10 ans de Parisculteurs : l’agriculture urbaine, maillon essentiel du retour à la terre

10 ans de Parisculteurs. © Le Jardin des Traverses

Samedi 17 mai, au Jardin des Traverses à Paris, les agriculteurs urbains franciliens se réunissaient pour fêter les 10 ans de Parisculteurs et des 48 heures de l’agriculture urbaine. Un double anniversaire et l’occasion de revenir sur le chemin parcouru par ce secteur de proximité, maillon essentiel de la transition agricole.

Elsa Ferreira

Nadine Lahoud a tellement raconté cette anecdote qu’elle en est lasse. N’empêche, l’énergique agricultrice urbaine, pionnière du secteur avec son association d’agriculture de proximité et pédagogique Veni Verdi, qu’elle a montée en 2010, se prête au jeu : « je m’occupais de haricots beurre dans un jardin communautaire. Un gamin est venu vers moi et m’a dit : ‘tiens, je ne savais pas que ça poussait comme ça les frites !’».  C’est le déclic : elle accompagnera les enfants pour qu’ils sachent que les frites poussent dans la terre et les artichauts dans l’air. 15 ans plus tard, Veni Verdi réunit 17 salariés, 900 bénévoles, 7000 enfants et adultes autour des 14 000 m2 exploités pour 4,4 tonnes de récoltes.

Si cette histoire a été usée jusqu’à la corde, c’est qu’elle est symbolique de ce que l’agriculture urbaine propose de faire dans ces territoires éloignés de la culture des terres et autres affaires de la nature : de la pédagogie. Faire comprendre pour se soucier – des paysans, de leurs conditions de travail, de la provenance des aliments, des saisonnalités… – et pourquoi pas, créer quelques vocations.

Des enjeux stratégiques cruciaux

Nous sommes dans une période de transition, pose Xavier Fourt, artiste-designer du duo Bureau d’études, venu apporter un éclairage géopolitique et historique. En l’espace de 30 ans, le nombre d’agriculteurs a été divisé par deux. Parmi ceux qui restent, la moitié devrait partir à la retraite d’ici 2030. Qui pour les remplacer ?

L’enjeu est multiple. D’abord, celui du type d’agriculture. « Les études montrent que l’efficacité de l’agriculture mécano-chimique est très faible par rapport à l’agriculture paysanne », rappelle l’artiste, auteur et coordinateur, au côté de Léonore Bonaccini et d’Ewen Chardronnet (artiste et rédacteur en chef de Makery), du livre-journal La Planète Laboratoire, sur les Paysans planétaires. « L’agriculture paysanne produit 70 à 75 % de la nourriture consommée mondiale sur un quart des terres cultivées, alors que l’agriculture industrielle en produit de 25 à 30 % sur trois quarts des terres cultivées », rappelle ainsi l’économiste Hélène Torjdman, autrice de La croissance verte contre la nature. Critique de l’écologie marchande (La Découverte, 2021).

De son côté, l’agriculture paysanne est très consommatrice de main-d’œuvre. Or, si en 2023, le collectif Nourrir a lancé la manifeste « 1 million de paysans » pour former et accompagner 1 million de paysans d’ici 2050, la tâche n’est pas simple.

Car le deuxième enjeu de taille guette : celui du foncier. S’installer dans une activité agricole est dur et les exploitations sont de plus en plus chères : de 280 130 euros en moyenne en 2010 à 569 020 euros en 2022, selon Le Monde. Des associations comme Terre de liens s’affairent à aider les nouveaux agriculteurs à trouver des parcelles. Mais ce sont des groupes industriels – pas toujours français – qui remportent la part belle du gâteau agricole en rachetant les terres à des prix inaccessibles pour des particuliers, comme le démontre la journaliste Lucile Leclair, dans son livre Hold-up sur la terre (Seuil, 2022). Ce dilemme est un immense « chantier pour le futur », estime Xavier Fourt – sous peine d’entrer dans une dynamique de « néo-servage ». Une situation d’autant plus tendue que la majorité des villes françaises ont une autonomie alimentaire très faible : 5 à 7 jours pour Paris, 0,5 jour pour Nice.  

C’est dans ce contexte hautement stratégique et pressant que l’agriculture urbaine prend racine. « Il ne s’agit pas tant de relocalisation, il s’agit de reconnexion, estime Michel, paysan du bocage Bourbonnais, qui partage la tribune avec Bureau d’étude. Les enfants d’agriculteurs ne veulent plus faire le métier de leurs parents. Il faut trouver les nouveaux paysans au-delà de nos communautés. » On appelle ces néo-paysans les NIMA, pour Non Issu du Milieu Agricole. Pour les recruter, encore faut-il « renouer des synergies entre les périphéries et la ville et recréer des vocations ».

Michel (au centre) et Xavier Fourt et Léonore Bonaccini, de Bureau d’études. © Elsa Ferreira

Sur le terrain, un secteur dynamique

Créer des vocations, les agriculteurs urbains s’y attèlent. A travers le programme Parisculteurs, la Ville de Paris aide les agriculteurs urbains à trouver des espaces à « ennourricer ». En 10 ans, la métropole a accompagné 80 projets, soit 24 hectares, portant la surface d’agriculture urbaine à 37 hectares à Paris sur des toits, des murs, dans des sous-sols et en pleine terre. La tendance prend partout sur le territoire : le festival des 48 heures de l’agriculture urbaine regroupe une centaine d’associations et collectivités dans une quarantaine de villes en France mais aussi en Belgique, en Suisse, au Luxembourg et même en République Tchèque.

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Sur les centaines de mètres de la petite ceinture habités par le Jardin des Traverses, espace d’agriculture urbaine et de rencontres, public et paysans urbains sont aussi nombreux que multigénérationnels. A l’heure de célébrer ce double anniversaire, l’humeur est à la fête : l’agriculture urbaine se développe et tient ses promesses. Celle de lien social d’abord. Lors d’une table ronde qui réunit des bénévoles de différents jardins partagés, Seb, enfant d’ouvrier agricole et ancien travailleur de l’industrie de la musique en cours de reconversion dans le milieu de l’agriculture urbaine, se réjouit de la force de ces jardins à « rassembler des gens de générations différentes, de parcours différents, rassemblés autour d’un même engagement ». « Une forme de résistance », dit-il. Une résistance dans l’espoir, prône Zahra, cadre dans une grande entreprise et qui s’est reconstruite dans une période difficile de sa vie « en touchant la terre ». « Ce qu’on ne peut pas faire à grande échelle, on peut le faire dans notre quartier. On n’aura peut-être pas l’autonomie alimentaire, mais on aura tissé du lien. C’est déjà bien. »

Djibril et Flo, salariés de Pépins Production. Depuis 2021, la pépinière accueille et forme ente 8 et 12 pépiniéristes en insertion professionnelle. © Elsa Ferreira

La production de ces fermes n’a pas vocation à nourrir la ville, ni même à être une manne financière majeure – certaines d’entre elles donnent d’ailleurs leur production à des associations comme le Secours Populaire ou La Chorba. Mais en éduquant les populations urbaines « au bien manger et aux métiers verts », elles agissent comme marchepied vers les métiers agricoles, défend Marie Fiers, coordinatrice de l’Association française de l’agriculture urbaine professionnelle, lancée il y a 10 ans. Ainsi, la Ferme de Paris, ferme de 5 hectares gérée par la ville de Paris et ouverte au public depuis 1989, s’associe à l’école d’horticulture Du Breuil pour organiser des chantiers participatifs de permaculture et dans ses vergers. Pour parachever le lien entre agriculture urbaine et projets d’agroécologie, la Ferme de Paris, en partenariat avec la coopérative Les Champs des Possibles, couveuse d’activité agricole, permet à des maraîchers de tester leurs activités sur leurs 5800m2 de parcelles avant de s’installer en périurbain ou dans les territoires ruraux. En ce moment, Héloïse Claudé et Audrey Zandona mettent à l’épreuve leurs projets de maraichage.  

