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Enquête Makery: les nouveaux métiers des fablabs

Photo de famille des fablabs et des makers réunis au Fablab Festival 2016. © Makery

Fabmanagers, entrepreneurs makers, concierges… Makery a voulu en savoir plus sur la situation de l’emploi dans les labs en interrogeant la communauté maker, en France et à l’étranger. Décryptage des résultats de notre sondage.

Souvenez-vous. En novembre 2014, Makery s’était transformé en mini-institut de sondage pour enquêter sur le métier de fabmanager, une profession alors en pleine émergence. Deux ans et demi plus tard, nous avons décidé de récidiver, cette fois-ci en élargissant notre sondage aux nouveaux métiers des fablabs.

Pourquoi ? Parce qu’en deux ans, le mouvement des labs s’est considérablement diversifié et étendu : aujourd’hui, notre carte recense plus de 850 labs (contre 400 fin 2014). Résultat, de nouvelles professions se structurent au sein de ce bouillonnant écosystème.

Nous avons donc réalisé un questionnaire anonyme portant sur l’âge, le genre, le niveau d’études, les compétences professionnelles, l’intitulé du poste occupé, l’ancienneté dans la fonction, la rémunération, mais aussi sur le temps de travail consacré aux tâches de gestion et de médiation, et bien sûr au making. Et pour ne pas être accusés de chauvinisme, nous avons élargi notre enquête à l’international, via les réseaux sociaux et le relais de nos correspondants au Japon, au Royaume-Uni ou encore sur le continent africain. En tout, 73 personnes ont répondu à nos questions (53 en français, 20 en anglais), permettant ainsi de dresser un état des lieux de ces professions hybrides.

Notre portrait-robot du fabtravailleur 2017

En France, il s’agit plutôt d’un homme, âgé de 29 ans, diplômé d’un bac +4 / bac +5 dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, occupant un poste de fabmanager depuis plus de deux ans pour lequel il est rémunéré entre 1000€ et 2000€ par mois. Bref, peu de différences avec notre portrait robot de 2014… A l’international, notre fablabber type est également un homme, un peu plus jeune (27 ans), lui aussi diplômé de l’université mais plutôt en business ou en design. Il se définit principalement comme un volunteer maker (maker bénévole), non rémunéré ou percevant une rémunération mensuelle inférieure à 1000€.

La parité en progression, mais pas partout

Parité (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte

Première bonne nouvelle de cette enquête : en France, la représentation des femmes travaillant dans les fablabs progresse. Elle s’élève à 24,5%, contre 15% en 2014. La parité, c’est pas encore gagné, mais déjà c’est mieux qu’à l’international où le plafond de verre stagne à 15%.

Place à la génération Z

Pyramide des âges (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte

En 2014, 50% des personnes interrogées avaient moins de 35 ans. Aujourd’hui, elles sont un peu plus de 56%. En France,1988 est un bon cru pour les makers, puisque 11% des sondés sont nés cette année-là, tandis qu’à l’international, un tiers d’entre eux sont nés en 1990.

Les grosses têtes

Niveau d’études (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte

Les niveaux master sont largement surreprésentés : près de 65% des sondés sont titulaires d’un diplôme de niveau bac +4 / bac +5.

Design, TIC et art en tête

Si à l’international, ce sont plutôt les filières du design et du business qui dominent les profils (65%), en France, la majorité des personnes travaillant dans un fablab viennent du secteur des technologies de l’information et de la communication (51%), suivi du design (38%). En cumulant les réponses en France et à l’étranger, le design sort en tête, suivi par les TIC et les secteurs culturels.

Répartition des compétences (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte

Des emplois qui se stabilisent

La professionnalisation des métiers des labs s’accentue. Désormais, 75% des personnes travaillant dans un fablab en France sont rémunérées, contre 50% en 2014. Mais à l’international, où le bénévolat reste fort, seules 55% des personnes interrogées déclarent être rémunérées pour leur activité. Concernant le niveau de rémunération, près de 64% des sondés déclarent désormais gagner plus de 1000€ par mois. Enfin, 44% des personnes interrogées déclarent occuper leur poste depuis plus de deux ans.

Salaire mensuel (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte
Ancienneté (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte

Cumul des mandats

Sans trop de surprise, les fabmanagers arrivent en tête des métiers (23,4%). Plus rares sont ceux qui déclarent occuper un poste de forgeur numérique ou de prototypiste (1,7% chacun), au profit des chargés de mission et des chefs de projet (10%). Comme en 2014, beaucoup cumulent les casquettes de fabmanager et de fondateur (9,5%), de directeur (3,5%) ou encore d’entrepreneur maker (9,5%). Quant à la nébuleuse des « autres », elle regroupe toute une variété de métiers et de fonctions : animateurs, techniciens, coordinateurs, formateurs… On y trouve même un « fab connector » et un traducteur en langue des signes.

Intitulé du poste occupé (sur 73 personnes en France et à l’international, mars 2017). © Pauline Comte

Nouveaux métiers, nouvelles fonctions

Mais la grande nouveauté de cette enquête est l’affirmation des métiers liés à la médiation et à la gestion de communauté : boudé en 2014, le métier de médiateur représente aujourd’hui 4,3% des sondés, tandis que les facilitateurs (6,9%), les concierges (3,4%), et les responsables de communautés (8,6%) s’imposent dans le paysage des labs.

Si ces métiers, ou plutôt exactement ces fonctions, font de plus en parler d’eux dans les fablabs et autres tiers-lieux, il est parfois difficile d’en cerner les contours. « Qu’est-ce que la facilitation ? Un subtil équilibre entre l’animation d’une communauté et d’un lieu, une compréhension d’un environnement technique, une sensibilité pédagogique et une activité de veille thématique », résume le Faclab de l’université de Cergy-Pontoise, qui propose un diplôme universitaire (DU) de facilitateur. En Aquitaine, la Coopérative Tiers-lieux offre également un cursus court pour former ces futurs facilitateurs, parfois assimilés aux concierges. Autre signe de l’air du temps : en janvier dernier, Edfab organisait son meetup à l’Usine IO autour de ces nouveaux métiers.

Cécile Combaz (Faclab) à propos du métier de facilitateur, Edfab meetup, 2017:

Pour le Movilab, un réseau d’acteurs de tiers-lieux, le concierge est au cœur du processus d’accueil et d’animation : « Le travail du concierge regroupe ainsi une grande diversité d’opérations : l’animation de communauté, mais aussi la gestion administrative (enregistrement des abonnements, facturation, etc.), la communication commerciale (alimentation du site Internet et des réseaux sociaux, rédaction de communiqués de presse, relation avec les partenaires financiers), puis la gestion de l’espace et du matériel (aménagement du lieu, réservation des salles, gestion des problèmes informatiques, nettoyage du lieu). » Ainsi, être concierge n’est pas tant un métier qu’un rôle.

La répartition du temps de travail

Enfin, la majorité des personnes interrogées déclarent consacrer un quart de leur temps de travail à des activités de médiation et un bon tiers à des activités de formation des usagers. Et le temps restant ? A « faire », fort heureusement !