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Nicolas Bard: «Paris cité des makers, un manque de respect total»

Nicolas Bard dans ses ateliers à ICI Montreuil. © Carine Claude

Le plan «Paris cité des makers» lancé le 24 février à l’Hôtel de Ville fait déjà grincer des dents. Nicolas Bard, le patron du makerspace ICI Montreuil, entre coup de gueule et recadrage, réagit à chaud.

Mercredi 24 février, la mairie de Paris lançait en grandes pompes son plan destiné à faire de la capitale « une cité des makers » avec pour objectif principal de doubler le nombre de fablabs et de tiers-lieux répartis sur un « arc de l’innovation » à la lisière Est du Grand Paris. Soit passer d’une vingtaine à une quarantaine de structures d’ici 2020. En attendant d’être soumis au vote du conseil municipal en mai, le plan se résume pour l’heure à quelques pistes de réflexion, que la mairie souhaite enrichir par les contributions des makers.

Des voix discordantes se font d’ores et déjà entendre, reprochant une opération de com’ politique au service d’intérêts privés. L’annonce a été orchestrée en partenariat avec la Maker Faire France, qui en a profité pour présenter un avant-goût de sa prochaine édition dans les salons de l’Hôtel de Ville, tandis que Techshop, l’atelier de Leroy-Merlin, s’était installé sur son parvis pour initier le grand public aux machines de fabrication numérique. Nicolas Bard, fondateur d’ICI Montreuil, qui n’a pas souhaité se rendre au lancement, fulmine. Explications.

Qu’est-ce qui vous fait enrager dans le plan Paris cité des makers?

C’est bien que la mairie veuille faire un plan pour qu’il y ait plus de makers à Paris. C’est bien qu’elle ait envie de développer les fablabs dans le Grand Paris. Par contre, il faut faire les choses correctement. Distinguer divertissement et makers professionnels. Il y a des acteurs parisiens qui sont là depuis des années, qui soutiennent des entrepreneurs, et essaient avec leurs petits moyens de développer ce mouvement dans Paris, comme Woma ou Draft Ateliers, entre autres. Mais la mairie lance sa « cité des makers » en mettant en avant Techshop, un truc qui existe seulement depuis trois mois… à Ivry-sur-Seine ! C’est se foutre du monde. Et annonce qu’elle va financer 20 fablabs ! Il faut leur rappeler que des fablabs parisiens existent déjà, que certains se portent bien, d’autres mal. En en créant 20 autres, la mairie crée 20 concurrents.

«Etre maker, ce n’est ni un divertissement, ni un loisir, ni un hobby et surtout pas de la com’.»

Nicolas Bard, ICI Montreuil

Vous dénoncez une opération de communication?

Pourquoi Paris serait-elle la “cité des makers” ? Il y a d’autres villes ou régions en France qui sont bien plus légitimes. Et dans quel but faire de Paris une cité de makers avec un foncier qui coûte une fortune, où les fablabs ne peuvent pas être rentables et donc ne peuvent pas remettre de la production en ville ? Aujourd’hui, les particuliers ne vont pas dans les fablabs. Ils vont à la Maker Faire, parce que c’est la Foire de Paris. Ceux qui font le monde des fablabs et des makers sont des entrepreneurs, des start-upers, des artisans, des designers qui ne roulent pas sur l’or et qui sont davantage dans l’économie sociale et solidaire que dans le business.

C’est la présence des enseignes américaines qui vous choque?

On est en France. Choisir l’approche américaine et business de la Maker Faire et de Techshop est un manque de respect total pour les entrepreneurs français des fablabs. Si la Maker Faire accueille 35 000 visiteurs, c’est parce qu’elle est à la Foire de Paris. Maker Faire est certes une référence pour les makers du monde entier, mais c’est du business. Pourquoi ne pas faire appel aux fablabs parisiens pour le lancement du plan makers ? Ça me met hors de moi.

Makery lance le débat autour du plan «Paris, cité des makers». Et vous, qu’en pensez-vous? Contribuez dans les commentaires ou en envoyant un mail à info@makery.fr