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TechShop US, c’est fini

A peine ouvert, déjà fermé: inauguré en octobre, le TechShop Brooklyn sombre avec les autres magasins américains. © DR

Coup de massue dans le monde des makers. Hier, 15 novembre, la chaîne de makerspaces TechShop, en faillite, a annoncé la fermeture de ses dix magasins aux Etats-Unis.

L’annonce a fait l’effet d’un séisme : TechShop ferme boutique aux Etats-Unis. Et la décision est définitive. A compter du 15 novembre, la mise en faillite de ses dix points de vente américains scelle leur sort, « en dépit de plusieurs mois d’effort pour restructurer la dette de la société et lever des capitaux pour financer le tournant stratégique que nous avions récemment annoncé (…). Nous n’avons pas d’autre choix », déclare Dan Woods, le PDG de TechShop, dans un communiqué.

Emblématique de l’essor du mouvement maker, cette chaîne de makerspaces fonctionnant sur abonnement avait été fondée par Jim Newton en 2006. Depuis, son réseau comptait 9.000 membres actifs aux Etats-Unis. Une véritable success story à l’américaine dans l’univers des start-ups, avec ses magasins équipés de parcs machines à plus d’un million de dollars mis à disposition du public pour 4$ par jour. En 2015, la marque prévoyait même l’ouverture de 1.000 nouveaux makerspaces TechShop sur le territoire américain à l’horizon 2017.

Lors de sa visite au TechShop de Pittsburgh en juin 2014, le président Obama chantait les louanges des machines partagées «pour le prix d’un abonnement au club de sport». © DR

Malgré quelques signes avant-coureurs, notamment la fermeture du magasin de Pittsburgh, l’enseigne semblait se porter comme un charme : quelques semaines avant sa mise en liquidation, elle ouvrait un nouvel espace de 6.000m2 à Brooklyn, avec un tarif d’abonnement de 200$ par mois. Mas ces recettes étaient visiblement insuffisantes pour maintenir la société à flot. « Alors que certains points de vente ont réussi à générer un flux régulier de revenus et de trésorerie, la société dans son ensemble et la majorité des magasins n’ont pas été profitables, avec, pour conséquence, la constitution d’une dette importante », poursuit le communiqué.

Un changement de stratégie trop tardif?

Récemment, TechShop avait amorcé un tournant stratégique avec le lancement de TechShop 2.0, un service de conseil pour permettre à des universités, des associations ou des entreprises de créer leur propre makerspace. Et par là même de faire d’une pierre deux coups en se délestant petit à petit de la gestion directe de magasins TechShop sous licence. « Un réseau de makerspaces lucratifs ne peut pas tenir sans subventions extérieures des villes, des sociétés et des fondations, que ce soit sous la forme d’adhésion, de bourses de formation ou de programmes sponsorisés, affirme Dan Woods. Or, ce mode de financement existe pour les structures non lucratives, mais c’est rarement le cas pour les entreprises commerciales. »

Cet avion en cours de montage au TechShop d’Arlington ne volera pas… © Makery

« Même si ce ne sont pas des TechShop, il n’existe pas de fablab en France ou ailleurs qui fonctionne sans subventions », analyse Bertier Luyt, initiateur des Maker Faire en France et fondateur du Fabshop, ayant lui-même connu les affres de la liquidation. Il ajoute : « Un fablab qui marche s’équilibre entre une partie associative et communautaire qui sert d’outil de communication à une partie plus capitalistique constituée en société qui fournit des services », citant en exemple vertueux « d’un système qui fonctionne » le fablab Berlin ou encore ICI Montreuil.

« Ce que dit TechShop dénote beaucoup dans un paysage américain que l’on imagine souvent comme très capitalistique, sans subventions publiques », poursuit-il. Pour exemple, il prend la théorie développée par Maker City qui prône l’occupation des espaces publics subventionnés en chute de fréquentation comme les bibliothèques. « On est dans l’idée que dans ces grands espaces payés par la communauté, où il y a du personnel formé à l’accueil du public et à la transmission, on peut inscrire des pratiques d’échanges et de savoirs du Faire. »

Et le réseau TechShop à l’international?

En France, TechShop déclare n’avoir eu vent de la nouvelle qu’à la dernière minute. « Nous avons eu la tristesse hier [15 novembre] d’apprendre l’arrêt des activités de TechShop aux Etats-Unis, déclare TechShop-Ateliers Leroy Merlin, la filiale française portée par le géant du bricolage. Nous partageons la déception de nos amis, les pionniers dans la création de makerspaces aux US. Nous sommes de tout cœur avec les équipes et avons une pensée pour les membres pour qui ces lieux étaient une deuxième maison ou la plateforme qui leur avait permis de lancer leur entreprise… et qui ont changé leur vie. »
De son côté, la marque américaine affirme que la fermeture de ses établissements aux Etats-Unis n’affectera pas le fonctionnement des TechShop implantés à l’international (Paris, Lille, Tokyo et Abu Dhabi) adossés sous licence à d’autres structures.

La grande salle de TechShop Tokyo. © Makery

« Bien que nous partagions le même nom, TechShop, les entreprises américaines et françaises ont toujours été distinctes, précise le communiqué. L’arrêt des activités aux Etats-Unis est donc sans conséquence pour la France (…), l’aventure TechShop-Ateliers Leroy Merlin continue, avec une vision proche de nos confrères américains, mais un business modèle un peu différent. » Ils l’affirment : l’inauguration du troisième TechShop français à la Station F est bien maintenue, d’ici quelques semaines.