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Slovénie : un PIFcamp 2020 « en construction »

ll y a encore de la vie au PIFcamp 2020, 'Under construction'. © Katja Goljat

« En raison de la situation actuelle de Covid-19, le PIFcamp sera un peu différent cette fois-ci ». Telle était l’annonce publique du PIFcamp de 7 jours (intitulé « Under construction ») organisé dans la haute vallée de Soča, au sein du parc national de Triglav, restreint à 35 participants invités à l’évènement pour bricoler, hacker et développer leurs projets, avec un focus particulier sur les pratiques de documentation.

Quelle serait la version covid-safe 2020 de PIFcamp ? Pour répondre à cette question, les organisateurs, Projekt Atol, Ljudmila et Kersnikova ont imaginé un conte de fées en format de poche. Le thème général était la documentation, qui est souvent négligée dans les processus de hacking et de fabrication. Les résultats sont publiés et documentés pour un usage public et/ou privé ultérieur.

Beam Team (Stella Ivšek et Anja Romih) avec son projet μπA (micropia) recherche des moyens d’effectuer du mapping video sur des objets naturels © Katja Goljat

Le coup d’envoi de l’édition 2020, selon Tina, l’organisatrice du camp, ressemblait à une « réunion de famille ». Les anciens visages du PIFcamp se sont mêlés aux quelques nouveaux venus. La vallée vierge de Soča a accueilli les participants locaux et des pays voisins (Autriche, République tchèque), les autres ont pu suivre l’évènement en ligne.

Les participants ont été invités à : faire revivre un ancien projet ; organiser une conférence (hors ligne et en ligne) ; partager leurs recherches ou travaux en cours ; rédiger un document de recherche ; travailler sur un projet artistique (performance audiovisuelle, objet virtuel, installation…) ; développer un atelier, un logiciel ou un protocole ; ou ouvrir une discussion avec d’autres participants sur un sujet spécifique. Cette fois-ci, les projets « pop-up » et les situations « anything-can-happen » n’ont pas été autant encouragés. Néanmoins, la saveur typique du « je ne sais quoi » propre au PIFcamp a permis de maintenir une atmosphère joviale et un bon moral.

En direct de Panama, familier du PIFcamp, érudit et enthousiaste maker de la Digital Naturalism Conference (Dinacon), le Dr Andrew Quitmeyer a tenu une visioconférence dans le jardin. Le sujet portait sur les fourmis, les capteurs de fourmis et l’écosystème des fourmis, son principal centre d’ intérêt depuis 10 ans. « Myrmecorpora » est le titre qu’il donne à son workshop de 6 jours de Quitmeyer sur les fourmilières interactives portables (lire notre compte-rendu dédié). Les citations d’Andrew sur le léchage des fourmis entraient rapidement dans le jargon du PIFcamp et pour le reste de la semaine, jusqu’à des dimensions insoupçonnées dans les « PIFmemes ».

Bernhard Reisinger – introduction à l’osciloscope © Katja Goljat

La conférence bien informée et très axée sur la prise en main de Bernhard Reisinger et Vaclav Peloušek présentait l’usage de l’oscilloscope et son rapport au son et aux visualisations. L’oscilloscope, « un instrument qui vous permet de jouer », permet de voir la représentation visuelle du son. En tant que tel, Bernhard le considère comme beaucoup plus ludique qu’un système laser basé sur la réflexion par miroir.

La traditionnelle randonnée organisée par Dario Cortese fut axée sur la collecte de plantes sauvages comestibles, et culminait dans un « Plant Hub », une sorte de cours accéléré de botanique sauvage. Son assistante Darja partageait par ailleurs ses connaissances sur le processus de fabrication de crème et d’hydrolat, qui fut présenté au cours d’un atelier ouvert aux locaux et aux touristes du voisinage. Very Tasty Intelligence est une série de conférences éclair qui explorent les pouvoirs nutritionnels et curatifs des plantes sauvages comestibles.

PIF Camp, Very Tasty Intelligence :

L’atelier organisé à distance par Maggie Kane aka Streetcat.media a eu lieu sous une tente. L’atelier présentait les principes de conception de jeux vidéo narratifs. En tant que cosplayer enthousiaste et artiste polyvalente qui s’ennuie dans les concerts, comme Maggie se décrivait elle-même, elle présentait divers exemples de la manière dont les artistes peuvent utiliser « les visuels de malades et l’interactivité » des jeux vidéo pour enrichir leurs concerts, performances et autres événements, afin d’accroître l’engagement du public.

