Makery

Art, archi, hack: les labs de Lyon sur tous les fronts (1/2)

Ceci n'est pas un arrêt de bus (mais un atelier de l'Urbanlab au Pôle Pixel à Villeurbanne). © Erasme

Une mini Maker Faire en mai, un Open Bidouille Camp en septembre… La métropole de Lyon célèbre ses makers. Suivez le guide dans la dizaine de labs de la troisième agglomération de France, en commençant par les «historiques», nés en banlieue. 

Lyon, envoyée spéciale

Paris, LA cité des makers ? Il faudra alors bien s’accrocher. La troisième ville de France et ses 500 000 habitants ont une longue tradition de culture numérique et les makers commencent à s’en mêler. Fablab, hackerspace, « écohacklab » ou lab d’art numérique… Makery est parti à la rencontre de l’autre ville Lumière. 

La Fabrique d’objets libres (FOL), l’historique de la débrouille

Le premier fablab de Lyon a quatre ans et une vie déjà bien remplie. Créé en mars 2012 par Samuel Javelle, designer et figure bien connue des labs lyonnais, la Fabrique d’objets libres a commencé comme une association de designers passionnés par l’open source et les nouvelles techniques de design. D’abord installée dans un atelier partagé d’artisans du bois de 15m2 à l’électricité instable, l’association a élu domicile en 2014 à la MJC de Bron, dans des locaux pas beaucoup plus grands. Depuis, l’électricité va mieux et la FOL a toutes les machines requises, de la découpeuse laser à l’imprimante 3D. 

Pierre Aumont, directeur de la FOL, devant son «open tong». © Elsa Ferreira

Acteur historique du mouvement maker à Lyon, le fablab fonctionne sans subvention et cherche ses financements en développant ses activités : des ateliers de fabrication d’imprimantes 3D pour ses utilisateurs, des hackathons pour des entreprises comme La Poste et un fablab mobile, la Fabrique Mobile, pour installer des fablabs temporaires. « On essaie de jongler entre ce qu’on fait en interne, qui doit être à bas prix parce que c’est dans notre ADN, et la professionnalisation, pour payer nos salariés et nos prestataires à leur juste valeur », explique son directeur Pierre Aumont.

Après un premier contrat aidé dès 2014 et deux services civiques, la FOL a créé en septembre 2015 son premier poste de fabmanager. L’heureux élu n’est autre que Dimitri Ferrière, alias Monsieur Bidouille, maker youtubeur bien connu de nos services. Si les affaires commencent à rouler, Pierre Aumont redoute l’effet de mode : « La question que je me pose c’est : est-ce que ça va durer ? »

Dimitri, maker youtubeur et désormais fabmanager. © Elsa Ferreira

La Fabrique d’objets libres, MJC Louis Aragon, allée Gaillard Romanet, Bron, ouvert les mercredis de 17h à 21h et les samedis de 10h à 18h

Urbanlab, de la campagne à  l’urbain

Et si les pionniers venaient du service public ? Christophe Monnet expérimente depuis 2004, bien avant que le lab ne fasse son entrée dans le vocabulaire marketing, en créant Museolab, un laboratoire d’idées et de R&D au sein d’Erasme, le centre d’innovation numérique de la métropole de Lyon. A l’époque, le lab est en campagne, à Saint-Clément-les-Places dans les Monts du Lyonnais, et a pour objectif de faire entrer les musées dans l’ère numérique.

Le Muséolab au temps de Saint-Clément-les-Places. © Erasme

Douze ans plus tard, Museolab ravale sa façade. Finie la campagne, les voici en plein cœur du Pôle Pixel, qui regroupe les industries créatives du son et de l’image à Villeurbanne. Désormais, ils sont Urbanlab et se consacrent, pour l’année 2016 en tout cas, à la cité, avec pour mot d’ordre « Jouer la ville ».

Atelier avec des étudiants en design pour «éditorialiser» la ville lors de notre visite, en mars. © Elsa Ferreira

C’est précisément ce que sont venus faire des étudiants en design interactif pendant trois semaines en mars : « Editorialiser l’espace public » et le rendre plus ludique. Cinq protos ont été finalisés et attendent d’être transférés, sous licence open source, à des start-ups qui souhaiteraient les développer. Parmi eux, Recto Verso, un projet inspiré des jeux de mémorisation d’images. A partir d’images récoltées sur Instagram, les utilisateurs recréent des paires avant leurs adversaires, dans un concours de rapidité par arrêts de bus interposés.

Présentation du projet Recto Verso: 

Le lab accueillera aussi en résidence One Life Remains, collectif parisien qui expérimente avec les jeux vidéos.