La Ferme de Paris s’associe également avec des écoles d’art. Ici, dans le cadre du projet Écosystème Laine, les élèves du département textile de l’ENSCI ont imaginé des artefacts pour réutiliser la laine des brebis. Phoebe Treilhou a imaginé des bouillottes modulables. © Elsa Ferreira
Olivia Séné a utilisé la laine pour en faire des cordages qui peuvent être utilisés dans les activités quotidiennes. © Elsa Ferreira

Manifeste pour le futur

L’agriculture urbaine continue de se consolider. « C’est un secteur qui dépend beaucoup des subventions, or on sait qu’elles sont en baisse. Mais c’est aussi un secteur qui a l’habitude de faire beaucoup avec très peu. Nous sommes résilients malgré les difficultés », reste optimiste Marie Fiers. Pour elle, il s’agit désormais de « pérenniser les lieux qui existent. On finance beaucoup l’installation mais beaucoup moins le fonctionnement ». Pour quantifier et suivre les évolutions de l’agriculture urbaines, les acteurs du secteur, dont l’AFAUP, ont mis en place l’observatoire de l’agriculture urbaine. En trois ans, l’organisation a recensé 4153 lieux à travers le territoire et collecte des données (types d’agricultures, zonages PLU, statuts juridiques, financements…).

« 10 ans, ça a l’air long, mais c’est très court quand on pense au temps de la nature ». Audrey Pulvar, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts, rend hommage à Parisculteurs et ses acteurs avant que l’AFAUP ne présente son © Elsa Ferreira

Ce samedi 17 mai, au Jardin des Traverses, Nadine Lahoud et Romain Guitet, de l’Afaup, présentait leur manifeste « Un quartier, une ferme », 10 mesures à destination des élus et des candidats aux élections municipales de 2026. Parmi celles-ci : nommer un élu chargé de mission d’agriculture urbaine, assurer un espace nourricier à chaque citoyen à moins de 15 minutes de son domicile ou encore installer des fermes municipales pour approvisionner la restauration collective. De quoi démocratiser un peu plus ces espaces, et accélérer la transition alimentaire. Pas avare en punchline, Nadine Lahoud conclut : « on nous dit de prendre notre mal en patience, et si on prenait notre bien en urgence ? ».

La carte 2025 des Summer Camps en Europe (et au-delà)

Workshop Feral Circuits de synthétiseurs à faible consommation d'énergie régénérative au festival Nonagon à Svävö, en Suède. Photo: Regenerative Energy Communities, 2023, CC4R.

C’est parti pour un été de plus à écumer les Summer Camps ! Comme chaque année, Makery fait la recension des camps aussi naturels que DiY, destinés aux makers, hackers, bioartists, architectes et autre curieux. Alors, plutôt Portugal ou Danmark, Bretagne ou Bali ? Pour trouver votre programme estival idéal, suivez le guide !

Elsa Ferreira

Vous organisez un camp qui ne figure pas sur la carte ? Faites-le nous savoir ! Contactez-nous par courriel à l’adresse contact@makery.info

[De]tour en France à la rencontre du design écologique

[De]tour est une initiative portée par Alexy Bonnet et Rémi Gillet, deux jeunes designers partis explorer la France à la rencontre d’artisans d’exception et de matériaux innovants. Leur Tour de France de cinq mois a démarré en février et Makery valorisera les résultats de leur riche enquête jusqu’à l’été. Première étape : la région parisienne.

Projet Detour

Correspondance,

Le Projet [De]tour des designers Alexy Bonnet et Rémi Gillet va à la rencontre d’artisans mais aussi de celles et ceux dont la démarche est plus ancrée dans des pratiques traditionnelles mais engagées dans des logiques d’économie de matière et de réemploi. Ce [De]tour de France leur permet d’interroger les liens entre design, artisanat, écologie et économie circulaire à travers interviews, expérimentations et créations de contenu. Grâce à leur association, ils documentent ces savoir-faire précieux et les partagent sous forme de podcasts, vidéos, photos et articles, dans une volonté de transmission et de sensibilisation. Ils communiquent et postent le contenu de leurs rencontres sur Instagram, Spotify et LinkedIn.

Alexy Bonnet et Rémi Gillet. Crédit: Projet [De]tour

L’Atelier Lasto de Stéphanie Trolez à Montreuil : Marqueterie de paille

Dans son atelier, Stéphanie Trolez pratique la marqueterie de paille avec une grande finesse. [De]tour a pu participer à un atelier d’initiation où ils ont réalisé un dessous de verre à base de paille teintée naturellement. Entourée de ses apprenties et de sa poule Vanille, Stéphanie leur a transmis avec générosité les gestes précis de cette technique rare, entre artisanat et poésie végétale. Vous pouvez retrouver son travail sur Instagram : @atelierlasto et sur son site.

Paille brute teintée naturellement avant utilisation
Collage de la paille aplatie sur un support
Zoom du motif “soleil” réalisé sur un dessous de verre
Dessous de verre et échantillons faits en marqueterie de paille

Materialys de Manon Baste à Paris : Matériaux recyclés et coquillages

Chez Materialys, Manon Baste capte des déchets organiques comme les coquilles d’huîtres, de moules, d’œufs ou de cacao pour les transformer en matériaux composites à base de résine. Cette approche low-tech et circulaire donne naissance à des pièces uniques, durables et esthétiques. Ses recherches en cours concernent les résines biosourcées, ainsi que les méthodes de moulage. Vous pouvez retrouver son travail sur Instagram : @materialys et sur son site.

Démoulage d’une pièce faite de coquille d’oeuf
Perçage d’une pièce faite de coquille d’oeuf
Échantillons faits de coquille d’oeuf, d’huître, de moule et de drêche
Exemples de produits réalisés par Manon Baste

Aléa de Miriam Josi et Stella Lee Prowse à Montreuil : Mycélium

Aléa est un studio de design bio-inspiré fondé par Miriam Josi et Stella Lee Prowse. Dans leur atelier basé à Montreuil, le mycélium devient un matériau vivant à expérimenter. Nous avons découvert leurs prototypes, leurs textiles en champignon, et ont participé à la réalisation de quelques tests en boîte de Petri. Leur travail, exposé notamment à Matter and Shape, interroge la place du vivant dans le design contemporain. Vous pouvez retrouver leur travail sur Instagram : @alea_work et sur leur site.

Réalisation de l’appareil constitué de graines de mycélium et de papier
Echantillon de mycélium lié à une pièce de tissu dans une boîte de Petri
Bandes de cuir faites à partir de mycélium
Expérimentations et tests avec différents composants

Barnabé Richard à Corbreuse : Enduit mural

Barnabé Richard explore le bois à travers des sculptures murales aux reflets mouvants. Nous avons découvert son processus de création, du travail brut à l’enduit appliqué en relief. Ses pièces, à la frontière de l’art mural et du mobilier, capturent la lumière de manière hypnotique. Dans son atelier situé à Corbreuse, il sculpte chaque motif à la main, rendant chaque panneau unique. Vous pouvez retrouver son travail sur Instagram : @barnaberichard_ et sur son site.

Barnabé Richard créant des motifs sur un support
Enduit mural avant séchage
Différents types de reliefs sur des échantillons d’enduit mural
Travail de finition sur une échelle en métal

Alma Ebenistes de Alexis Malmezat et Martin Jouanneteau à Montreuil : Bois

Dans leur atelier à Montreuil, les ébénistes d’Alma allient savoir-faire traditionnel et design contemporain. Lors de notre visite, ils travaillaient sur un paravent conçu en collaboration avec le designer Julien Coutureau, mêlant bois précieux et laine. Leur maîtrise du geste se reflète dans les textures et les détails soignés de leurs pièces sur-mesure. Vous pouvez retrouver leur travail sur Instagram : @alma_ebenistes et sur leur site.

