Makery

Le collectif MU plante ses Métamines pour «rebrasser» la ville

La Station-Gare des Mines, haut lieu des nuits parisiennes… et de la fabrique alternative de la ville. © Côme Cerezales-MU

MU ne donne pas que dans l’organisation de nuits alternatives. Du 31 mai au 2 juin, le collectif propulse dans trois lieux du nord-est parisien Métamines#2, plateforme d’échange sur la fabrique de la ville. Explications avec Olivier Le Gal et David Georges-François.

Partager la fabrique de la ville. Pour que la planification et la transformation urbaines ne soient pas réservées aux experts, le collectif MU organise Métamines#2, du 31 mai au 2 juin, avec SNCF immobilier, et en partenariat avec Makery. Cette deuxième édition consacrée à la métropole, intitulée « Imaginaires du Grand Paris, augmenter la ville, créations numériques et mise en récit du territoire », propose une plateforme d’échange avec des acteurs plus ou moins institutionnels. On a demandé à Olivier Le Gal et David Georges-François, deux des « piliers historiques » du collectif MU, de poser ici les enjeux de ces trois jours de discussions, tables rondes, expositions et croisières sonores.

David Georges-François et Olivier Le Gal. © Makery

Pourquoi organiser Métamines quand on est un collectif occupant la Station-Gare des Mines plutôt porté sur l’expérimentation musicale ?

Olivier Le Gal. On ne se retrouve pas par hasard dans le cadre d’une occupation temporaire (qui va durer a priori jusqu’à fin 2019) sans se poser un certain nombre de questions sur le type de lieu qu’on essaie de développer. La Station-Gare des Mines s’inscrit dans un historique des lieux alternatifs, intermédiaires, indépendants. Le propos de Métamines, c’est de savoir ce que ce type de lieu peut apporter à la fabrication de la ville. Cette année, on s’intéresse à la métropole, à un territoire plus vaste où l’on convoque différents médiums comme les drones et la cartographie sensible pour saisir cette dimension territoriale. Un des gros thèmes de cette édition c’est le tiers-lieu, mot qui ne vous est pas étranger, et qu’on a envie de déconstruire un peu, pour questionner la réalité de ces lieux, leur interdépendance par rapport aux territoires sur lesquels ils sont ancrés, voir quels sont leurs points forts mais aussi leurs faiblesses. Et par le partage d’expériences, construire une forme de boîte à outils pour qu’on en ressorte avec plus de force, plus d’autonomie pour faire face à un environnement qui n’est pas si tendre par rapport à ce type d’expérience.

La Station-Gare des Mines est-elle un tiers-lieu?

David Georges-François. Ça ne me gêne pas qu’on s’appelle tiers-lieu, mais il y a une typologie à faire : nous sommes dans un rapport sensible au territoire, nous défendons une approche artistique qui peut croiser d’autres pratiques, ce qui n’est pas forcément le cas d’autres tiers-lieux plus orientés business. Ça ne veut pas dire qu’on n’a pas de contraintes économiques ! Nous essayons de conjuguer une forme de survie et de rentabilité économique et d’interroger et défendre la place du sensible. Qu’est-ce qu’on perçoit d’un territoire, comment on le fait surgir, c’est notre savoir-faire.

La Station-Gare des Mines est d’abord identifiée comme un lieu de programmation musicale. © Otto Zinsou-MU

OLG. Le cœur du projet de MU est musical, il est lié à programmation à l’intérieur des murs. Les rencontres Métamines sont une façon de mettre en relief une démarche qui n’est pas forcément la plus visible : essayer de tenir et de développer des rapports critiques par rapport à notre situation. Certains artistes, comme Valérie Jouve avec qui on essaie de mettre en place une résidence entre 2018 et 2019, ont un regard particulier et singulier, sans doute pas consensuel par rapport à l’évolution de cette porte d’Aubervilliers dont on va parler le premier jour. L’écrivain Philippe Vasset qui revient cette année (il était invité à l’édition 2017 de Métamines, ndlr) ne fait pas que critiquer l’urbanisation qui se met en place autour de la Station, il explore le territoire et en fait un récit extrêmement caustique. Cette manière de dire le territoire, c’est ça qu’on défend. Les tiers-lieux comme alternative, comme espace d’élaboration. C’est ce qui nous intéresse le plus : en quoi ces espaces peuvent fabriquer une façon de faire la ville autrement.

