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Exclu: Martin Molin dit tout de sa Marble Machine

Martin Molin et le Modulin, autre création de son cru, au Music Tech Fest 2016 à Berlin. © Elsa Ferreira

Un hit sur Youtube: depuis mars 2016, la Marble Machine de Wintergatan a été vue 21 millions de fois. De quoi booster la carrière du groupe suédois et occuper Martin Molin, son créateur, qui refuse désormais toute interview. Tête à tête avec ce maker né.

Berlin, envoyée spéciale

La Marble Machine de Wintergatan (mars 2016):

 
Ce qu’il y a de bien en Suède, c’est qu’en hiver le soleil se couche tôt. De quoi vous laisser le champ libre et vous enfermer dans votre garage. C’est ce qu’a fait pendant seize mois Martin Molin, musicien du groupe Wintergatan pour construire sa sculpture musicale. « A l’époque, j’étais très perfectionniste avec la musique. J’avais 2000 démos sur mon ordinateur mais je ne pouvais pas les finir. J’avais construit une résistance », raconte-t-il lors de notre rencontre au Music Tech Fest de Berlin. La construction de sa machine le motive. « Quand tu règles un problème, plus il est complexe, plus c’est amusant. »

Le résultat est une machine à billes de plomb programmable de près de deux mètres de haut à la mécanique complexe et rodée. Un travail d’ingénieur du son aussi, avec des micros qui enregistrent individuellement chaque instrument pour une production ultra léchée. Le procédé repose sur un engrenage, qui déclenche une roue, qui elle-même déclenche des billes (2000 en tout), qui jouent des notes lorsqu’elles tombent sur les différents instruments (batterie et caisse claire avec un dessous de verre et du riz, une basse, un vibraphone, etc.). Soit 22 morceaux qui peuvent être joués grâce à une équation compliquée qu’il détaille en vidéo. 

Comment marche la Marble machine, Wintergatan (mars 2016):

«Si ça a l’air professionnel, c’est que je l’ai appris sur Youtube»

Voilà pour la technique. Pour le savoir-faire, Martin Molin, 33 ans, a « tout appris sur Youtube », raconte-t-il. « Je me suis passionné pour les vidéos de Matthias Wandel, un ingénieur allemand qui vit au Canada et qui a une chaîne fantastique. Je regarde aussi Jimmy Diresta, un menuisier. Un jour il a dit “si ça a l’air professionnel, c’est que je l’ai appris sur Youtube”. C’est exactement mon cas. J’ai construit des choses toute ma vie sans jamais y être formé. »

La Marble Machine de Martin Molin n’est pas la première de son espèce. Sur Internet, c’est une sorte de sous-culture – un peu comme la machine à mouvement perpétuel. L’un des inventeurs les plus populaires (après Martin Molin et ses 21 millions de vues) est donc Matthias Wandel, l’ingénieur qui a inspiré le musicien. « Il joue avec la gravité, les billes tombent dans un son chaotique et magnifique », s’enthousiasme Molin. « Je voulais savoir si je pouvais le faire », raconte-t-il, avant d’avouer avoir été « un peu naïf ». « Je pensais que ça serait plus facile que ça. »

La Marble Machine de Matthias Wandel (2010):

L’autre inspiration du musicien lui est venue d’une visite au musée de l’horlogerie d’Utrecht, aux Pays-Bas. « Si vos lecteurs passent par là-bas, il faut absolument qu’ils y aillent, c’est fantastique, insiste-t-il. Il y a tous ces instruments mécaniques et programmables du XIXème siècle, avant l’ère digitale. »

Marble Machine V2

Martin Molin a pris goût à la fabrication. Et aux tutos aussi. Après avoir réalisé une dizaine de vidéos autour de la fabrication de sa Marble Machine, il a reçu quantité de mails de demandes de conseils de fabrication, explique-t-il. Il s’est donc attelé à la deuxième version de son instrument, toujours aussi imposant, mais modulable cette fois-ci, pour qu’il puisse l’emporter en tournée : « Il faut qu’elle rentre dans cinq caisses. »

Cette fois encore, il soignera la documentation. Il prévoit de créer le design sur le logiciel de modélisation Sketchup et de faire des vidéos « super éducatives et pédagogiques, comme Matthias », rigole-t-il.

Mécanisme de tirage de papier de la Music Box, Wintergatan (juillet 2016):

« La première fois, c’était de l’improvisation. Maintenant, je connais les problèmes et je sais ce qui n’a pas marché. » Car derrière la magie du montage, la Marble Machine ne fonctionne pas aussi bien que son créateur l’espérait… Il a fallu plusieurs prises pour obtenir ce résultat vidéo, explique-t-il. « J’ai utilisé des élastiques. Quand ils sèchent, ils ne marchent plus. » Dans de parfaites conditions, la machine « marche à 95% ». Mais s’il veut l’emporter en tournée, la V2 « doit marcher dans les pires conditions ». Et de reconnaître : « Ce sera davantage un travail d’ingénieur. »

Une fois la saison des festivités finie (le groupe est en tournée en Suède et en Allemagne jusqu’en novembre au moins) Martin Molin présentera aux makers sur Youtube les problèmes majeurs qu’il doit régler en espérant qu’ils lui viennent en aide : « J’espère que des gens me présenteront une solution et que j’aurai un moment ‘facepalm’. » Un projet en open source made in Youtube auquel tout le monde peut participer. Restez connectés.