Chutes de bois issues de la conception d’un paravent
Outil d’ébéniste posé sur des blocs de bois prêts à l’emploi
Découpage d’un bloc de bois
Échantillons de différentes essences de bois

Alix D. Reynis à Paris : Porcelaine et moules pour porcelaine

La maison Alix D. Reynis perpétue un savoir-faire d’exception autour de la porcelaine. Lors de notre [De]tour dans son atelier parisien, nous avons pu suivre les étapes de création des moules en plâtre qui servent à façonner les pièces en porcelaine fine. Camille et Joséphine nous ont montré leur travail minutieux, entre tradition artisanale et élégance intemporelle. Vous pouvez retrouver leur travail sur Instagram : @alix.d.reynis et sur leur site

Atelier d’Alix D. Reynis où sont conçus des moules en plâtre
Moule en plâtre dans lequel sera coulé de la porcelaine
Démoulage d’une contre-forme en plâtre

Atelier Pictet de Antoine Six à Saint-Denis : Verre

La dernière visite de [De]tour en région parisienne s’est faite chez Atelier Pictet, à Saint-Denis. On y travaille le verre comme une matière vivante. Spécialisé dans les textures sophistiquées, du sablage au burinage, en passant par la dorure et les effets cinétiques, l’atelier réalise des pièces sur-mesure pour l’architecture d’intérieur de luxe. Nous y avons été accueillis avec chaleur et ont découvert un univers sensoriel où chaque technique donne au verre une signature visuelle unique. Vous pouvez retrouver le travail de l’atelier sur Instagram : @atelier_pictet et sur leur site.

Echantillon de verre reproduisant un effet de tissu tressé
Pièce prête à l’envoi réalisée dans l’atelier Pictet
Application d’une feuille d’or sur le verso d’un plateau de verre texturé
Zoom sur des feuilles d’argent teintées appliquées sur le verso d’un échantillon de verre texturé

Retrouvez le tour de France des ateliers de design de [De]tour sur leur Instagram, LinkedIn et leur podcast « La voix des artisans » sur Spotify

Frame Story : Une recherche à long terme dans la conception de vélos

Depuis 2012, le designer et chercheur Atar Brosh mène un projet de recherche à long terme intitulé « Frame Story ». Ce projet porte sur la conception de vélos et explore des méthodes de fabrication innovantes. Menée principalement dans un modeste studio équipé d’outils de fabrication numérique de base à Tel Aviv, cette recherche vise à intégrer l’artisanat traditionnel et les technologies de fabrication numérique contemporaines. Au cours des douze dernières années, 21 cadres de vélo distincts ont été créés, chacun reflétant des améliorations progressives et des recherches approfondies sur les matériaux, la modularité et la philosophie du design. « Frame Story » sert à la fois de documentation personnelle sur l’apprentissage et de base pour un cours universitaire intitulé « The Human Machine », dispensé par Brosh au Centre universitaire multidisciplinaire de Jérusalem.

Atar Brosh

Atar Brosh est maître de conférences, designer et chercheur spécialisé dans les méthodologies de production pratiques, le design paramétrique et la fabrication numérique. Basé à Tel Aviv et associé au Centre universitaire multidisciplinaire de Jérusalem, Brosh combine l’expérimentation pratique et la recherche universitaire afin d’étudier comment le design contemporain peut influencer la mobilité, les pratiques culturelles et l’innovation technologique.

Tel Aviv, correspondance.

« Frame Story » n’était pas au départ un projet ambitieux ou très structuré ; il a plutôt commencé modestement, par la simple restauration de vélos mis au rebut. Au fil du temps, ce travail de restauration élémentaire s’est transformé naturellement en une étude approfondie des vélos en tant que supports pour la conception créative, l’expérimentation de matériaux et les méthodes de production avancées.

Chaque cadre de vélo développé au cours de cette période marque une avancée personnelle, reflétant les petits succès, les défis et les expériences d’apprentissage continues. Au départ, les conceptions étaient de simples expériences réalisées avec des matériaux facilement disponibles, tels que le bambou et la fibre de lin, assemblés à l’aide d’outils rudimentaires et de méthodes improvisées. Peu à peu, l’expérimentation s’est orientée vers des techniques plus sophistiquées impliquant des fibres de carbone, des composites époxy et des technologies de fabrication numérique. Malgré ces avancées, le projet est resté fondamentalement ancré dans une approche qui valorise les progrès graduels, la réflexion personnelle et l’expérience pratique.

Contexte historique et culturel

Historiquement, les vélos représentent bien plus qu’un simple moyen de transport ; ils symbolisent l’indépendance personnelle, l’innovation et l’adaptabilité dans un contexte économique et social en constante évolution. Cette résonance culturelle est profondément ancrée dans la culture dynamique et ingénieuse des makers israéliens, un environnement où l’innovation prospère souvent malgré des ressources limitées et des défis importants. Le projet de Brosh reflète et contribue à ce dialogue permanent en fusionnant l’artisanat traditionnel et les méthodes technologiques contemporaines.

Méthodologie : Technologie artisanale

L’approche méthodologique de « Frame Story », baptisée CraftTechnology, évite délibérément les grandes déclarations ou le jargon trop technique. Elle décrit plutôt un processus pratique et hybride qui combine des techniques manuelles traditionnelles et la fabrication numérique moderne. Plutôt que de se positionner uniquement en termes de durabilité ou de supériorité technologique, cette méthodologie met l’accent sur un développement modeste et itératif, basé sur l’expérimentation pratique, les essais et les erreurs, et le perfectionnement continu.

La CraftTechnology est fondamentalement itérative et exploratoire, permettant au concepteur d’apprendre de chaque tentative, y compris des échecs. Ces connaissances sont réutilisées dans les conceptions suivantes, enrichissant progressivement les connaissances et les compétences en matière de construction de cadres de vélo. En acceptant les imperfections et les ajustements continus, l’approche CraftTechnology transforme chaque nouveau cadre en un reflet significatif de l’expérience accumulée.

Intégration technologique et innovation

L’intégration de technologies modernes telles que la fabrication additive (impression 3D), l’usinage CNC et les logiciels de modélisation paramétrique dans « Frame Story » a toujours été abordée avec humilité et pragmatisme. Au départ, des outils simples étaient principalement utilisés pour compléter les techniques artisanales. Au fil du temps, ces technologies numériques ont pris une place plus centrale, permettant une plus grande précision, des conceptions plus complexes et des innovations pratiques telles que le passage interne des câbles et les systèmes de cadres modulaires.

Pourtant, le projet n’a jamais renoncé à ses racines dans l’expérimentation manuelle. Chaque intégration technologique a été considérée comme complémentaire, améliorant les compétences traditionnelles plutôt que de les remplacer. Les outils de modélisation paramétrique ont facilité le prototypage rapide et les processus de conception itératifs, permettant une expérimentation plus intuitive et plus réactive. Ces avancées numériques s’inscrivent également dans la philosophie plus large de la culture maker, qui prône l’ouverture, l’accessibilité et le partage des connaissances.

Intégration académique : « La machine humaine »

Les connaissances et l’expérience acquises dans le cadre du projet « Frame Story » sont directement mises à profit dans l’approche pédagogique du cours universitaire « The Human Machine ». Plutôt que de se contenter d’enseigner des compétences techniques ou des méthodes de fabrication, ce cours met l’accent sur l’expérience pratique et la réflexion approfondie sur les choix de conception. Les étudiants sont encouragés à s’impliquer activement dans l’expérimentation, à relever des défis de conception concrets et à reconnaître que les erreurs et les échecs constituent des occasions précieuses d’approfondir leurs connaissances et de progresser.

Orientations futures et implications

À mesure que le projet « Frame Story » avance, l’objectif reste le même : exploration pratique et progrès constants. Les prochains modèles continueront d’explorer les innovations en matière de matériaux, l’amélioration de la modularité et le perfectionnement des processus de fabrication. Les cadres récents, tels que le M.O.A.B. modulaire, s’orientent vers des solutions cyclistes de plus en plus personnalisées et pratiques, soulignant la pertinence et l’accessibilité continues d’une innovation conceptuelle réfléchie.

Conclusion

En fin de compte, « Frame Story » représente un parcours humble mais significatif, fait d’exploration pratique et d’apprentissage continu. Il démontre comment l’artisanat traditionnel et la technologie moderne peuvent se conjuguer grâce à une expérimentation patiente et à un perfectionnement itératif. Mais surtout, ce projet illustre l’importance de rester curieux, adaptable et réfléchi dans le domaine du design, en montrant que les innovations significatives naissent souvent progressivement, grâce à une pratique persistante et attentive.

sa chaîne YouTube TagMeNot design lab sur Instagram

The Benjamin Netanyahu Research Laboratory : une expérimentation politique en design 3D

Depuis 2019, le designer et chercheur Atar Brosh dirige le Benjamin Netanyahu Research Laboratory, une expérience de design explorant la relation symbiotique entre technologie, design et politique dans le contexte complexe d’Israël.

