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Fabriquer une ferme à vers au milieu du béton

(English) Les rhubarbes urbaines d'Edible Utopia à Somerset House. © Somerset House Urban rhubarb from Edible Utopia at Somerset House. © Somerset House

Un collectif d’artistes-jardiniers anglais s’est installé en coopérative à Somerset House et fait pousser des légumes dans le noir, entre béton et bitume. Pour contrer ce milieu hostile, rien ne vaut un bon compost. Tuto.

Londres, de notre correspondante

Les vers sont des animaux formidables. « On leur doit notre paysage, explique Tim Mitchell, cofondateur d’Edible Utopia, une coopérative artistique qui vient de s’installer au sein de l’institution culturelle Somerset House à Londres. Ils créent l’environnement pour les plantes. Sans plantes, pas d’animaux et pas d’humains. Ils sont nos anges gardiens. » Des anges gardiens voraces qui transforment les matières mortes qui descendent depuis la surface, avant de les mixer avec les minéraux pour créer un habitat fertile. En plus d’être d’excellents fertilisateurs de sols, les vers se régulent d’eux-mêmes : « Lorsqu’ils commencent à être trop nombreux, ils ralentissent leur reproduction. » Pratique, lorsqu’on fait de l’élevage en environnement clos.

Edible Utopia s’est installé à Somerset en mars dernier, sous l’impulsion de cinq chercheurs, artistes, jardiniers et spécialistes des champignons. Ils avaient fait leurs premiers pas au sein de l’institution en 2016, alors que les programmateurs célébraient l’utopie et les 500 ans du livre Utopia, de Thomas More, œuvre fondatrice de la pensée utopiste.

Le groupe monte alors un projet ambitieux : celui d’étudier l’opportunité d’une agriculture au sein de Somerset, un bâtiment où le béton et la pierre recouvrent chaque parcelle. « C’est un environnement hostile pour la nourriture et la nature », reconnaît Tim Mitchell. Déjà, ils ont planté des rhubarbes avec les résidents de l’institution. Dans les sous-sols du bâtiment, qui autrefois abritaient les caves à charbon, ils ont installé leur ferme à vers où ils produiront du compost pour les légumes et une ferme à champignons qu’ils alimentent entre autres avec le marc de café du restaurant de Somerset.

Visite de la ferme aux champignons avec Tim Mitchell. © Elsa Ferreira

Le collectif prévoit également de faire pousser ses légumes dans le noir, pour « transformer les contraintes en atout ». Le processus existe déjà, mais les artistes prévoient un certain niveau d’expérimentation. « Avec un peu de chance, nous allons faire des découvertes. » Le but : un cycle de nourriture zéro kilomètre, où les légumes seraient servis dans le restaurant et leurs restes transformés en compost pour faire pousser la prochaine récolte.

Gastrosophie ou la sagesse

Le collectif s’inspire de Charles Fourier, philosophe français (1772-1837), créateur de la « gastrosophie » ou « sagesse du ventre », explique Jane Levi, cofondatrice et historienne de l’alimentation. « C’était sa réponse à la gastronomie, qu’il pensait superficielle, faite pour que les gens dépensent beaucoup d’argent et mangent trop sans comprendre leurs propres goûts. »

Une approche basée sur le savoir et le DiY : « Ça ne sert à rien de dire que tu aimes les asperges si tu ne sais pas comment les cultiver, reconnaître les différentes espèces et les cuisiner de quinze manières différentes », explique Jane Levi. Sur le partage aussi. « Selon son concept de gastrosophie, on construit une communauté et on ne peut réaliser des choses qui ont du sens pour la société seulement si on travaille la terre ensemble, si l’on cuisine et on mange dans un processus holistique partagé avec les autres. » A terme, Edible Utopia aimerait d’ailleurs transformer certains de ses légumes lors d’ateliers (confitures, confits…) et organiser un festin géant dans la cour de Somerset House.

Les vers, eux, sont déjà au travail. Lors de la journée de la Terre, en avril, Tim Mitchell a construit avec les visiteurs des boîtes pour accueillir les créatures. En voici le tuto.

Atelier de fabrication de fermes à vers à Somerset House. © Elsa Ferreira

Outils

– Une boîte de taille moyenne avec un couvercle ;
– Un robinet ;
– Un morceau de tissu à fines mailles (comme un morceau de collant nylon) ;
– Du fil de nylon ;
– Un morceau de plastique épais à utiliser comme membrane (un vieux sac à compost est idéal) ;
– Un seau de gravier ;
– Du compost ou des feuilles pourries et du terreau ;
– Au moins 500 vers rouge, vers à fumier ou vers à compost. 

Étapes

– Percer un trou dans la boîte pour placer le robinet aussi bas que possible ;
– Fixer le robinet hermétiquement avec un joint ;
– Placer le morceau de collant en nylon autour du robinet, à l’intérieur, pour agir comme un filtre ;
– Percer une série de trous à environ 9cm d’écart, juste en dessous du couvercle ;
– Remplir le fond de la boîte avec 9cm de graviers ;
– Couper le morceau de plastique pour recouvrir le gravier et reposer sur les rebords de la boîte pour éviter aux vers de tomber ou creuser dans le puisard ;
– Percer de nombreux petits trous dans le plastique pour permettre au lixiviat des vers (le jus du compost, en quelque sorte) de filtrer jusqu’aux graviers ;
– Placer 9cm de compost et de terreau, disposer les vers par-dessus puis ajouter 2 ou 3cm de terreau ;
– Placer environ un litre de déchets organiques sur le compost et le recouvrir de plusieurs couches de journaux humides, replacer le couvercle et laisser les vers s’installer pendant deux semaines.

Mode d’emploi

À partir de là, il suffit d’ajouter les déchets au fur et à mesure que les précédents ont été compostés et de replacer la couche de journaux humides. « Les vers travaillent mieux quand ils sont à l’aise : placez donc votre boîte de vers à compost dans un endroit abrité à l’abri du soleil et protégez-la en hiver », conseille Edible Utopia.

Après deux mois de ce régime, les vers mangeront vos déchets organiques avec enthousiasme.

Le tuto complet de Tim Mitchell d’Edible Utopia (PDF, en anglais)

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