Dans le cadre de leur projet μπA (micropia), la Beam Team (Stella Ivšek et Anja Romih) a cherché le moyen de faire du video mapping sur des objets naturels et, en collaboration avec Tilen Sepič (lire notre interview), qui avait préparé un set de musique improvisée, ils ont testé le résultat de leurs recherches lors d’une soirée expérimentale sur les rives de la rivière Soča. La performance en direct se déroulait dans une atmosphère intime – en raison du terrain glissant, seule une poignée de PIFcampers a pu y assister.

Julian Chollet – photogrammétrie DIY du sol © Katja Goljat

Julian Chollet collaborait au projet de photogrammétrie Do-It-Yourself des sols au PIF. L’introduction de Julian à la microscopie a montré diverses lentilles et équipements DIY et professionnels, qui ont ensuite été utilisés pour examiner des échantillons de sol et de compost des environs immédiats. Le dimanche suivant, (après la fin du camp de cette année), il a dirigé un workshop Humus Sapiens à Bohinjska Bistrica dans le cadre de la plateforme konS (lire notre précédent reportage sur son projet Humus Sapiens).

Lovrenc Košenina était occupé à travailler sur sa station météo – nettoyer les éléments imprimés en 3D et programmer l’Arduino et le RaspPi. Leçon du jour : « Ne mettez pas à jour Linux ! », s’écrie Lovrenc, qui, en raison de cette erreur fatale, a passé beaucoup plus de temps que prévu à programmer. La station météorologique, qui sera connectée au réseau de stations amateurs Weather Underground et installée sur place à Soča, mesurera la vitesse et la direction du vent, la température et l’humidité, et sera également équipée d’une caméra. À l’avenir, la station pourra également être équipée de capteurs de qualité de l’air et de CO2.

Robertina Šebjanič et Miha Godec dirigeant l’atelier aqua_forensic 2.0 © Matjaž Rušt

Les participants au PIFcamp ont continué à développer leurs projets et leurs recherches : Robertina Šebjanič et Miha Godec, qui préparent un carnet de travail des ateliers aqua_forensic 2.0, ont assemblé un capteur TDS, qui mesure la conductivité de l’eau. Le degré de conductivité a été sonifié via un circuit électronique. Robertina et Miha ont fait une randonnée d’enregistrements de terrain avec Saša Spačal et Rob Canning dans la vallée de Lepena.

Blaž Pavlica s’y est également joint, et il utilisera le matériel enregistré dans son projet de dôme ambisonique DIY. Sur le dôme, qui a été développé et utilisé dans le cadre du PifLab et d’anciens PIFcamps, une matrice de huit haut-parleurs est installée – un système DIY pour reproduire l’ambisonique, un format de son spatialisé sphérique qui permet une représentation du champ sonore en immersion.

Klemens Kohlweis a également participé au projet de Saša Spačal, qui dirigeait le workshop Light Reader, avec un tutoriel vidéo et un carnet de travail. Pour le carnet, Klemens a préparé deux schémas du circuit électrique. Le Light Reader est une interface physique simple permettant de déclencher un son avec de la lumière. Son principe technologique a été développé et utilisé dans l’installation d’art sonore biotechnologique Mycophone_unison de Saša en 2013.

Klemens Kohlweis et Saša Spačal sur le workshop Light Reader © Katja Goljat

Klemens Kohlweis a poursuivi ses recherches en archéologie des médias sur les puces EPROM (mémoire morte programmable effaçable), qui ont été utilisées des années 80 au milieu des années 90, et qui se retrouvent également dans les boîtes à rythmes numériques utilisées dans la musique Pop de l’époque. Klemens participera à la résidence d’art et de recherche de Ljudmila à l’automne 2020.

Luka Frelih a terminé son rotateur solaire pour plantes d’intérieur qui l’a libéré de la peur constante d’une sous-hydratation de ses plantes pendant son absence (ou pendant qu’il était occupé au PIFcamp). Une autre plante est sauvée. Il semble que l’année 2020 ne soit pas si mauvaise après tout.

PIFcamp est organisé par Projekt Atol et Ljudmila, en coopération avec Kersnikova Institute. PIFcamp fait partie du Feral Labs Network, cofinancé par le programme Creative Europe de l’Union européenne.