Atar Brosh

Atar Brosh est designer, maître de conférences et chercheur au Centre universitaire multidisciplinaire de Jérusalem, où il travaille à la croisée de la production durable, du design paramétrique et de la fabrication numérique. Sa pratique, qui s’intéresse de manière critique à la culture et à la technologie contemporaines, mêle recherche artistique et expérimentation pratique, et a été présentée à l’échelle internationale.

Basé à Tiny Factory, le petit studio et laboratoire de fabrication numérique de Brosh à Tel Aviv, le projet utilise des outils numériques accessibles, tels que la modélisation paramétrique, la fabrication additive et des logiciels libres et open source, pour produire rapidement et à grande échelle des artefacts/produits uniques. Ces créations font office de souvenirs basés sur la mémoire à court terme, réagissant en temps réel à la présence et à l’influence continues du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Le laboratoire sert non seulement de commentaire créatif sur la politique israélienne, mais aussi d’exploration de la manière dont les designers contemporains peuvent s’engager de manière critique dans le discours public grâce à une fabrication en temps réel, unique en son genre mais potentiellement à grande échelle.

Tel Aviv, correspondance.

 

C’est quelque part entre un atelier artisanal et le journal télévisé du soir que le Benjamin Netanyahu Research Laboratory a vu le jour. Ce n’était pas un projet planifié. Tout a simplement commencé : un objet, une version, puis une autre. Nous étions en 2019, Israël était en pleine crise, et le même personnage apparaissait partout : sur les écrans, dans les discours, dans les tribunaux, dans les mèmes. Cette omniprésence s’est transformée en matière première. L’image est devenue modifiable.

J’ai fait le calcul et j’ai découvert un fait étonnant : Benjamin Netanyahu est Premier ministre depuis 17 ans, soit 55 % de ma vie d’adulte. J’ai essayé d’estimer son influence, en me basant sur ses objectifs et sur les informations relayées par les médias.

À l’aide d’imprimantes 3D, d’outils de modélisation paramétrique et d’un coin de table, le laboratoire a commencé à produire de petits objets en réponse au climat politique. Une figurine par-ci, un candélabre par-là, parfois un sous-marin miniature, un buste de voyage ou une poupée vaudou. Certains étaient fonctionnels, d’autres cérémoniels, d’autres encore totalement inutiles. Ce qui les reliait tous, ce n’était pas seulement la satire, mais aussi la rapidité de la réponse et le sentiment que la répétition était devenue le message.

Le laboratoire opère dans un espace où le design rencontre la contestation, où la fabrication n’est pas une question d’optimisation mais d’observation. Chaque objet est une sorte d’empreinte temporelle, une mémoire à court terme moulée dans la matière. Pas toujours claire, pas toujours juste, mais toujours réactive. Le travail ne prétend pas à la neutralité, ni à la synthèse. Il reflète un moment fragmenté à l’aide des seuls outils disponibles : des machines bon marché, des logiciels standard et un besoin obstiné de donner une forme physique à ce qui est flou.

Voici une sélection de ces artefacts. Certains ont été réalisés en une nuit, d’autres en plusieurs semaines. La plupart ont été créés avant le 7 octobre 2023, mais tous portent désormais le poids des événements qui ont suivi. Pris dans leur ensemble, ils ne constituent pas un message unique, mais plutôt une archive complexe mêlant absurdité, admiration, anxiété et critique.

Ceci n’est pas un hommage. Ce n’est pas une campagne. Il s’agit d’un cabinet de curiosités en constante évolution, issu d’une époque et d’un lieu où la politique est devenue plastique et où le design a tenté de suivre le mouvement.

La configuration du laboratoire : pas de murs, pas de budget

Le laboratoire de recherche Benjamin Netanyahu n’a jamais été une institution officielle. Il fonctionnait dans un petit studio à domicile, sans budget ni personnel, avec une seule personne, un ordinateur portable et quelques imprimantes 3D grand public. L’objectif n’était pas l’efficacité, mais la présence. Le laboratoire fonctionnait comme un sismographe, réagissant aux secousses politiques au fur et à mesure qu’elles se produisaient, imprimant quand les autres publiaient, fabriquant quand les autres s’emportaient.

Le processus était volontairement simple : un événement politique se produit (un discours, un scandale, un tweet) et la conception commence. En quelques heures ou quelques jours, un modèle est créé en CAO, ajusté avec une touche d’humour, de symbolisme et de frustration, puis imprimé sous forme physique. Parfois, cela fonctionnait. Souvent, cela ne fonctionnait pas. Mais ce processus est devenu une pratique, comme tenir un journal, mais en plastique.

La technologie comme commentaire

Les principaux outils utilisés par le laboratoire étaient la conception paramétrique, la fabrication additive et une approche open source. Mais aucun de ces outils n’a été utilisé pour optimiser la production. Ils ont plutôt servi à ralentir le processus, afin de traduire un flux médiatique constant en objets tangibles, maladroits et souvent peu pratiques.

Comme l’a dit McLuhan, le médium est le message. Dans ce cas, le médium – l’impression 3D – devient à la fois le contenu et la critique. Il sape l’iconographie politique traditionnelle en permettant à un seul personnage d’être sans cesse remodelé, redimensionné et réutilisé. Netanyahu n’est pas glorifié ici. Il est versionné. Il est itéré. Une marionnette numérique prise dans un cycle de transformation, tout comme son image publique.

Élaborer

Depuis 2019, je me trouve dans une relation unique, peut-être étrange, avec la figure politique de Benjamin Netanyahu, non pas par alignement politique direct ou opposition, mais plutôt par une exposition prolongée qui a imprégné presque tous les aspects de ma vie d’adulte. Un jour, cela m’a frappé : Benjamin Netanyahu était Premier ministre depuis 17 ans, soit environ 55 % de ma vie d’adulte. Son visage, sa voix et son discours étaient devenus incontournables, présents dans ma vie quotidienne à travers les écrans, les journaux, les manifestations, les conversations informelles et même mes réflexions personnelles.

Cette prise de conscience m’a conduit à créer ce que j’ai appelé « le laboratoire de recherche Benjamin Netanyahu », une initiative au nom quelque peu ironique. Ce nom avait en effet un double sens : il s’agissait en partie d’une parodie d’un organisme universitaire institutionnalisé, et en partie d’une véritable réflexion sur le phénomène de la présence médiatique écrasante d’un individu et ses implications culturelles.

Mon laboratoire était modestement équipé d’outils accessibles emblématiques du design post-industriel : des imprimantes 3D grand public, des logiciels de modélisation paramétrique open source et du matériel d’atelier de base. Ces outils ont été choisis à dessein : peu coûteux, faciles à utiliser et capables de réagir rapidement. Ce choix était dicté par la nécessité et l’idéologie : je voulais incarner l’éthique de la production décentralisée, l’accessibilité démocratique et la réactivité immédiate qui caractérisent la quatrième révolution industrielle.

Chaque objet produit dans le laboratoire était inspiré par des événements en temps réel : scandales politiques, cycles électoraux, spectacles médiatiques ou discours de Netanyahu lui-même. Mon processus est devenu une sorte de rituel. Je lisais ou regardais un événement se dérouler, souvent au cœur d’un débat public intense, puis je me retirais dans mon studio pour rapidement modéliser une réponse en trois dimensions. Cela pouvait prendre la forme d’un bougeoir représentant Netanyahu debout derrière un podium, soulignant le caractère rituel de ses discours. Ou encore sous la forme d’un sous-marin jouet pour le bain, réponse ironique à un scandale d’achat de navires militaires. Parfois, les objets étaient intentionnellement provocateurs, comme une poupée vaudou, symbole de la frustration collective, ou un « cornichon de la nation », incarnant l’idée de fermentation culturelle et de stagnation politique.

En créant ces objets, mon intention n’a jamais été de simplement me moquer ou d’apporter mon soutien. J’ai plutôt cherché à matérialiser une mémoire collective à court terme, un instantané culturel des réactions fugaces mais intenses à des moments politiques. Chaque artefact est devenu un repère temporel tangible, un rappel physique d’émotions et de discussions qui, autrement, auraient été éphémères.

