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Le CNES et Open Space Makers s’engagent pour une recherche spatiale collaborative et ouverte

Jean-Yves Le Gall, President du CNES et Damien Hartmann, President d'Open Space Makers, ont signe le 4 octobre une convention de partenariat dans le cadre de l'initiative Fédération. © CNES/MAYNADIE Astrid, 2019

Les 4 et 5 octobre le Conservatoire National des Arts et Métiers accueillait le premier Forum Fédération de l’association Open Space Makers. L’initiative soutenue par le CNES vise à rapprocher le monde des fablabs et de l’open source de la recherche spatiale. Entretien avec Damien Hartmann, président de l’association.

Organisé par l’association Open Space Makers avec le soutien du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), l’objectif du premier Forum Fédération était de rassembler des makers, des représentants de tiers lieux, des institutionnels, des industriels et des citoyens passionnés d’espace autour des ambitions d’une recherche spatiale collaborative et ouverte. Plus de deux cent personnes ont visité pendant les deux jours du Forum Fédération où l’association proposait des rencontres, des ateliers collaboratifs et un « mini SpaceUp » pour présenter le développement des projets qu’ils accompagnent et échanger sur les manières de penser les organisations dans le contexte des initiatives Open Space. L’association Open Space Makers, créée il y a deux ans suite au lancement au Bourget de l’initiative Fédération du CNES, est présidée par Damien Hartmann et hébergée à l’Electrolab, le hackerspace de Nanterre.

Les membres bénévoles de l’association Open Space Makers à l’issue des deux jours.

Makery : Fédération – Open Space Makers fête deux années d’activité, quel bilan en tirez-vous en terme d’adhérents, de lieux associés, depuis votre « tour de France » ?

Damien Hartmann : D’un point de vue purement chiffré, nous atteignons presque 200 membres Open Space Makers, dont un peu plus d’une vingtaine de membres actifs – celles et ceux qui s’investissent directement dans le développement de l’infrastructure Fédération en tant que telle, en plus de s’impliquer dans des projets.

Nous avons pour le moment six lieux dans lesquels des projets Fédération sont effectivement menés, référencés sur la plateforme. Compte tenu des échanges en cours, ce nombre devrait significativement augmenter dans les mois qui viennent !

Au travers de notre Tour de France, nous avions visité une vingtaine de tiers-lieux, ce qui a permis de faire connaître dans un premier temps l’initiative, nous voyons maintenant que la notoriété de Fédération s’établit de plus en plus largement sur le territoire hexagonal – et au-delà ! Déjà des contacts ont été établis en Afrique, avec notamment le Baby Lab d’Abidjan qui devrait rejoindre dans les prochains temps la communauté des Open Space Makers.

Antoine Sélosse présentait le Séparateur électrique d’étage (SEE) développé à l’Electrolab et au FabLab de Château-Thierry, dont un prototype a été testé en 2019 sur une minifusée.

Le 4 et le 5 octobre vous teniez un forum au Conservatoire National des Arts et Métiers, l’occasion de lancer le « jardin Fédération ». Pourriez-vous nous en dire plus sur le jardin ?

Le Jardin Fédération était vu au départ comme le « lieu » de rencontre des parties prenantes Fédération qu’elles soient organisations du spatial, entreprises, fondations, personnalités… et qui ferait servirait de think tank autour des grands enjeux de l’initiative Fédération.

Après l’évènement de lancement du Jardin Fédération au CNAM, il est clair que cette instance va bien au-delà de ce cadre initial : en pratique, le Jardin préfigure l’ouverture de l’initiative Fédération au-delà du spatial. Les défis évoqués pendant le forum vont bien au-delà de l’exploration spatiale, et touchent l’environnement, la sécurité, les relations humaines… Et laissent entrevoir des échanges passionnants au sein du Jardin Fédération, qui nous l’espérons généreront des actions concrètes dans tous les domaines de la société.

En grande discussion sur les organisations décentralisées avec Michel Faup, sous-directeur anticipation et émergence du CNES (au centre).

