoir manier avec force (et répétitivité) pour trouver une oreille… réactive.

Derrière cette façade se cache El Reactor, le fablab créé en 2010 en Argentine.  
C’est bien là, le logo en témoigne! 

Passé ce premier écueil purement technique, le paysage s’éclaire subitement à l’intérieur lorsque Leonardo Brito, « artiste permanent » du lieu, joue les hôtesses d’accueil en l’absence de l’artiste Jose Garcia Huidobro, fondateur et maître des lieux, parti quelques jours en Uruguay.

Leonardo Brito, artiste permanent à El Reactor, nous fait la visite. 

Dans un décor des plus artisanaux – si l’on fait abstraction du bureau flambant neuf, où trônent d’ailleurs les imprimantes 3D, on se croirait dans le vieil atelier d’un garagiste ou d’un électricien des années 1950 –, la présence du matériel se fait tout de même ressentir et dénote toute l’acuité technique et créative du lieu. On peut y apercevoir dans les pièces adjacentes une fraiseuse numérique Shopbot Gantry, une petite découpe laser et tout un appareillage de machines d’usinage.

La salle des machines d’El Reactor. 

Mais le domaine de Leonardo, ce sont les imprimantes 3D avec lesquelles il conçoit toute une série de petites lampes à LEDs aux formes de crâne ou de poing serré. On peut voir deux imprimantes Prusa et Rostock, et une Ultimaker en train de façonner quelques modèles.

« J’ai rejoint le lab l’an dernier après la Feria Mini Maker Faire en juin qu’El Reactor a organisée », explique-t-il. « Ici, c’est avant tout un lieu de travail. On organise des classes, des cours pour des gens de tous milieux. Des artistes, des étudiants, des gens du quartier. On fonctionne sur ce modèle de proximité. »

La petite galerie d’objets imprimés en 3D de Leonardo.
L’imprimante 3D n’a pas vraiment le temps de refroidir, même l’été. 

Le principe défendu par El Reactor, fablab pionnier à Buenos Aires (il est né en 2010) et initiateur du réseau local Fab Lab Buenos Aires, aujourd’hui élargi à quelques autres lieux en Argentine (notamment à Cordoba, Mar Del Plata, La Plata et Bariloche), est celui du Minifablab néerlandais de Bart Bakker. Son objectif est de pouvoir démocratiser des unités de conception et de fabrication dans des lieux de dimension réduite, accessible à tous les usagers potentiels, chercheurs, créatifs ou habitants du voisinage, en se basant sur un investissement bien en dessous des 80 000$ prévus par le MIT.

Ici, le budget d’un minifablab s’estime en monnaie locale, à hauteur de 100 000 pesos argentins (soit un peu moins de 6 000€). Ce principe est aussi la source d’inspiration du projet Reprap de fabrication dimprimantes 3D à bas prix. El Reactor est d’ailleurs à l’origine en 2011 du projet Reprap Argentina, qui lui a permis d’asseoir progressivement son identité et sa mission de démocratisation d’outils numériques à bas coût à l’échelle de Buenos Aires. Aujourd’hui, la communauté Reprap Argentina compte plus de 3800 abonnés au groupe Facebook. Entre ses murs, ce sont, selon Leonardo, « entre 10 et 20 personnes qui viennent régulièrement » participer aux ateliers de travail et d’apprentissage.

Projets citoyens

Certes, beaucoup reste à faire en Argentine – l’exiguïté et la discrétion des lieux le rappellent – et dans d’autres pays d’Amérique latine en termes de développement des usages et de culture maker. Mais avec la tenue de la toute première Mini Maker Faire argentine en juin 2016, avec la multiplication des projets citoyens portés par El Reactor et la tenue prochaine de FAB13, la Fabconférence annuelle des fablabs estampillés MIT, qui débutera le 30 juillet à Santiago du Chili, la visibilité internationale devrait enfin se porter sur l’Amérique du Sud. 

En savoir plus sur El Reactor et sur le réseau Fab Lab Buenos Aires