Urbanlab, Studio Lumière 2, Pôle Pixel, 24 rue Emile Decorps, Villeurbanne, ouvert sur rendez-vous «aux professionnels et innovateurs»  

L’espace-Altnet, la fabrique culturelle du centre-ville

Place Chazette. © Elsa Ferreira

Sur la charmante place Chazette, juste à côté du tunnel pour modes de transport doux inauguré en décembre 2013, l’espace-Altnet est un lieu « d’émergence et de créativité autour de la culture numérique, la réappropriation technologique, les alternatives sociales », explique son créateur, l’artiste numérique Derrick Giscloux, qui dit vouloir réfléchir aux « impacts sociétaux réels que les technologies sont susceptibles d’imposer aux personnes et à l’organisation de la société en général ».

S’y tiennent donc des ateliers de robotique pour les enfants, des workshops Littlebits ou des sessions de discussions intitulées Les dossiers de l’Écran, sur le bitcoin, le compteur connecté Linky ou encore l’Internet de Google. 

Conférence «Je suis sur écoute» à l’espace-Altnet. © espace-Altnet

Vitrine de la fabrique culturelle qui l’abrite, Altnet a la particularité d’être en plein centre-ville, une rareté dans le paysage lyonnais. Et pour cause : le bâtiment (400m2 tout de même) est prêté par de « généreux mécènes anonymes » et accueille une boutique d’informatique libre, un médialab, un hackerspace, une salle de musique ainsi que plusieurs espaces de bureaux. Rien que ça…

L’espace-Altnet, 7 place Louis Chazette, Lyon, ouvert selon les événements 

Le LOL, un hackerspace au fond du couloir

Pour entrer, sonnez. © Elsa Ferreira

Hébergé à l’espace-Altnet, ou plutôt dans l’arrière jardin – « le LOL n’est pas DANS l’espace-Altnet, qui est géré par une autre association », précise Derrick Giscloux, le cofondateur de cet hackerspace dont « la plupart des fondateurs sont partis depuis » –, le LOL a la gueule de l’emploi : le lieu est sombre et l’électronique vintage. L’équipe (une quinzaine de personnes présentes aux réunions et plus de 200 sur la liste de diffusion) se réunit tous les mardis soirs pour « discuter et partager les connaissances ». Pour mettre les mains dans le cambouis aussi, au vu du nombre de projets qui fourmillent dans la cinquantaine de mètres carrés.

Kevin Pita, en charge du hackerspace, et son jeu d’arcade. © Elsa Ferreira

Imprimante 3D montée en kit ; « LOL box », soit une radio des années 1950 convertie en sorte de Pirate box musicale grâce à un Sheevaplug (pour transformer une radio vintage en radio Bluetooth, par ici le tuto) ; appareil pour scanner les tickets de métro ; miroir magique (l’écran est relié à des appareils connectés par Raspberry Pi et affiche grâce à la reconnaissance faciale un suivi de poids, le nombre de pas effectués ou la météo, « pour savoir comment s’habiller le matin », indique Kevin Pita, qui gère le lieu) ; le LOL a même un potager pour les beaux jours. Et récupère aussi d’anciens ordinateurs (notamment grâce à la boutique d’informatique voisine), les reconditionne sous Linux et les donne à ceux qui en ont besoin, comme les tiers-lieux.

Un nouveau hackerspace devrait apparaître bientôt à Villeurbanne, le LOV, inspiré du LOL et monté avec le soutien de la mairie.

Laboratoire Ouvert Lyonnais (LOL), 7 place Louis Chazette, Lyon, rencontre tous les mardis soir à 19h30. 

Lab.Lab, de la friche au lab

Le Lab.Lab est le petit dernier d’AADN, collectif d’art et de culture en lien avec la technologie né en 2008 dans le squat conventionné de la Friche RVI, à Lyon 3ème, fermée en 2011. 

Le Lab.Lab, vu du studio. © Elsa Ferreira

Tourné vers les « utopies du Web, le partage de connaissances, la philosophie du libre et l’idée d’espace public », AADN est un collectif nomade qui travaille en partenariat avec tout un tas de structures, des écoles à la métropole en passant par le planétarium de Vaulx-en-Velin, pour offrir des ateliers découverte et DiY. Création d’anaglyphes, ces images imprimées pour être perçues en 3D, d’un fanzine interactif avec Makey Makey, d’un conte en micro-mapping ou d’un autoportrait en 3D, AADN porte au public la philosophie du « apprendre en faisant ».

Lab.Lab (le laboratoire du laboratoire, petite pique à la sur-utilisation du terme « lab ») est destiné à la communauté artistique. Depuis mai 2014, au Pôle Pixel de Villeurbanne, il accueille des artistes en résidence et les accompagne dans le développement de leurs projets. L’équipe organise aussi des ateliers ouverts au public, comme La Ferme à Spiruline, mené par le duo d’artistes Art Act pour apprendre à fabriquer sa micro-serre et produire ses algues vertes (dont on vous parlait par ici).  