Cependant, le ton et la signification de cette pratique ont radicalement changé à la suite des événements du 7 octobre 2023. Israël a subi un traumatisme profond, et les objets que j’avais créés auparavant ont pris une toute nouvelle dimension. Ce qui était autrefois absurde ou ironique semblait désormais profondément prémonitoire et troublant. Je me suis retrouvé confronté à la réalité : ces objets ludiques pouvaient avoir une signification plus profonde et des implications importantes en temps de crise.

Ce changement m’a amené à réfléchir et à faire une pause dans ma pratique. J’ai pris conscience des implications plus larges de ce que j’avais créé : il ne s’agissait pas simplement de souvenirs éphémères, mais d’artefacts d’un paysage politique et culturel profondément instable. À travers un design ludique, mon travail avait involontairement capturé la volatilité inhérente à la politique israélienne, la fragilité du discours public et l’imprévisibilité des réactions émotionnelles collectives.

Le paysage sociopolitique unique d’Israël a considérablement influencé ce projet. C’est une nation marquée par des contradictions et des tensions constantes entre démocratie et sécurité, laïcité et religion, innovation et tradition. La société israélienne est en perpétuelle négociation avec son identité, entre conflits permanents, menaces extérieures et divisions internes. Netanyahu lui-même est devenu le symbole de bon nombre de ces tensions, incarnant les complexités et les polarités de la politique israélienne contemporaine. Sa carrière politique, marquée à la fois par une loyauté farouche et une opposition acharnée, a amplifié les divisions sociétales et les débats sur la démocratie, la gouvernance et l’identité nationale.

Mon travail au Benjamin Netanyahu Research Laboratory reflète directement ces tensions. Chaque objet, initialement créé comme une réponse immédiate et instinctive aux changements politiques quotidiens, s’est progressivement révélé être une exploration plus profonde de la psyché collective israélienne. Des objets initialement interprétés comme humoristiques ou insignifiants ont peu à peu acquis plusieurs niveaux de sens, reflétant les angoisses, les espoirs et les contradictions culturelles. En donnant une forme physique à ces moments éphémères et souvent ambigus, le projet a mis en lumière la fragilité et la volatilité qui caractérisent la vie israélienne contemporaine.

Aujourd’hui, le Benjamin Netanyahu Research Laboratory est bien plus qu’un titre ludique et ironique. C’est une archive vivante, une réflexion axée sur le design sur un moment précis de l’histoire, où la politique et la production numérique ont convergé de manière imprévisible. Chaque artefact reste une déclaration silencieuse, ni tout à fait sérieuse ni purement satirique, mais une tentative sincère de donner forme à l’expérience souvent chaotique et éphémère de la vie politique en Israël. Grâce à cette exploration continue, j’ai découvert la profonde capacité du design à s’exprimer là où le langage traditionnel échoue souvent, en offrant un ancrage physique aux émotions et aux récits fugaces qui définissent notre existence contemporaine.

Après le 7 octobre 23 h 23, recalibrage

Après les événements du 7 octobre 2023, l’ensemble des archives ont changé de ton. Ce qui était autrefois ironique est devenu tragique. Les objets qui semblaient autrefois ridicules sont désormais chargés de sens. Avec le recul, beaucoup d’entre eux apparaissent comme des avertissements, trop absurdes pour être réels, trop réels pour être ignorés.

En réponse, le laboratoire a cessé sa production et s’est mis à observer. Les nouvelles pièces restent silencieuses. Les blagues se font plus rares. Le poids des événements actuels a replié le travail sur lui-même. Il ne reste plus que les objets — et la question : le design peut-il encore s’exprimer lorsque les mots commencent à manquer ?

Le travail d’Atar Brosh est visibe sur sa chaîne YouTube TagMeNot design lab et sur son compte Instagram

Expédition au Groenland avec Rewilding Cultures : Jean Danton Laffert en quête de permafrost

Outdoor excursion to collect soil and plant samples on the Permafrost.

L’appel à projets Rewilding Cultures Mobility Conversation 2025 est ouvert jusqu’au 31 mars. Cette bourse vise à initier des échanges culturels et finance la mobilité au-delà des formes habituelles de soutien. Parmi les projets de 2024, l’artiste multidisciplinaire Jean Danton Laffert s’est rendu pendant un mois au Arctic Culture Lab à Ilulissat, au Groenland, avec le soutien de Radiona, le makerspace de Zagreb. Retour en photos.

Jean Danton Laffert

Texte et photos Jean Danton Laffert

Jean Danton Laffert Parraguez est un artiste visuel et doctorant chilien, actuellement basé aux Pays-Bas. Son travail se situe à l’intersection de l’art, de la science et de l’écologie à travers des installations multimédias qui utilisent la lumière, l’espace, les systèmes électroniques et la matière vivante. Il explore une esthétique hybride entre le numérique et l’organique avec des bio-interfaces, qui adressent des sujets biopolitiques. Sa méthode créative découle du processus collaboratif entre scientifiques, artistes et humanistes. Il a été enseignant dans des universités et des écoles, ainsi qu’artiste chercheur au fablab de l’Université du Chili.

Au Groenland, Jean Danton a développé son projet Observations on Permafrost, un récit visuel sur le pergélisol (ou permafrost) dans l’Arctique et son processus de dégel, traces de la crise anthropogénique actuelle. En s’appuyant sur l’art numérique, les grands jeux de données environnementales et une pratique collaborative transdisciplinaire avec des scientifiques et des artistes, il a élaboré un plan d’exploration sur le terrain, à la recherche d’une expérience esthétique située et d’enseignements sur la manière dont un phénomène aussi éloigné que le pergélisol met en évidence les interdépendances dans notre monde moderne.

Que peuvent nous apprendre les communautés isolées du Groenland sur l’adaptation à ces problèmes ? Pouvons-nous trouver dans ces régions des visions alternatives à la crise de l’Anthropocène ?

Préparation de l’expédition

J’ai commencé ce projet en juillet 2023, en collaboration avec Runa Magnusson, une scientifique spécialiste du pergélisol de l’université de Wageningen. Au départ, ce projet était une recherche de thèse pour le Master of Fine Arts – « Ecology Futures », que je poursuivais à la St. Joost School of Arts aux Pays-Bas. Après une période de recherche théorique et de petites expériences, j’ai participé en mars 2024 à la résidence Ars Bioarctica. Ce fut ma première exploration sur le terrain en Laponie finlandaise, et mes premières observations du pergélisol et de son réseau écologique : la glace, le sol, les mousses, les lichens, les rennes et le climat. Tout cela a défini ma première phase d’exploration.

En août 2024, j’ai terminé le Master Ecology Futures avec un prototype d’installation artistique. Ensuite, j’ai préparé la résidence au Groenland à l’Arctic Culture Lab pour la période octobre-novembre, avec le soutien de la bourse de mobilité Rewilding Cultures et de Radiona, makerspace de Zagreb.

Famille inuit sur la côte du fjord Kanja.

“Observations on Permafrost” est un projet lié à une expérience de terrain locale dans l’Arctique. Normalement, les personnes issues de zones urbaines ou de grandes villes n’ont pas accès à ces endroits reculés, et parfois elles ne se rendent pas compte des problèmes de l’Arctique et de leur importance pour nous tous.

En ce sens, capturer la vie des populations locales, y compris les communautés inuites, était un point important de la résidence et des futurs résultats créatifs. Le pergélisol est très présent dans la vie quotidienne des Groenlandais, leur perception est donc essentielle pour intégrer le facteur humain dans mon projet.

La résidence est située à Ilulissat, une petite ville sur la côte ouest du Groenland. Elle est très proche du glacier Kangia et entourée de nombreux fjords, ainsi que de villages au nord et au sud de cette zone.

Les villages que j’ai visités fréquemment pendant mon séjour étaient Oqaatsut (au nord) et Ilimanaq (au sud). Je suis arrivé par bateau. Dans la région d’Ilulissat, j’ai fait des randonnées et des explorations de terrain sur la côte du fjord et à l’intérieur des terres, ainsi que de la voile dans une partie de la zone maritime du fjord.