Des tables rondes se tiendront à la Station ou au 6b. L’objet de Métamines, c’est de montrer qu’on peut fabriquer la ville avec ce genre de lieux alternatifs?

OLG. L’enjeu, c’est de voir comment un projet comme le nôtre, qui est vraiment incarné, fait parler de lui, peut peser, se transformer, voire s’ancrer. On a cette chance particulière de ne pas être dans le cadre d’une occupation temporaire (ou transitoire, comme disent les promoteurs immobiliers) comme les Grands Voisins ou Ground Control qui ont un projet assez borné sur l’après. Sur cette porte d’Aubervilliers, nous sommes avant la construction de la ZAC dont la forme n’est pas complètement arrêtée, et qui vient juste d’être changée. Avec Métamines, on veut créer les conditions du débat et la façon dont il est structuré. Pas comme dans ces réunions publiques d’information organisées par la ville de Paris, on veut les amener sur notre terrain. Comme une stratégie de contournement. On parle du regard des artistes et de gens que ça intéresse sur le plan politique. On parle de création digitale et de récit sur la ville pour désamorcer la dimension critique, même si elle est bien présente. L’intérêt de Métamines#2, c’est que le minimum de ce qui est communicable va l’être par l’institution, soit par la ville, soir par l’Apur (l’atelier parisien d’urbanisme), soit par l’agence Ville ouverte (qui est chargée de la médiation du grand projet urbain Paris Est et dont la mission consiste à rencontrer les acteurs avant le processus de concertation obligatoire prévue fin juin). On avait envie de précéder la décision, de les “forcer” à délivrer une partie de leurs intentions avant que le projet soit globalement ficelé, pour éviter ce que fait Macron avec la SNCF du “concertons-nous mais tout est déjà décidé”.

Justement, que savez-vous du projet d’aménagement de la zone où est située la Station, installée sur une parcelle SNCF entre le périphérique, Paris et Aubervilliers. Et quelle est votre place dans ce projet?

DGF. Au départ, il devait y avoir une seule ZAC. Finalement il y en aura deux, une petite, gérée par Plaine Commune à Aubervilliers côté cirque, et la plus grosse partie, qui sera constituée fin 2019, la zone où est la gare des Mines et qui sera confiée à Paris Batignolles Aménagement, donc à la ville de Paris.

OLG. Etait prévu porte de la Chapelle, le Marché des 5 continents, une relocalisation du marché de la Goutte d’Or pour désengorger le semi-gros et l’amener à la périphérie. Mais ce qui devait être le Rungis des produits exotiques va être remplacé par l’Arena 2 (la nouvelle salle omnisports de 7.500 places porte de la Chapelle pour les JO 2024, ndlr). Les derniers plans de l’Apur mettaient l’accent sur une transformation assez rapide des deux portes, Aubervilliers et la Chapelle, alors qu’au départ c’était par la zone des Mines (où nous sommes) que devait débuter l’aménagement et qui prévoyait une surélévation du périphérique.

DGF. Jusqu’à fin 2019, la Station-Gare des Mines est dépendante de SNCF Immobilier, date à laquelle la SNCF vendra la parcelle à la ville de Paris. Au départ, on avait une occupation temporaire pour six mois. On nous a signifié la prolongation jusqu’en novembre 2019. Après, on ne sait pas. La ville de Paris reprend la main sur le territoire et nomme l’aménageur Paris Batignolles Aménagement qui s’occupe aussi des Grands Voisins. C’est la particularité de notre situation : le propriétaire qui nous permet d’avoir notre activité n’est pas celui qui va à terme aménager la parcelle, et le projet à terme n’est pas défini.

Le flou du projet vous permettrait de peser sur l’aménagement?