La Ferme à Spiruline, Art Act, 2013 : 

Lab.Lab, Pôle Pixel, 36 rue Emile Decorps, Villeurbanne, ouvert au public selon les évènements

La Paillasse Saône, le labo pré-proto

Que de louanges sur la Paillasse ! Dans le paysage des labs lyonnais, les petits nouveaux, installés en avril 2015, font l’unanimité. Il faut dire qu’en amont, le fondateur Rieul Techer a sacrément travaillé son réseau. Il est d’abord parti à la rencontre des tiers-lieux de la région, à Saint-Étienne, Grenoble, le Creusot, Valence… Puis a sondé la communauté. « On a fonctionné comme une start-up, on a fait une étude de marché, sourcé le besoin sur le territoire. » Si le lab est estampillé Paillasse comme le pionnier parisien des biohacklabs, les deux entités sont indépendantes : « On partage une même philosophie, l’objectif est de fluidifier les collaborations », explique l’ingénieur en énergie et environnement Rieul Techer.

Le jardin ensoleillé de La Myne où s’est installé l’éco-hacklab lyonnais. © La Paillasse Saône

Après quelques tractations, la métropole lui a attribué une maison surnommée la Myne, à la lisière du campus de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) et d’un quartier résidentiel dans le nord de Lyon, pour un loyer de 200€. « C’est un heureux hasard mais ça symbolise ce qu’on essaie de faire : rapprocher la société institutionnelle de la société civile. » Quelques arrêts de bus plus loin se trouve aussi le CNRS. Coup de bol, les chercheurs travaillent sur la biologie environnementale, comme le groupe de joyeux hackers.

Orienté «clean tech et low tech», La Paillasse Saône se définit comme un « éco-hacklab », misant sur l’innovation sociale et citoyenne et les modes de vie durables. La communauté est donc aussi importante que les projets qui y naissent. Et ils sont nombreux : valorisation des déchets en biogaz, piège à moustiques low tech et open source, modules aquaponiques et hydroponiques ou encore L’Atelier Soudé, un Repair Café lyonnais en incubation.

Rieul Techer, au sous-sol de La Paillasse Saône. © Elsa Ferreira

Quand les projets seront matures, ils iront ailleurs, explique Rieul. « Notre créneau est d’être dans une phase très en amont du projet. On fait passer de l’idée au proto, puis on aide à se réorienter… » Des aiguilleurs et « un espace de liberté » pour une maison où il fait bon expérimenter.

La Paillasse Saône, 1 rue du Luizet, Villeurbanne, ouvert selon les événements (consultez le programme) 

Lyon Bron Open Lab Café, le réseau social IRL

Il y a un an, nous avions rencontré les membres du Lyon Bron Open Lab (LBOL), un laboratoire urbain installé sur le chantier d’un centre commercial – et financé par celui-ci. En charge, Creative Roots, un collectif international de création urbaine basé à Copenhague qui s’adonne à l’urbanisme DiY, ou urbanisme tactique. Avisée de notre nouvelle visite, Anaïs Lora, la fondatrice du collectif, nous avait prévenue : « L’espace a beaucoup, beaucoup changé. » En effet : finies les palettes et les scies, le LBOL est devenu un café associatif, mobilier fait maison et produits locaux garantis. Aujourd’hui, c’est journée tarot, et les habitants du quartier ont l’air d’apprécier. « Avant, ils n’osaient pas entrer, ils se demandaient ce qu’était ce lieu », explique Anaïs. Le changement a visiblement rempli sa mission : créer le lien avec le voisinage.

Anaïs Lora, fondatrice de Creative Roots (à droite) pendant l’après-midi tarot. © Elsa Ferreira

Expo d’artistes locaux, atelier rap, tricot, recyclerie, café psycho ou initiation au langage des signes… les ateliers sont organisés sur proposition des quelque 500 adhérents de l’association. 

Si le futur du LBOL est incertain (l’Open Lab Café sera fermé pendant l’été et l’association devrait être reprise en main par les bénévoles à la rentrée), Creative Roots regarde l’avenir. Sur le trottoir d’en face, un bâtiment qui regroupera soins et économie sociale et solidaire est en construction. D’ici 2018, au rez-de-chaussée, un café/espace de co-working/incubateur sera géré entre autres par le collectif. En attendant, Anaïs, fidèle à son habitude, compte « accompagner les travaux de manière ouverte dès mars prochain ».

Lyon Bron Open Lab Café, 215 boulevard Pinel, Bron, ouvert du mercredi au vendredi de 10h à 19h et le samedi de 11h à 18h. 

Lyon Mini Maker Faire, les 28 et 29 mai, de 10 à 18h, Pôle Pixel, 24 rue Emile Decorps, Villeurbanne, 

Open Bidouille Camp en septembre

Retrouvez bientôt la suite de notre reportage, avec un focus sur les institutions publiques, les usines et le réseau de labs qui structurent le mouvement maker à Lyon