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Simone Amber : «Fab Lab Connect produit de la collaboration entre labs»

Simone Amber, membre de la Fab Foundation, a co-créé l'initiative Fab Lab Connect, pour pousser les fablabs à davantage de coopération. © DR

Simone Amber de la FabFoundation du MIT a co-créé la plate-forme Fab Lab Connect qui vise à financer les labs à l’aide de bourses de mille dollars par projet. Annoncée à la Fab10 de Barcelone en juillet 2014, l’initiative répond-elle aux besoins des porteurs de projet, toujours en quête de financement? Nous lui avons posé la question.

Simone Amber, vice-présidente de Schlumberger où elle dirige le programme pédagogique SEED (Schlumberger Excellence in Education Development), fait partie du conseil d’administration de la Fab Foundation, organisme non gouvernemental issu du MIT qui diffuse la parole fablab dans le monde. Depuis les Etats-Unis, elle a répondu aux questions de Makery sur Fab Lab Connect, projet lancé en juillet 2014 à la Fab10, et qui met en place une plate-forme de financement pour les labs à travers le monde. Une initiative intéressante alors que la recherche de fonds est un travail de tous les jours pour les porteurs de projet de labs. 

Comment en êtes-vous venue à développer une plate-forme pour aider au financement des fablabs?

Je suis la fondatrice du projet SEED au sein de Schlumberger. L’idée même du programme SEED m’est venue lors de discussions avec Seymour Papert, co-fondateur du MIT MediaLab en 1993. Il s’appuie sur la méthode du “constructivisme” selon laquelle on construit son propre apprentissage. Exemple avec l’eau : nous avons développé des kits pour tester l’eau, lesquels tests permettent d’apprendre la chimie, la biologie, mais aussi le code. En ayant recours aux Gogo Board, nous sommes allés jusqu’à automatiser ces analyses. Les employés de Schlumberger ont créé le contenu sur leur temps libre tandis qu’on travaillait avec des étudiants du MediaLab pour organiser les ateliers dans différents pays. Aujourd’hui, 292 écoles dans 44 pays emploient ces méthodes avec nous. La question du fablab, très proche dans les méthodologies utilisées, m’a intéressée. Nous en avons créé un en Russie en 2011. Pour moi, les fablabs sont une évolution organique du programme SEED. J’aurais voulu que SEED développe des fablabs, mais ça coûte cher et il a fallu trouver d’autres moyens pour financer ce réseau.

D’où le projet Fab Lab Connect ?

C’est l’idée : comment financer un mouvement qui peut avoir un vrai impact sur la vie des gens. On a voulu s’appuyer sur des prix, des awards proposés par des entreprises, qui récompenseraient des projets dupliquables et ouverts, un peu comme les Fab Awards de Fab10. Néanmoins, notre premier problème a consisté à détecter les projets. Lorsqu’on les trouve sur les sites des fablabs, ceux-ci ne sont pas toujours assez bien documentés pour être facilement dupliqués. Lorsque nous avons réfléchi à la façon d’accélérer les activités de trois nouveaux fablabs que nous développons (dont deux en Corse),  nous pensions nous appuyer sur des projets existants pour mettre la main à la pâte rapidement. Nous avons découvert qu’au-delà du projet, c’est l’expérience du porteur qui est importante : il peut facilement aider lors de la duplication de projets. Cette expérience nous a poussés à développer Fab Lab Connect Replication Grants.

Concrètement, comment fonctionne Fab Lab Connect ?

Aujourd’hui et dans un premier temps, nous souhaitons pousser les “Fabbers” à bien documenter leurs projets pour qu’ils puissent être plus facilement reproductibles. Nous allons offrir des bourses de 1000 dollars à ces projets. Ce n’est pas énorme, mais nous pensons que cela donnera envie de documenter les projets. Nous avons une plate-forme dédiée où les porteurs de projets peuvent déposer leurs travaux. On leur demande de publier les plans, des photos, les explications, les fichiers et également la liste des matériaux nécessaires. On veut également que les porteurs de projets soient mis en relation. Les gagnants des bourses s’engagent à être des mentors pour aider dans un premier temps deux des nouveaux labs que nous créons, celui d’Ajaccio et celui de Yachay en Equateur, à dupliquer leurs projets. Nous avons de quoi offrir 30 bourses pour démarrer. Évidement, les projets devront être publiés sous licence libre afin qu’ils puissent être partagés avec le plus grand nombre de labs.

Au-delà des bourses pour des projets, comment Fab Lab Connect pourrait être utile à la communauté ?

On aimerait que Fab Lab Connect puisse donner une plus grande visibilité à des projets ouverts transformateurs. Je pense par exemple au projet de drone Flone piloté par un téléphone créé par une équipe espagnole, à un prix très bas et totalement open source et open hardware, ou à l’imprimante 3D Fa)(a développée dans un fablab Italien et dont tous les labs italiens sont en train de s’équiper. On espère que ça va faire effet boule de neige, que les premiers projets bien documentés pousseront d’autres personnes à déposer les leurs. Que cette visibilité soit aussi une manière de produire de la collaboration entre les différents fablabs. L’autre idée, c’est de mettre à profit mes contacts dans les grandes entreprises pour leur montrer ce qui se passe dans cette communauté et pourquoi pas qu’ils deviennent des mécènes sur ces projets. On sait bien que les fabbers ont souvent deux jobs ; un pour gagner leur vie et l’autre pour développer leur projet. On a envie qu’ils passent leur temps sur leurs projets d’innovation. Nous avons également développé un module de crowdfunding sur la plate-forme que nous souhaitons activer dans un deuxième temps pour là encore, trouver d’autres moyens de financements.

Quels sont pour vous les enjeux que doivent relever les fablabs en 2015 ?

La difficulté du passage à l’échelle d’abord : comment certains projets ouverts, citoyens, répondant à des enjeux locaux forts, peuvent-ils être dupliqués sur d’autres territoires et lieux ? La question de la collaboration entre les lieux ensuite : aujourd’hui il y a beaucoup de « un à un » (one to one) et pas assez de « beaucoup à beaucoup » (many to many). Sans oublier les enjeux autour des modèles économiques, et pas uniquement pour faire fonctionner les labs, mais également pour trouver des sources de financements pour les individus au sein des lieux. Enfin, un problème qui me tient à cœur : la place des femmes dans les fablabs. Nous sommes encore dans un monde très masculin, il faut trouver des solutions pour attirer plus de femmes. Fab Lab Connect est prêt à relever tous ces défis à travers une collaboration au sein de notre Fab communauté et avec des partenaires extérieurs.

La plate-forme Fab Lab Connect