DGF. Nous ne sommes pas dans une situation standard et c’est notre chance. Après six mois pop’up (occupation temporaire, ndlr), la région Ile-de-France nous a subventionnés au titre de l’urbanisme transitoire, et nous avons un autre gros financeur, le CNV (Centre national de la chanson des variétés et du jazz) qui est à la musique ce que le CNC est au cinéma. Notre point fort est basé sur l’exploitation hyperintensive du lieu les six premiers mois (on a accueilli 35.000 personnes, soit 350 personnes par date).

OLG. Il y a eu un alignement de planètes pour le CNV qui a bien voulu soutenir un projet éphémère dû à l’intensité de la programmation : tout ce que Paris comptait de jeunes groupes émergents se sont retrouvés en plein air sur une scène de festival, un peu comme la scène label de Villette sonique, sauf que c’était en non-stop pendant vingt semaines. Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir ces moyens. C’est pas la règle, on est contents, mais on se pose la question de comment asseoir des lieux comme le nôtre dans une temporalité plus longue pour qu’ils restent maîtres de leur modèle économique. C’est l’objet de la deuxième table ronde de Métamines : comment impacter le projet urbain dans la durée et renforcer ces tiers-lieux du point de vue de leur structuration, en se posant la question d’être propriétaire de son espace par exemple. C’est pour ça qu’on invite Juliette Bompoint de Mains d’Œuvres, et aussi KissKissBankBank, pour comprendre comment les usagers peuvent aussi contribuer au modèle économique. Comment mettre autour de la table de nouveaux business angels, fédérer de nouveaux financeurs pour que cette économie innovante fasse naître des activités nouvelles au titre de l’ESS (économie sociale et solidaire).

Par effet de rebond, donc, la question est plus large que “est-ce que la Station va rester plus que deux ans de plus ?”… Si on a un an ou deux de plus, ce sera décidé au niveau politique. C’est pour partager la réflexion et l’expérience qu’on a aussi invité des gens de Saint-Etienne dans Métamines#2. Le premier jour de rencontres, c’est un état des lieux de la porte d’Aubervilliers qui permet de voir comment des projets transitoires peuvent avoir un impact sur le long terme. Cécile Diguet de l’IAU (Institut d’aménagement et d’urbanisme), qui va mener la table ronde, a fait pour la région Ile-de-France un rapport sur l’urbanisme transitoire en janvier 2018 qui pose la question : est-ce que c’est une manière d’optimiser et de valoriser sur une période très courte quelque chose qui ne valait rien avant, soit en termes d’image soit en termes de location ou de gardiennage économisé, ou est-ce une manière de réinventer la ville et de nouveaux usages ?

Si Métamines peut vous apporter des réponses, c’est tant mieux ?

OLG. Ça nous apportera beaucoup plus de questions que de réponses, mais c’est important d’identifier des acteurs qui potentiellement peuvent devenir de futurs alliés. A Paris, si on dépasse la question de l’institution et des lieux établis, il y a un nouvel écosystème de nouveaux acteurs, pas forcément des jeunes d’ailleurs. Dans notre équipe, on a des gens de 50 ans, d’autres de 25. Certaines personnes au sein de structures établies viennent nous voir et s’intéressent à la programmation. Ce genre de lieu rebrasse les choses.

Pop’up de la Station-Gare des Mines avec le festival du Turc Mécanique en septembre 2016. © Côme Cerezales-MU

Vous êtes des acteurs ancrés dans un territoire qui faites des choses pointues et, d’un autre côté, votre bailleur c’est la SNCF qui se trouve au cœur d’un conflit social assez lourd et aux implications sociales assez larges. Est-ce gênant, y voyez-vous une contradiction?

OLG. Comme on est précaires, ce qui nous permet d’avancer, c’est la relation privilégiée qu’on entretient avec la chef de projet de SNCF Immobilier, qui est notre principal allié, un partenaire qui active ses réseaux par rapport aux problématiques qu’on essaie de soulever et ces projets urbains alternatifs.

