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PIFcamp : au coeur des montagnes slovènes, une communauté démocratique et en « autoassemblage »

Au coeur des Alpes slovènes, les PIFcampeurs prennent leurs quartiers. © Simão Bessa

Du 31 juillet au 6 août, PIFcamp 8ème édition, un camp d’été pour hackers, makers, artistes et autres techno-explorateurs, a pris place au cœur des montagnes slovènes. Makery y était.

L’installation temporaire de PIFcamp. © Simão Bessa

Ce n’est ni un festival, ni une résidence, ni des ateliers, ni une colonie de vacances. Peut-être un peu de tout ça. « Notre format n’a pas de bonne appellation, reconnaissent Uroš Veber et Rea Vorginčič, organisateurs du camp (Tina Malina, co-fondatrice et pilier du PIFcamp, est en congé maternité, même si toujours présente au camp) au sein de Projekt Atol, Institut d’arts et sciences en charge de PIFcamp en collaboration avec le labo artistique Ljudmila et l’Institut culturel Kersnikova. Les gens ne savent pas où ils mettent les pieds. » Pourtant, depuis huit ans, une soixantaine de participants se rejoignent au cœur des Alpes slovènes, dans la vallée de Soča. « Nous sommes une communauté temporaire, internationale, qui se rejoint chaque année pour une semaine, de manière relativement isolée », décrit Uroš Veber de ce groupe particulier. Les participants – des hackers, makers, artistes, artisans e-textiles, live codeurs,… – doivent rester la semaine entière pour favoriser l’esprit de groupe. Preuve du succès de ce format hybride : un taux de retour d’environ 50 % chaque année.

Comment faire cohabiter pendant une semaine 65 personnes aux profils aussi différents que leurs objectifs ? Tout se joue en amont, lors de la sélection, expliquent les organisateurs. « Lors des candidatures, on pose des questions. On demande aux candidats une sorte de mini lettre de motivation et ça nous permet d’avoir beaucoup d’informations », confie Rea Vorginčič. Les organisateurs choisissent des personnalités qui s’intégreront au groupe et à l’événement, apporteront un savoir. « Si on sent qu’ils sont fun, c’est un plus ! », lance Uroš Veber. Un calcul au pifomètre, développé au fil du temps. L’équipe s’efforce aussi d’assurer un relatif équilibre des genres – une tâche encore difficile. Une fois la candidature acceptée, se crée alors un échange : quel matériel sourcer, le manuel du parfait PIFcampeur. « C’est le seul moment où on sait vraiment ce qu’il se passe », pose Rea Vorginčič.

Sous le auvent du PIFcamp, makers, hackers, artistes, construisent leurs projets. © Simão Bessa

« Pas besoin d’être une star »

Petit à petit, les organisateurs de PIFcamp laissent les clés de la maison à leur communauté – au moins en apparence. Fini les têtes d’affiches pour des présentations sur des sujets identifiés, désormais « notre contenu est moins structuré », décrit Uroš Veber. Se met alors en place une communauté démocratique et en autoassemblage, démarche assumée par les organisateurs : « c’est la magie de la situation, on veut juste créer de l’espace pour laisser le programme grandir », revendiquent-ils. L’équipe agit dans l’ombre, suggérant subtilement à l’un de parler à l’autre, créant des moments communs en organisant des prises de paroles pendant les temps de repas. « La méthode douce », plaident-ils.

Pour organiser un atelier, il suffit de s’inscrire sur le programme. © Simão Bessa
Atelier spontané à l’ombre d’un arbre. © Simão Bessa

Dans cet environnement horizontal, les PIFcampeurs osent. « L’idée est de ne pas flexer (crâner, Ndlr), confirme Uroš. Certains ont des talents incroyables, on ne veut pas que ça devienne intimidant. Ici, tu n’as pas besoin d’être une star. » C’est dans cet échange que peuvent naître les savoirs latéraux qui font PIFcamp. Chacun a son eureka moment lorsque, au hasard d’une rencontre ou d’une conversation, un projet a pu être débloqué. « C’est un Google dans la vraie vie », plaisante Miha Godec, artiste média qui a eu son éPIFanie grâce à une experte en intelligence artificielle. « En une conversation de cinq minutes, elle a dénoué mon problème. »

Tous les soirs, les PIFcampeurs débutants et confirmés improvisent un jam. © Simão Bessa
Cette année, le live coding est à l’honneur. L’occasion pour de nombreux PIFcampeurs d’apprendre et de se lancer. © Simão Bessa

Pour les plus jeunes, c’est aussi l’occasion d’observer et d’apprendre. « Je trouve des inspirations pédagogiques pour les workshops que je présenterai aux enfants à la rentrée », expose Jakob Grčman​​, animateur intermédias auprès des jeunes publics à l’Institut culturel Kersnikova. « J’observe et absorbe les différentes façons de mener les pratiques artistiques », se réjouit Eva Devebc, biologiste, elle aussi impliquée dans les projets de l’Institut, et qui n’a pas reçu de formation artistique.

Apprendre à se détendre

La liberté est à double tranchant. Alors que les participants se chargent de construire leur propre programme de la semaine, les ateliers se multiplient. « Les participants commençaient à se sentir submergés », se rappelle Uroš Veber. Depuis, les organisateurs, en écho avec les habitués des lieux, matraquent l’importance de se détendre et de profiter de l’environnement exceptionnel des Alpes slovènes. « Ce n’est pas obligatoire qu’un projet ou œuvre d’art soit  terminé à la fin de la semaine », insiste Uroš Veber. Pour favoriser la détente et le lien social, des randonnées sont organisées tout au long de la semaine. Loin de leurs projets, les participants se libèrent l’esprit et apprennent à se connaître différemment. La dernière, une marche sur les berges de Soča qui aboutit à une baignade générale dans l’eau glacée, est obligatoire.

Conversation au coeur des Alpes slovènes. © Elsa Ferreira

Huit ans après la première édition, les trois institutions cherchent toujours des pistes d’amélioration pour leur événement phare. Les prochaines années se concentreront sur l’inclusion et l’impact environnemental de l’événement. Comment réduire son empreinte tout en restant international ?, s’interrogent les organisateurs. En cette année de sécheresse, où même la Soča coule à niveau bas, l’enjeu est pressant. 65 cerveaux ne seront pas de trop.

Pour découvrir les PIFcampeurs édition 2022 et leurs projets, lire notre trombinoscope partie 1 et 2.

Pour en savoir plus sur PIFcamp

PIFcamp fait partie du réseau Feral Labs network et de la coopération Rewilding Cultures co-financée par le programme Europe Créative de l’Union Européenne.