A cette occasion vous signiez également un accord de coopération avec le CNES, en quoi consiste-t-il ? Comment cela va aider la communauté Open Space Makers ?

La convention de collaboration signée avec le CNES va permettre de rendre concrète la contribution du CNES dans les projets. Elle fixe les modalités selon lesquelles un projet donné pourra bénéficier du soutien matériel, financier et humain de la part de notre partenaire fondateur.

Ce qui veut dire que oui, concrètement, du matériel open source développé dans des fablabs pourra être envoyé dans l’espace !

Anne-Lise Coudry, juriste et secrétaire de l’association, présente les résultats de l’atelier sur les communautés ouvertes et décentralisées sur le territoire.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Ad Astra et vos relations avec ArianeWorks et le programme Thémis ?

Ad Astra est un projet de lanceur orbital open source, dont l’origine remonte à il y a 6 ans avec un membre de l’Electrolab de Nanterre qui s’est lancé dans la fabrication d’un moteur fusée hybride, en open source. C’est aujourd’hui une équipe de près d’une vingtaine de membres qui cherche à s’élargir pour développer le premier lanceur orbital open source, dans le respect des contraintes légales et sous le regard bienveillant du CNES. Et c’est dans le cadre de ce projet de lanceur open source que va se déployer le partenariat avec ArianeWorks.

ArianeWorks est l’incubateur des idées de développement de Themis, le démonstrateur d’étage réutilisable qui va préfigurer la prochaine génération de lanceur européen. C’est une structure composée de personnels CNES et de personnels ArianeGroup, qui a pour objectif d’expérimenter de nouvelles méthodes de développement.

Le démonstrateur d’étage réutilisable Themis :

En se basant sur la convention CNES – Open Space Makers, ArianeWorks propose aux membres Open Space Makers de contribuer sur certaines briques de Themis, comme par exemple un système original de séparation d’étage basé sur des polymères à mémoire de forme, ou des pieds de stabilisation de l’étage à l’atterrissage. Tout cela dans le cadre de la Charte : le résultat des travaux sera de toute façon open source !

Présentation du partenariat ArianeWorks et Open Space Makers au CNAM :

 

Quels sont les autres projets de la plateforme dont vous aimeriez parler ?

Ils méritent tous d’être consultés, et rejoints ! Parmi ceux qui attirent le plus facilement le regard par l’ambition, citons le projet Marsproof de création des démonstrateurs des outils et machines nécessaires à la production de ressources in situ sur Mars pour permettre à une base humaine de fonctionner en autonomie. La première brique qui est en cours de réalisation dans ce projet très ambitieux, c’est une enceinte de reproduction des conditions martiennes (de -80°C à +20°C, pression de 0,3 bar à la surface). Tout cela avec des matériaux issus de la grande distribution.

Deux projets concernent aussi des techniques de propulsion de nano-satellites : le projet DPF vise à concevoir et tester un moteur basé sur la technologie de focalisation de plasma dense, tandis que l’EmCubeSat vise à créer une méthodologie à bas coût et accessible en fablab pour démontrer de façon indiscutable le bon fonctionnement, ou non, de la technologie de l’EmDrive. Cette technologie étant très controversée, une étude documentaire importante pour étudier l’ensemble des résultats de tests publiés est en cours.

Un mot sur les objectifs de Fédération – Open Space Makers pour l’année qui vient ?

Clairement, l’un des objectifs clés est l’extension des fonctionnalités offertes aux projets au travers de la plateforme. A commencer par du chat persistant (équivalent Slack ou Discord), continué par une amélioration générale des interfaces du portail, et le gros chantier du multilingue à venir aussi.

En parallèle, nous voulons « réduire la marche » : s’assurer que quelqu’un qui arrive sans aucune formation technique sur la plateforme puisse trouver facilement comment se joindre à un projet et commencer une première contribution. Qu’il ou elle dispose d’une heure par jour à consacrer au projet, ou cinq minutes par semaine. C’est ambitieux, mais c’est essentiel pour remplir notre objectif d’ouvrir le spatial au plus grand nombre, et pas juste à une poignée de passionnés !

En savoir plus sur Fédération – Open Space Makers.