DGF. On nous a proposé d’accueillir une soirée de soutien à Julien Coupat, on était partants. On n’a pas dit non, on n’a pas dit oui, ça s’est fait ailleurs.

OLG. Au-delà de ça (c’était en janvier, avant le conflit), sur un plan personnel, je ne peux pas dire que je ne soutiens pas le mouvement des cheminots. Sur un plan concret, étant précaires et dépendants, on n’a pas officiellement manifesté notre solidarité vis-à-vis du mouvement. Mais on a conduit le projet Rail Océan pour Nuit Blanche 2017 sur la mémoire du rail où on donne la parole à des syndicalistes et des travailleurs qui ont expérimenté l’histoire cheminote et les régimes spéciaux… On a été invités à rejouer Rail Océan pour les 80 ans de la SNCF dans un avion en carton-pâte. Des cheminots ont débarqué. Ça s’est réglé en un tour de piste entre la direction et les syndicalistes (“on vous montre et ça passera aux médias”) puis on a eu une heure de discours de la direction sans aucune référence à l’histoire de la SNCF. Ils n’ont parlé que de logos… On avait l’impression d’être dans une entreprise schizophrène avec d’un côté la mémoire ouvrière, des gens attachés à leur statut et qui sur le terrain ont un travail dur, et de l’autre côté, la superstructure. Avec nos cinq artistes, on était pile-poil en plein milieu, coincés dans notre avion.

Rail Océan, intervention du collectif MU pour Nuit Blanche 2017. © Gaëlle Matata-MU

Y a-t-il une part d’autocensure?

OLG. Non, on se retrouve à faire des projets documentaires dans ce milieu ferroviaire !

DGF. L’essentiel, c’est de se saisir des questions de précarité sociale sur le territoire, des questions économiques.

Métamines#2 ne propose pas de débat sur la précarité sociale ou sur la manière dont l’aménagement urbain pourrait lutter contre la précarité. N’est-ce pas un aspect qui, au même titre que la présence des acteurs des tiers-lieux, est toujours minoré dans les plans d’aménagement et d’urbanisme?

OLG. D’expérience, on fait remonter des usages différents du logement normé, du bureau normé et des espaces de loisirs normés. C’est aussi le cas d’autres espaces comme le nôtre. Mais on ne va pas résoudre seuls la question de la porte d’Aubervilliers et de ses populations marginalisées (comme par exemple avec le projet de relocalisation du Caarud, le Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues). Ces espaces posent tout un tas de questions.

DGF. On a accueilli spontanément le Good Chance Theater en avril 2017 pendant deux mois. Le but de cette compagnie anglaise est d’installer un chapiteau et d’organiser des ateliers d’expression artistique avec les migrants et les réfugiés. Des réfugiés venaient quotidiennement mener une activité artistique. On fait aussi des groupes de parole avec les migrants, on met à disposition nos espaces et ce ne sont jamais les mêmes qui participent. On n’en fait pas forcément la publicité. D’ailleurs, je trouve ça plus intéressant que le côté shiny du Good Chance Theater qui balance ses vidéos sur Facebook, et en fait son fonds de commerce. On a aussi organisé une projection de Paris est une fête, le film de Sylvain George, qui a tenu un discours assez dur sur la façon dont les artistes ont investi sur le tard Calais, et sur la surmédiatisation des migrants.

Sous le chapiteau du Good Chance Theater. © DR

OLG. On est ouverts aux alternatives, on n’est pas un espace d’accueil pour des minorités. Pas seulement… Spontanément on met à disposition les espaces. Comme la Station n’a que trois jours d’exploitation dans la semaine (d’ouverture au public pour des concerts, ndlr), l’enjeu c’est d’avoir au sein du lieu plusieurs projets qui cohabitent avec une marge plus ouverte sur le quartier.

Vous avez souvent travaillé les questions de mobilité et de transport, que ce soit du rail (Rail Océan) ou du bateau (Bande Originale en 2014, European Sound Delta en 2008). Vous participez au Fab City Summit en juillet avec un projet de transport fluvial. Pourquoi?

