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Chronique de makers-farmers en formation (2)

Pour nettoyer la mare, on commence par creuser le canal de débordement. © Alexis Rowell

Comment cultiver en permaculture avec des arbres et plantes bien arrosés en plein changement climatique? Alexis et Blanche ont sorti la pelleteuse pour faire une piscine naturelle.

Pour La Grande Raisandière, notre future ferme en permaculture dans le Perche, nous allons avoir besoin de beaucoup d’eau de pluie dans notre mare. Avec l’agriculture naturelle, on est supposé anticiper au maximum pour produire plus avec moins, obtenir par exemple une récolte maximum de fruits avec zéro énergie fossile, tout en fournissant des efforts physiques minimum pour l’animal comme pour l’homme. Par conséquent, l’eau de pluie est essentielle pour arroser les arbres et les plantes au fur et à mesure que les étés deviennent plus secs à cause du changement climatique dû à l’homme. L’eau de notre mare améliore la biodiversité et attire des espèces comme les grenouilles et les hirondelles, qui mangeront les insectes qui attaquent nos cultures. Et puis, elle va nous permettre de… nager !

La mare avant les grands travaux de nettoyage et d’excavation. © DR

Lorsque nous avons acheté La Grande Raisandière, notre mare, bien que magnifique, était surtout remplie de boue. Notre voisin Louis nous a dit qu’il ne l’avait jamais vu curée, ce qui nous ramène à la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup de poissons y vivent cependant : des centaines de gardons, des petits poissons d’eau douce argentés qui font de la natation synchronisée à un niveau olympique ! Nous avons donc décidé de nettoyer et d’approfondir la mare tout en protégeant le plus de poissons possible.

Tout d’abord, nous devions savoir jusqu’où nous pouvions aller sans percer la couche d’argile qui retient l’eau dans la mare. Il s’avère que nous avons un sol limoneux (matière organique décomposée) jusqu’à 70cm puis argileux jusqu’à 3,60m, ce qui nous laisse beaucoup de marge d’erreur. (On vous épargne l’histoire de l’excavation du trou d’essai, allez donc lire par là si ça vous intéresse).

Puisque l’un de nos objectifs était de créer une piscine naturelle, j’ai contacté des spécialistes, qui visiblement préfèrent créer des piscines artificielles en boucle fermée, plus faciles à contrôler, qui n’ont pas d’arbres autour qui laisseraient tomber leurs feuilles sales ! Ils exigeaient des dizaines de milliers d’euros, un prix ridiculement élevé.

Un mot sur l’énergie fossile. Notre objectif est de créer une ferme en permaculture qui n’utilise pas d’énergie fossile et ne contribue donc pas au chaos climatique créé par l’homme. Dans la phase de conception cependant, nous devons faire des compromis. Même l’Autrichien Sepp Holzer, pionnier de l’agriculture naturelle en Europe, utilise une pelleteuse de temps en temps. Il explique d’ailleurs ici comment il scelle les mares en utilisant une pelleteuse pour imiter la vibration des cochons se vautrant dans la boue !

Etape 1: Creuser le canal de débordement

En tant que makers-farmers en devenir, nous avons décidé de faire nous-mêmes cette piscine naturelle, avec l’aide d’une pelleteuse diesel, de son opérateur Jean-Michel et d’un camion-tracteur conduit par Mehdi. Pour un coût total de 4.800€. Pas donné, mais très loin des tarifs affichés par les experts en piscines naturelles…

Tout d’abord, il a fallu approfondir le canal de débordement pour créer une installation de stockage pour l’eau et les poissons. Ce qui a pris un jour et demi. À 15h le deuxième jour, nous avons pu ouvrir le barrage entre la mare et le canal et avons regardé l’eau entrer.

Le canal de débordement de la mare a été élargi pour stocker l’eau avant le nettoyage. © DR

Etape 2: Libérer l’eau

Les poissons étaient un peu réticents au début, mais ils ont vite compris le message quand il est devenu évident que la mare se vidait. Ce soir-là, j’ai passé deux heures à courir avec un filet de pêche miniature en essayant de sauver des poissons échoués.

L’eau s’écoule dans le canal de débordement élargi. © DR

Etape 3: Curer la mare

La boue d’une cinquantaine d’années accumulée… © DR

Une fois que l’eau et les poissons de la mare ont été transférés dans le canal, Jean-Michel a commencé à curer la mare. Ces cinquante ans et quelques de feuilles et de brindilles décomposées font un compost fabuleux !

La mare asséchée et récurée. Prête à devenir notre source d’eau de pluie naturelle. © DR

Etape 4: Epandre la boue

Tandis que Jean-Michel curait la mare, Mehdi répandait la vase sur le pré. © DR

La vase récupérée de la mare a été épandue dans le champ de la ferme. La mare devrait maintenant pouvoir contenir trois fois plus d’eau (la boue avait un mètre d’épaisseur par endroits). Avec le canal, nous aurons finalement six à dix fois plus d’eau qu’à l’origine.

Pour compléter cette piscine naturelle, nous avons décidé d’allonger la ligne et la profondeur du canal dans la mare pour disposer d’une piscine olympique de 50m !

Notre future piscine olympique de 50m nage naturelle! © DR

Etape 5: Laisser la mare se remplir

Les gouttières de la maison principale dirigent déjà l’eau de pluie qu’elles capturent dans la mare grâce à des tuyaux souterrains.

Etape 6: Aménager le circuit de récupération des eaux de pluie

Nous installons d’autres gouttières sur la dépendance afin que davantage d’eau de pluie soit détournée vers la mare.

Une gouttière est installée sur la dépendance pendant que je creuse le trou qui ira jusqu’à la mare. © DR

Nos voisins nous ont aussi offert des plantes oxygénantes tirées de leur mare, des lotus et des iris d’eau, qui aideront à filtrer l’eau. Et puis, nous avons une autre source possible d’eau douce : notre puits bétonné descend visiblement vers une rivière souterraine. Prochaine étape : savoir si nous pouvons utiliser une pompe solaire pour en extraire l’eau.

Le puits s’alimente à une rivière souterraine. © DR

Ne reste plus qu’à voir ce que nos différentes sources d’eau douce et les plantes oxygénantes feront pour la qualité de l’eau. Maintenant, tout ce dont nous avons besoin, c’est de pluie. Beaucoup de pluie. Il est temps d’apprendre la danse de la pluie !

Retrouvez la précédente chronique des makers-farmers en formation

Plus d’infos sur le site de La Grande Raisandière