J’ai prélevé des échantillons de sol et collecté des espèces végétales dans des champs ouverts et sur les côtes des fjords, où l’on trouve des traces de glissements de terrain et de tsunamis liés à la fonte du pergélisol.

Habitations éloignées

Situés dans des régions reculées de la côte ouest du Groenland, certaines zones d’habitation ne sont accessibles que par hélicoptère ou par bateau.

Lors de ces voyages, nous avons visité, avec le photographe et un guide, différents endroits dans les villages, les maisons et les zones qui ont été touchées par des glissements de terrain causés par le pergélisol. Nous en avons discuté avec les habitants, nous avons découvert leur vie quotidienne et leur vision du changement climatique au Groenland.

Étude des effets du pergélisol sur les bâtiments

Au-delà des effets de glissement de terrain et de tsunami, certains bâtiments revêtent une importance particulière pour la société. L’un d’entre eux est le musée historique d’Ilulissat, qui fait partie de l’histoire de la ville et qui met en lumière les controverses sur la fonte du pergélisol dans la ville ; un miroir intemporel de la relation de l’homme avec la terre et le climat.
Pendant mon séjour, j’ai accordé une attention particulière à ce bâtiment. Il présente une grande irrégularité à sa base, et risque de s’effondrer dans les années à venir. Grâce au soutien d’Andreas Hoffman, l’un des directeurs du musée, j’ai pu accéder aux espaces intérieurs du bâtiment et vérifier le degré exact de dénivellation et de détérioration de sa structure, dues à la fonte du pergélisol qui augmente d’année en année.

Les trois maisons mitoyennes qui composent le Musée historique sont victimes de dénivellation.
Fissures à la base du bâtiment dues à sa pression sur le sol qui s’enfonce au fil des ans en raison de la fonte du pergélisol.
Mesures des irrégularités du plancher du bâtiment.

Exploration de sites clés

Les effets du dégel du pergélisol sur le développement urbain d’Ilulissat sont considérables. Depuis quelques années, les autorités gouvernementales travaillent en collaboration avec des entreprises privées pour concevoir un nouveau plan de développement durable et résilient au climat au Groenland, en mettant l’accent sur le pergélisol.

J’ai visité le nouvel aéroport d’Ilulissat. Depuis 2022, des travaux de transformation sont en cours, qui consistent à retirer toute la couche souterraine de pergélisol afin d’obtenir une base stable pour le nouvel aéroport, car l’actuel a souffert de graves dommages dus au dégel du pergélisol ces dernières années. Nous avons réalisé des vidéos, des photos et une interview avec un ingénieur en charge du projet.

J’ai également visité le chantier d’une maison de retraite. Dans le cadre de ces travaux, une partie de la couche souterraine de pergélisol a été excavée mécaniquement aux endroits marqués d’un X rouge. Nous avons discuté avec le chef de chantier, qui nous a expliqué les détails techniques, et fait part de son impression en tant que citoyen des effets du changement climatique sur la vie quotidienne à Ilulissat.

ILLU science & art

Illu science & art hub est un lieu de rencontre pour la communauté locale, où des artistes et des scientifiques organisent régulièrement des activités ouvertes au public. Le centre a été créé par l’Université de Bergen (UiB), en collaboration avec des partenaires du projet ClimateNarratives, et de Avannaata Kommunia.

J’ai été invité à participer à des événements artistiques tels que la présentation de « Wispers of the sea », une installation de performance interactive de Birgitte Bauer-Nilsen, une chorégraphe danoise. J’ai pu ainsi établir des liens importants avec des artistes et des acteurs culturels du Groenland et du Danemark.

Dans le cadre du programme de résidence Arctic Culture Lab, j’ai été invité à participer à des activités au Ice Fjord Center à Ilulissat. J’y ai rencontré Karl Sandgreen, le directeur du centre. Grâce à Karl, j’ai pu, entre autres, participer à une activité artistique avec des enfants de la région, discuter avec eux et découvrir leur quotidien.

Au Musée historique d’Ilulissat, j’ai pu découvrir plus en profondeur la culture et l’histoire du Groenland et de ses habitants, leur langue, leur technologie et leur ancienne relation avec les pionniers européens.

Au musée d’art, j’ai pu découvrir l’art contemporain d’artistes locaux et internationaux. J’ai été confronté à différentes approches sur des sujets liés au Groenland et à sa relation avec les tendances mondiales.

Les deux institutions sont liées à la résidence Arctic Culture Lab, j’avais donc un accès direct à ses bibliothèques, ses installations et son personnel.

UNESCO Ice fjorfd Center

Activités éducatives

Il était très important pour moi d’explorer l’aspect humain du phénomène du permafrost au Groenland. J’ai donc, de ma propre initiative, mené une activité dans une école d’Ilulissat pour connaître les impressions des enfants sur ce sujet.

J’ai proposé un atelier d’une journée à l’école Mathias Storch et j’ai été très bien accueilli par les coordinateurs et les enseignants. Après deux semaines de coordination, j’ai organisé une séance de conversation avec les élèves sur le pergélisol dans leur vie quotidienne. Je les encourage à s’exprimer avec du matériel artistique de base ainsi qu’avec des échantillons de lichens et de mousses de la région que j’ai collectés lors de mes excursions.

Ce fut une expérience enrichissante et magnifique, tant pour les enfants que pour moi. Leurs écrits et leurs créations artistiques serviront de référence pour mon futur projet artistique.

Prochaines étapes

Fort de cette expérience, je prévois de réaliser une installation multimédia pour des expositions en Europe en 2025 ou 2026. Je travaille actuellement sur les prochaines étapes pour y parvenir. L’impact global que j’attends de ce projet ne concerne pas seulement les expositions d’art, mais aussi l’éducation et les conférences. Je pense que je peux contribuer aux réflexions mondiales sur le changement climatique. Comme le dit Bruno Latour, « Il ya une scission entre la nature et la culture à l’époque moderne ». Ce projet cherche également à saisir, autant que possible, une vision non occidentale en contraste avec la connaissance scientifique unique et notre perspective classique de la nature dans les sociétés occidentales.

La ville d’Ilulissat. Vue côtière

Postulez jusqu’au 31 mars à l’appel à candidatures ouvert Rewilding Cultures Mobility Conversation

Site web Rewilding Cultures

Jean Danton Laffert était soutenu par Radiona pour ce projet

Hommage à Nicolas Nova

Nicolas Nova.
Maxence Grugier

L’annonce de la disparition de Nicolas Nova, anthropologue, enseignant-chercheur à l’HEAD – Genève, HES-SO, essayiste, entrepreneur, mais également ami, nous laisse abandonnés et désemparés.

Nicolas Nova était un esprit généreux. Un éternel curieux, observateur en mouvement du quotidien. Je ne suis pas le seul à me demander d’où il tirait son énergie. Comment il réussissait à écrire autant, à lire autant, à écouter autant, tout en observant le monde. Pour lui tout était valable et respectable : un bout de trottoir près du Centre d’Injection Officiel à côté duquel il vivait à Genève, comme une bande de désert située à quelques mètres du potentiel site du crash de Roswell où il s’était rendu l’été dernier.

Sa vision du monde sociotechnique dans lequel nous vivons était elle aussi originale et singulière. En témoigne son dernier ouvrage, Persistance du merveilleux, le petit peuple des machines paru récemment aux éditions Premier Parallèle. Penseur du contemporain (et penseur contemporain), Nicolas Nova était régulièrement interrogé sur Makery et nous souhaitions lui rendre hommage en republiant les articles dans lesquels il s’exprimait :

Nicolas Nova : smartphones et wild-tech, « entre hautes-technologies et réappropriation par la rue »

Nicolas Nova voit du dada dans la data

« Innover à la campagne » : Pyt Audio, des entrepreneurs locaux et éco-responsables

Dany Gaborieau et Thibault Mercier. © DR

Il n’y a pas que les artistes qui s’inspirent de la nature pour créer. Les entrepreneurs aussi s’installent en campagne pour y construire leurs projets. C’est le cas de Dany Gaborieau et Thibault Mercier, à la tête de la société Pyt Audio et lauréats du prix Innover à la campagne.