OLG. C’est la réunion entre la volonté de collaborer avec Urban Spree, tiers-lieu à Berlin qui monte un projet culturel fluvial de péniche studio atelier, en leur permettant de créer leur premier événement à Paris, et de projeter de cette façon le Sonic Lab (le fablab de BrutPop à la Station, dont on vous parlait ici, ndlr). Cet objet bateau mobile s’inspire de notre expérience fluviale Bande Originale (des croisières sonores et une exploration artistique du canal de l’Ourcq, ndlr). Par rapport à ce que va être le Fab City Summit, BrutPop voulait se singulariser, revendiquer la culture ouverte réappropriable, incarner une certaine alternative au-delà des fablabs intégrés dans certaines chaînes de magasins de bricolage. On rejoint la problématique du tiers-lieu : sous le même mot-valise, on peut retrouver des réalités différentes. Sonic Lab, c’est plein d’instruments à construire soi-même et documentés en open source. On a la volonté de développer et promouvoir ce type de démarche hors système marchand. On est militants sans trop l’être. Il ne s’agit pas de hisser le drapeau noir sur la péniche mais de manière sous-jacente de porter une voix un peu différente, singulière encore une fois. L’idée c’est de joindre les deux bouts, de toujours parler aux activistes et d’arriver à se servir de notre position…

DGF. C’est notre singularité, on est liés au système, mais on déplace les choses.

OLG. C’est aussi lié à notre parcours à tous les deux. On est des producteurs, conscients des problématiques de l’équilibre financier. On n’est pas des doux rêveurs mais des gens qui essayons de faire tenir la boutique. Le collectif MU a 15 ans, ça a été très fragile, ça l’est un peu moins. De même, on ne parle pas d’autorité par rapport à BrutPop, qu’on accueille en résidence, avec qui on partage certaines valeurs, qui nous ouvrent sur des valeurs qui croisent les pratiques du son. Ça se fait par le faire. Le discours ne précède pas l’action.

Urban Spree, à Berlin, est partenaire de la Station-Gare des Mines. © Urban Spree
Street-art chez Urban Spree à Berlin. © Urban Spree

C’est comme avec le projet européen Third Spaces qu’on essaie de mettre en place en 2018, 2019 et 2020. Une recherche action basée sur le fonctionnement interne de six tiers-lieux en Europe, certains sont des coopératives, d’autres des associations, certains sont subventionnés à 80%, d’autres à 20%. Ils ont des configurations différentes mais sont tous relativement autonomes dans leurs choix et la conduite de leurs espaces. Le tiers-lieu LaVallée à Bruxelles dépend de la coopérative Smart, Urban Spree à Berlin est un lieu privé en train de muter sur ce bateau Urban Boat, Pixelache à Helsinki développe un projet de lieu démontable, Temporary Pavilion, qui va se poser sur la zone industrielle et culturelle d’Helsinki, Attack ! Zagreb est un hackerspace de 20 ans d’existence, Medea Electronik à Athènes, un collectif assez proche de nous, organise des résidences d’artistes dans une ferme en milieu rural près de Sparte, puis intègre le résultat de ces résidences dans leur festival au printemps.

L’idée, c’est d’observer comment ces lieux fonctionnent, quel dialogue ils entretiennent avec le territoire, la manière dont les savoir-faire du lieu et du territoire peuvent interagir, on ne parle pas que de technologies mais aussi de savoir-faire profanes, de communs. La dimension innovante consiste à tester des prototypes technologiques dans différents contextes, pour avoir à la fin une boîte à outils qui potentiellement pourrait servir à des gens qui souhaiteraient réitérer ce type d’expériences. Et l’idée ultime, c’est de faire un projet à très grande échelle en faisant revivre la péniche comme un centre de ressources mobile, pour favoriser de nouveaux espaces, pas forcément urbains mais ruraux… En attendant la réponse de l’Europe, en juin, on entretient déjà des relations bilatérales avec Athènes, Helsinki, Bruxelles. Sur la recherche elle-même, on va accueillir la chercheuse Natalia Bobadilla qui prend la Station comme terrain de recherche et cherche à développer un projet européen sur la fertilisation croisée de ces lieux avec le territoire. Si le projet se fait, elle s’en servira comme terrain, et créera un réseau universitaire de chercheurs.

