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Nec Mergitur ou comment hacker dans les clous la sécurité de Paris

Il y avait foule au hackathon Nec Mergitur pour améliorer la sécurité de Paris après les attentats de novembre. © Carine Claude

Les citoyens acteurs de leur propre sécurité? C’était l’enjeu du hackathon Nec Mergitur organisé le week-end dernier par la mairie et la préfecture de police de Paris. A l’arrivée, un arsenal de hacks pour gérer les situations de crise et lutter contre le terrorisme.

Nec Mergitur était son nom de code. Lancé par Anne Hidalgo au lendemain des attentats de Paris, ce hackathon géant sur l’avenir de la sécurité dans la capitale organisé du 15 au 17 janvier à l’école 42 aura mobilisé quelque 400 participants. Et plusieurs dizaines de policiers chargés de veiller au bon déroulement de l’événement…

Car si le thème est fédérateur, le sujet reste sensible. « Pourquoi cette initiative ? Parce que la jeunesse a été attaquée et pendant les attentats, la réponse citoyenne a été immédiate et spontanée, en particulier sur les réseaux sociaux », explique la maire de Paris qui a fait appel à la préfecture de police et aux services de l’Etat pour encadrer ce hackathon spécial gestion de crise, mais aussi aux associations de victimes et aux acteurs de la société civile, présents en masse durant tout le week-end.

Anne Hidalgo en fin de hackathon: «Notre challenge, c’est d’aider à incuber ces projets et ces start-ups.» © Carine Claude

Un préfet, des hackers et des start-upers

Prévenir la radicalisation sur Internet, traquer les théories du complot qui fleurissent sur les sites djihadistes, débusquer les fausses rumeurs ou encore délester les centres d’appels d’urgence en cas de panique, telles étaient les principales orientations de ce hackathon de la sécurité, « une première mondiale » selon Jean-Louis Missika, l’adjoint au maire initiateur du projet Nec Mergitur. Il s’est d’ailleurs félicité que les Etats-Unis, l’ONU et le Royaume-Uni aient d’ores et déjà pris contact avec les autorités françaises afin de répliquer l’initiative chez eux.

L’audience était internationale : même le Guardian participait au hackathon, en proposant l’intégration de messages d’alerte dans son live blog.

Histoire de canaliser la foule de développeurs, juristes, fous du code, experts, étudiants et citoyens lambda entassés pendant les 48h du hackathon, les organisateurs ont réparti les 38 équipes constituées dès le vendredi soir par thèmes : comment aider l’orientation des victimes vers les hôpitaux de Paris, organiser l’action des bénévoles de la Croix-Rouge, lancer des alertes de sécurité ou encore gérer les files d’attente d’une salle de concert.

« J’ai entendu parler du hackathon en regardant à la télé la cérémonie d’hommage aux victimes. Le sujet me tenait à cœur et j’ai eu envie de contribuer à mon niveau », explique Virginie Hochart, jeune consultante qui s’est prêtée au jeu du coaching avec les équipes planchant sur le meilleur moyen de faire remonter les informations d’urgence émises par les citoyens vers les autorités. « J’ai rencontré des gens très motivés, qui veulent vraiment faire quelque chose d’utile qui puisse durer. Pas mal de start-ups étaient inscrites, c’était un hackathon riche de rencontres. »

Présents en force, les start-upers ont en effet bien compris l’intérêt de ce hackathon porté par une cohorte d’institutions. Une opportunité idéale pour valoriser en direct leur savoir-faire auprès des services de l’Etat. 

«L’important lors d’un hackathon, c’est de se fixer des objectifs concrets et réalisables sur deux jours en se posant toujours la question: “C’est quoi le truc minimal qui permettra de faire vraiment avancer les choses?”»

Christian Quest, président d’Openstreetmap France

Hacker sans franchir les barricades éthiques

Pour les services de police, hors de question d’encourager les pratiques illégales pour autant. En toile de fond déontologique, le Conseil national du numérique (CNNum) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) veillaient au grain du respect des libertés, de l’éthique et du droit, compte-tenu de la masse de données mises à disposition des participants par Etalab, la mission gouvernementale gérant les données publiques ouvertes, ou encore par l’Institut géographique national (IGN).

Dans le bac à sable des défis proposés, c’est au final le dernier groupe, le plus hétérogène, qui s’est révélé le plus créatif : pas de jaloux, une mention spéciale a été décernée à chacune de ses 11 équipes. « Au lendemain des attentats, comme beaucoup, je me suis demandé ce que je pourrai faire de concret », explique Christian Quest, président d’Openstreetmap France. Ce familier des hackathons faisait partie de l’équipe Openevacmap, un proto de plateforme crowdsourcée répertoriant les plans intérieurs de bâtiments afin de faciliter l’accès des forces de l’ordre ou de la sécurité civile. « Il faut bien avoir conscience que la puissance publique ne peut pas tout, tout ne vient pas tout cuit d’en haut. »

Les autorités déclarent vouloir mettre les projets en production le plus rapidement possible. Combien ? Trop tôt pour le dire… « Nous nous donnons un mois », annonçait dimanche soir le préfet Pascal Sanjuan, enthousiaste à l’issue des pitchs des 10 finalistes, « peut-être pour une présentation finale des projets soutenus lors du Hacking de l’Hôtel de ville le 24 mars ». Qu’il est rare d’entendre un représentant des forces de l’ordre vanter les mérites des hackers ! Le rapprochement n’allait pas de soi, de l’aveu même d’Anne Hidalgo…

Les résultats du hackathon sur le site Nec Mergitur