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Un clitoris imprimé en 3D, une première en France

Impression 3D d'un clitoris à taille réelle, peint à la gouache. © CC by SA Marie Dorcher

Un bond en avant pour l’éducation, la science et l’égalité… Pour la première fois en France, un clitoris à taille réelle a été modélisé et imprimé en 3D par la chercheuse Odile Fillod au fablab Carrefour numérique.

En retard, la France ? Côté éducation, on peut dire que ça pèche : en 2016, difficile de trouver une représentation exacte du clitoris dans les manuels de SVT (sciences de la vie et de la terre). Pour mettre fin à cette situation anachronique, Odile Fillod, chercheuse indépendante en sociologie et vulgarisation scientifique, a conçu un modèle 3D de clitoris à taille réelle le plus réaliste possible, l’a fabriquée au fablab du Carrefour numérique et le diffuse en open source, « enthousiasmée par la possibilité de partager très simplement un outil pédagogique utile pour les éducateurs et les éducatrices à la sexualité ».

Pour Odile Fillod, il est important de « montrer concrètement à quoi le clitoris ressemble pour parler des bases anatomiques et physiologiques du désir et du plaisir sexuel », en particulier auprès des jeunes publics. C’est lors d’un colloque sur le genre et l’éducation de l’université Paris 8 que la chercheuse rencontre l’association toulousaine Videaux, engagée pour l’égalité hommes-femmes et la lutte contre le sexisme, qui a en projet la création d’un site internet de ressources pédagogiques égalitaires. En attendant la mise en ligne en janvier 2017, c’est le réseau de profs militants SVT-égalité qui propose (parmi d’autres ressources pédagogiques) le modèle de clitoris 3D conçu par Odile Fillod. 

En février 2016, la chercheuse se met au travail. Et découvre l’ampleur du problème… Il faut dire que la première anatomie exacte du clitoris remonte à… 1998, grâce aux dissections de l’urologue australienne Helen O’Connell. Jusqu’à cette date, c’est comme si le corps féminin n’avait fait l’objet que de recherches sommaires. Helen O’Connell établit que le clitoris peut mesurer 8 à 10 cm de long… soit plus qu’un pénis au repos. 

Avec les bulbes du vestibule

La chercheuse française se décide alors à « faire un compromis entre des sources pas toujours convergentes afin de définir la forme et la taille moyenne d’un clitoris et de ses bulbes ». En février 2016, elle s’adresse au Carrefour numérique, le fablab de la Cité des sciences. Avec la photographe Marie Docher, qui participe à la documentation du projet, elles avancent en se posant des questions qui ne sont pas que techniques : « Doit-on représenter toutes les parties ? Doit-on concevoir également et imprimer en 3D un pénis, pour pouvoir comparer ? » Leur modèle sera finalement uniquement féminin, à taille réelle et en entier, avec ses corps caverneux et les corps spongieux qui l’accompagnent, appelés bulbes du vestibule. 

La modélisation du clitoris peinte à la gouache (capture écran). © CC by SA Marie Docher

En avril, elles amorcent la phase de modélisation 3D. A partir des recherches 2D et de mesures sur lesquelles elles se mettent d’accord, Mélissa Richard, médiatrice du fablab, modélise le clitoris sur le logiciel libre Blender, réalise quelques tests d’impression et de matières. Le choix se porte sur l’acide polylactique, biodégradable, qui sera peint à la gouache « pour plus de réalisme », puis enduit après séchage d’un vernis-colle transparent. Prochaine étape : recourir à une structure plus flexible par la suite, afin d’imiter la réalité anatomique du clitoris. 

Le making-of de la modélisation:

Le modèle de clitoris 3D conçu par Odile Fillod n’est pas le premier. Outre-Atlantique, en 2013, l’artiste Sophia Wallace avait réalisé Adamas, la « première sculpture anatomiquement correcte du clitoris », réalisée d’après une modélisation 3D avec l’architecte Sarah Strauss. L’artiste new-yorkaise s’est fait une spécialité de la représentation genrée, notamment à travers sa série Cliteracy (contraction de « clito » et « litteracy », littéralement l’alphabétisation du clitoris). Au printemps 2016, c’est Amy Stenzel sur son site d’information et d’humour sur l’anatomie féminine Vulvacadamy, qui mettait en ligne un modèle 3D de clitoris (à retrouver sur Thingiverse).

Ce sont en effet les artistes et activistes féministes qui ont poussé à la représentation du sexe féminin. Le mouvement Trans Hack Feminist, les collectifs Gynepunk ou encore la série Open Source Estrogen lui donnent de la visibilité : t-shirts dédiés, modélisations 3D… Tout est bon pour le figurer.

Contactée par Makery pour réagir à cette première française, Sophia Wallace estime que « nous devons libérer le corps féminin et (qu’)il est sans doute inévitable de commencer avec les organes génitaux, qui ont été au cœur des discours misogynes ». Selon elle, on ne peut pas envisager l’empowerment des femmes tant que cette partie du corps est définie par la honte, la faiblesse et la pornographie. Pour la biohacktiviste et chercheuse Mary Maggic (co-créatrice de la série Open Source Estrogen) en revanche, « des étapes plus radicales doivent être franchies pour décoloniser le corps des femmes ».

En savoir plus sur la modélisation 3D du clitoris réalisée par Odile Fillod