Vous sentez-vous impliqués par le concept de la fabcity? Sur la ville résiliente et la production relocalisée, même au-delà du Summit, pensez-vous avoir un rôle à jouer ?

OLG. De fait, la création artistique en soi est très locale, au-delà de l’agriculture et de l’artisanat, nous sommes déjà dans une production localisée. Nous ne sommes pas qu’un lieu de diffusion, on accueille pas mal d’artistes en résidence.

DGF. Comme par exemple Atelier Craft, un petit collectif (un architecte, un designer et un plasticien) qui a conçu et scénographié la Station (intérieur et extérieur). Ils sont en résidence et développent leur activité côté privé, ils ont des préoccupations proches de nous, ils participent pleinement à la vie du lieu. Leur conception de l’architecture est proche de Bellastock.

OLG. Et BrutPop s’inscrit complètement là-dedans. Nous ne sommes pas les fers de lance de cette démarche, qu’on soutient, notamment côté formation. Même si on a un fablab au sein de la structure, nous sommes plus une scène qu’un fablab, de par la fréquentation qu’on a.

David Lemoine et Antoine Capet (BrutPop) inaugurent le Sonic Lab en octobre 2017. © Carine Claude

Comment vous vous voyez dans dix ans, vous qui avez commencé dans un garage?

DGF. Notre première implantation en 2004, c’était dans une galerie associative de la Goutte d’Or, Cargo21 (déjà un bateau…). Parallèlement on était en résidence à la Maison du geste et de l’image au centre de Paris. Et puis, on a eu deux ans en résidence transdisciplinaire au Point Ephémère, où on a produit le festival Filmer la musique. A partir de 2007, on a loué des locaux et le Garage dans le 18ème.

OLG. Filmer la musique est un projet de festival qui est le produit d’une résidence, de la même manière que le projet Bande Originale est le produit d’une résidence 93 (avec le département de Seine-Saint-Denis, ndlr). La Station, projet choisi par SNCF Immobilier, est un peu en résidence. Pour la suite, j’aime beaucoup le projet de Nicolas Defawe d’Urban Boat, qui veut monter une armada et foncer sur Béziers chez Robert Ménard. L’idée du nomadisme, de pouvoir créer des résidences mobiles et des dispositifs mobiles et pouvoir voyager, ça me plairait. Même si c’est génial, la Station !

A bord de la péniche de European Sound Delta en 2008. © MU

DGF. MU, c’est un collectif, il y a d’autres gens. J’aime bien l’idée d’une base un peu fixe à partir de laquelle tu peux déployer des projets nomades. Avoir un projet fixe, c’est aussi avoir une forme d’assise économique. Sur un plan économique, la Station ça marche, mais ça dépend beaucoup de l’énergie des gens qui l’animent.

Et ça recouvre quoi le collectif MU?

DGF. On a changé d’échelle en passant à la Station, on est trois à quatre fois plus nombreux, soit une quinzaine, avec un renouvellement quasi intégral du collectif, sauf les trois piliers “historiques”, Olivier, Eric (Daviron, programmation musicale, ndlr) et moi.

Donc dans dix ans, MU c’est un port et un bateau?

DGF. Oui c’est ça, un port et un bateau (rires).

OLG. Si on pouvait dépasser notre mort programmée en mode temporaire, faire en sorte que le lieu perdure sans que ce soit le frigo de la porte d’Auberbilliers, renouveler l’architecture en préservant ces deux bâtiments qui signifient le nom de la zone, Gare des Mines… Sur un plan patrimonial, ce serait très beau d’en faire un lieu culturel, pourquoi pas transdisciplinaire. Un des projets auxquels on réfléchit serait de proposer une pérennisation de la Station dans le plan que la ville est en train de monter mais qui ne va pas dans le sens de ce qu’elle a prévu…

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