Elsa Ferreira
Dany Gaborieau et Thibault Mercier. © DR

 

Sa ville n’est peut-être pas « la plus jolie du monde », mais Dany Gaborieau n’envisage pas de partir. « On est originaire d’ici, on aime la campagne et on voulait rester dans le coin », dit-il de lui et de son associé et fondateur de Pyt Audio, Thibault Mercier.

Ici c’est les Herbiers, une ville de 17 000 habitants, en Vendée. La ville est réputée pour son industrie, nous présente Dany. K-Line pour les portes et fenêtres ; Briand pour le secteur de la construction. Le Puy-du-Fou n’est pas très loin et apporte un dynamisme touristique au niveau local. Avec 5,2 % de chômage, la Vendée est l’un des territoires les plus actifs, relève notre guide. Un atout pour les jeunes entrepreneurs. « Quand on a eu besoin de sous-traitants, on n’a pas eu de mal pour embaucher. »

Thibault Mercier et Dany Gaborieau dirigent Pyt Audio, une entreprise d’acoustique. Leur produit phare est un panneau d’isolation phonique pour atténuer les vibrations et l’effet de brouhaha qui en découle. Les matériaux sont biosourcés et proviennent du recyclage, local si possible. Pour l’isolation, d’abord des jeans, puis des blouses de travail. Le châssis est quant à lui fait en plastique de bouteilles recyclées. Les laboratoires partenaires sont eux aussi des acteurs économiques locaux. « On aime notre territoire, on veut produire le plus localement possible. »

45% de croissance par an

Ce modèle éco-responsable permet de conquérir de nouveaux marchés. Si leurs premiers clients étaient des restaurants ou des particuliers, ils travaillent de plus en plus avec les collectivités territoriales : crèches, écoles, salle de sport… « Nos produits en matériaux recyclés correspondent aux exigences de la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC) », souligne Dany Gaborieau. Et ça marche ! Depuis son lancement en 2019, le chiffre d’affaires de la startup croît de près de 45% chaque année.

Entreprendre à la campagne a ses atouts : des locaux à faibles prix, un tissu industriel mature, une qualité de vie. Mais cela présente aussi des obstacles. Les patrons envisagent de s’agrandir et embaucher des fonctions supports : commerciaux, marketing… « Il est plus compliqué de faire venir ces talents à la campagne », reconnaît Dany Gaborieau. Les aides sont aussi moins nombreuses que dans les grandes métropoles, remarque le gérant. Malgré tout, les entrepreneurs ont reçu des soutiens de la Région, notamment 7000 euros de subventions de départ.

Le prix Innover à la campagne, organisé par l’association « Tiers-lieu le 21 »  avec l’ambition de récompenser des entreprises implantées dans un territoire rural et à l’impact environnemental et social positif, est donc un coup de pouce de 4000 euros bienvenue. Il offre aussi une visiblité à des projets implantés loin des salons et des réseaux des grandes villes. « La ministre en charge de la ruralité est venue pour la remise des prix, c’est une belle reconnaissance. »

En savoir plus sur le prix Innover à la campagne

Cosmolégalité : repenser le droit du complexe Terre-Espace

© Elena Cirkovic 2024

Dans le cadre du programme More-Than-Planet, Makery a organisé une conférence en mai 2023 sur les liens entre l’océan et l’espace et la manière dont les artistes explorent ces questions. À cette occasion, nous avions invité Elena Cirkovic, chercheuse en droit à l’université d’Helsinki et membre de la Bioart Society, à discuter du droit des océans et du droit de l’espace. Cet hiver, Elena Cirkovic publiera « The Law of Complex Earth and Outer Space Systems, The Cosmolegal Proposal », dans lequel elle propose une exploration du paradigme législatif pour les interactions complexes entre le système terrestre et l’espace extra-atmosphérique à l’ère de l’Anthropocène. En exclusivité, quelques notes de lecture sur un livre qui sera publié le 4 mars 2025.

la rédaction

L’expansion rapide des activités humaines dans l’espace extra-atmosphérique a créé de nouveaux défis environnementaux qui transcendent les cadres réglementaires existants. Alors que les méga-constellations de satellites prolifèrent et que les débris spatiaux s’accumulent, les technologies Terre-Espace et l’intensification de leurs activités ont un impact sur les systèmes du complexe Terre-Espace. Ces activités génèrent des boucles de rétroaction complexes et des phénomènes émergents qui affectent les environnements orbitaux et terrestres.

Le dernier livre d’Elena Cirkovic, « The Law of Complex Earth and Outer Space Systems, The Cosmolegal Proposal », présente le concept de “cosmolégalité” comme un cadre théorique permettant de comprendre les interactions socio-politiques, techniques et écologiques entre la Terre et l’espace. Développée dans le cadre du projet ANTARES (« Anthropocentrism and Sustainability of the Earth System and Outer Space », Anthropocentrisme et durabilité du système terrestre et de l’espace extra-atmosphérique, mené et achevé à l’Université d’Helsinki et au Max Planck Institute for Procedural Law au Luxembourg), cette approche plaide en faveur de changements fondamentaux dans la manière dont le droit, en tant que système social, conceptualise et aborde les défis environnementaux qui croisent les environnements terrestres et spatiaux.

Elena situe ses recherches à l’intersection du droit de l’environnement, de la théorie des systèmes complexes et des études juridiques critiques, tout en s’engageant dans des discussions plus larges sur les sciences humaines de l’environnement et le bio-art. En examinant des phénomènes spécifiques tels que les rejets de méthane dans l’Arctique et l’accumulation de débris orbitaux, son étude approfondie et transdisciplinaire démontre que les cadres juridiques actuels ne parviennent pas à saisir la complexité des interactions entre la Terre et l’espace.

Le système complexe Terre-Espace

Le livre examine plusieurs phénomènes clés qui démontrent les liens complexes entre les systèmes terrestres et les activités spatiales. Les cratères de méthane de l’Arctique servent de point de départ. À première vue, ces phénomènes ne semblent pas avoir de lien entre eux. Les cratères de méthane émergent de processus complexes impliquant le dégel du pergélisol et la libération de méthane piégé. Leur formation représente une dangereuse boucle de rétroaction dans le système climatique, car le méthane est un gaz à effet de serre encore plus puissant que le dioxyde de carbone.

La technologie spatiale joue un double rôle dans la compréhension et l’influence de ces changements du système terrestre. Les systèmes de surveillance par satellite, tels que MethaneSAT et MERLIN, fournissent des données importantes pour le suivi des émissions de méthane et des changements environnementaux. Toutefois, l’efficacité de ces systèmes de surveillance est de plus en plus compromise par l’encombrement orbital et les débris.

La recherche démontre comment les activités spatiales affectent les processus atmosphériques par de multiples voies : pollution directe due aux lancements et aux ré-entrées, modification de la chimie de la haute atmosphère et altération à long terme de la composition de l’atmosphère.

Les conclusions récentes de l’atelier 2024 de l’European Space Research and Technology Centre révèlent, entre autres, qu’environ 10 % des particules de la stratosphère contiennent désormais des poussières métalliques provenant d’engins spatiaux, ce qui démontre l’impact croissant de l’activité humaine sur la composition de l’atmosphère à tous niveaux. Le cycle de vie complet des technologies spatiales, de la fabrication à la ré-entrée dans l’atmosphère en passant par le lancement, a des incidences sur l’environnement qui dépassent les limites traditionnelles entre les environnements terrestres et spatiaux.

Ces interactions remettent en question les cadres juridiques traditionnels de plusieurs manières. Tout d’abord, elles démontrent que les impacts environnementaux transcendent les frontières juridictionnelles classiques. Elles révèlent ensuite les limites des approches réglementaires actuelles qui traitent les environnements terrestres et spatiaux comme des domaines distincts. Enfin, elles mettent en évidence la nécessité de mettre en place des cadres juridiques capables de gérer les interactions complexes et souvent imprévisibles entre les activités humaines et les systèmes naturels.

L’ouvrage plaide en faveur d’une extension de notre compréhension des frontières planétaires à l’espace orbital, en démontrant comment les activités spatiales affectent les neuf limites planétaires. Cette analyse montre comment des phénomènes apparemment distincts – des rejets de méthane dans l’Arctique aux opérations satellitaires – sont en fait profondément interconnectés par des mécanismes de rétroaction complexes qui relient environnements terrestres et spatiaux.

© Elena Cirkovic 2024

La proposition cosmolégale

Le concept de cosmolégalité propose une transformation du droit dans sa manière d’aborder les interactions Terre-Espace.

Le livre développe ce concept normatif et théorique à travers une analyse des preuves scientifiques et de la théorie juridique, en soutenant que les cadres juridiques traditionnels sont fondamentalement inadéquats pour relever les défis environnementaux contemporains. Cette approche prolonge les arguments existants selon lesquels le droit est un système adaptatif complexe. Elle s’appuie sur les développements récents de la science des systèmes complexes, en particulier les équipes de recherche et les travaux de Syukuro Manabe, Klaus Hasselmann et Giorgio Parisi, lauréats du prix Nobel en 2021. Leurs recherches démontrent que même des systèmes apparemment simples peuvent présenter un comportement extraordinairement complexe.

Ce cadre remet en question les hypothèses juridiques traditionnelles concernant la causalité, la prévisibilité ou la stabilité des systèmes juridiques. Alors que le droit de l’environnement conventionnel cherche souvent à établir des relations claires de cause à effet, la cosmolégalité intègre explicitement l’incertitude comme une caractéristique fondamentale plutôt que de la traiter comme un problème à résoudre et plaide pour la « complexification » de la procédure juridique (non pas en tant que procédure elle-même, mais en réimaginant la causalité et le lien de causalité, la stabilité et la prévisibilité).

Le livre démontre cette approche à travers plusieurs exemples concrets. L’avis consultatif du Tribunal international du droit de la mer (TIDM) de mai 2024 sur le changement climatique constitue une étude de cas sur la manière dont le droit international peut évoluer pour répondre à des défis environnementaux complexes. L’élargissement par l’avis consultatif des définitions de la pollution marine incluant les émissions de gaz à effet de serre, quelle qu’en soit la source, suggère comment les cadres juridiques peuvent s’adapter pour relever des défis environnementaux systémiques.

© Elena Cirkovic 2024

Porter la fabrique de l’espace public au niveau Terre-Espace

S’appuyant sur les fondements théoriques établis dans le livre, le projet de recherche artistique parallèle d’Elena à la faculté d’art et de design de l’université de Laponie développe le concept de « déplacement de la fabrique d’espaces publics » (displaced placemaking) par le biais d’un engagement individuel avec les environnements Terre-Espace. Ce travail examine comment les expériences de déplacement peuvent générer des perspectives uniques sur les relations entre les perspectives planétaire et plus qu’humaine qui transcendent les frontières géopolitiques traditionnelles et les identités locales.

Au lac Kilpisjärvi Enontekiö, en Finlande (frontalier de Kiruna, Suède) et au musée Seurasaari à Helsinki, cette recherche s’intéresse à de multiples récits de lieux et d’appartenance. Elena positionne son travail à l’intersection des cultures locales (sami, finlandaise et migrante), des expériences simultanées de multiples échelles temporelles et spatiales, et du plus qu’humain. Le musée de Seurasaari a été fondé en 1909 et se compose de 87 bâtiments provenant des différentes provinces de Finlande. Installés sur l’île de Seurasaari, ils sont censés illustrer la vie dans la campagne finlandaise du 18e au 20e siècle. Ce cadrage temporel du patrimoine culturel finlandais coexiste avec des processus géologiques plus profonds : l’émergence de l’île par rebond post-glaciaire se poursuit à un rythme d’environ 3 millimètres par an. Ce mouvement géologique continu fournit une métaphore pour comprendre le lieu comme dynamique plutôt que comme fixe, remettant en question les notions traditionnelles d’appartenance.

Dans ce contexte, le travail d’Elena documente à la fois les phénomènes observables et les concepts plus abstraits de déplacement et d’appartenance. Ici, le concept de « déplacement de la fabrique d’espaces publics » développe un art situé englobant les expériences corporelles réelles, fondées et ressenties du déplacement forcé. Les « outsiders » qui visitent les espaces locaux reliant culture et nature émettent de nouvelles observations et de nouveaux récits. Elena soutient que l’inclusion sociale et la justice sont inséparables d’une compréhension plus large des systèmes Terre-Espace ainsi que des localités spécifiques.

Cette contribution suggère que le déplacement peut engendrer des formes de connexion environnementale, en particulier lorsque la communication sociale présente des défis en raison d’une discrimination ou d’une exclusion persistante. En remettant explicitement en question les récits nationalistes de la « nature » et les approches connexes de l’environnementalisme, ce cadre ouvre de nouvelles possibilités pour comprendre les relations entre humains et plus qu’humains.

© Elena Cirkovic 2024

Elena Cirkovic, The Law of Complex Earth and Outer Space Systems, The Cosmolegal Proposal, Routledge, 4 mars 2025. Le livre sera disponible en pré-commande le 11 février 2025.

Politiques de la symbiose

Kunstformen der Natur (1904), plate 83: Lichenes - Ernst Haeckel (Public Domain)
Ewen Chardronnet

Makery a co-produit ce printemps le numéro 6 du journal occasionnel La Planète Laboratoire. Ce numéro imagine un futur paysan et néo-paysan, inventé par des paysans planétaires, organisés en territoires divers, cultivant des biotopes plus hétérogènes, plus démocratiques, et donc plus habitables. Nous examinons ici la découverte, les différentes interprétations et leurs significations politiques du phénomène de symbiose à travers les époques.

Chez Carl von Linné et jusqu’au XIXe siècle certaines espèces animales dites inférieures étaient encore placées dans une catégorie particulière nommée « Zoophytes » (étymologiquement animaux-plantes). Dans sa classification de 1802, Gottfried Treviranus distinguait deux classes : la classe des Zoophyta incluant les coraux, méduses, anémones de mer, hydres, oursins et étoiles de mer ; et la classe des Phytozoa pour les « plantes-animaux » comprenant les champignons, lichens, mousses, fougères et plantes d’eau, algues filamenteuses et fucus, etc. Les choses évoluent progressivement au 19ème siècle avec, notamment, Christian Ehrenberg qui forge le mot bactérie en 1838 [1], examine les euglènes, diatomées, radiolaires et identifie les coraux ; Henri Lacaze-Duthiers qui étudie les coraux en Algérie et en publie une « histoire naturelle » en 1864 [2]; Addison Verrill qui créé en 1865 l’embranchement des cnidaires (corails, anémones, méduses, etc.) ; ou Ernst Haeckel qui propose le règne des protistes en 1866 pour catégoriser les espèces inclassables qui présentent des caractères à la fois animal et végétal.

La description de ces espèces laisse déjà entrevoir les relations symbiotiques animal-plante, mais c’est l’étude de la double nature champignon-algue du lichen [3] qui va ouvrir véritablement de nouvelles perspectives et poser le vocabulaire [4]. Plusieurs biologistes vont décrire le lichen, Heinrich Anton de Bary de l’Université de Halle en Allemagne, le suisse Simon Schwendener [5], les russes Andreï Famintsyn et Ósip Baranetsky qui parviennent en 1867 à cultiver l’algue en dehors du thalle, ou corps, du lichen [6]. Mais la relation est d’abord comprise dans un rapport de parasitisme, notamment pour Schwendener, pour qui le champignon est parasite de l’algue et l’association lichénique « une communauté entre un champignon maître et une colonie d’algues esclaves que le champignon retient en perpétuelle captivité, afin de lui fournir sa nourriture » [7]. La notion est cependant contestée par de Bary, Famintsyn et Baranetsky, comme par le zoologue belge Pierre-Joseph van Beneden qui va parler en 1875 de « commensalisme » et de « mutualisme » à propos d’autres relations interspécifiques. « Le commensal ne vit pas aux dépens de son hôte au sens où cette dépendance créerait une situation défavorable pour l’hôte, un amoindrissement de sa vie, mais il en dépend tout de même pour se maintenir en vie. » [8] Le commensal « est reçu à la table de son voisin » [9].

En 1877, Karl Möbius publie à Berlin son ouvrage intitulé Die Austern und die Austernwirtschaft (l’huitre et son industrie), dans lequel il introduit le terme de biocénose afin de « prendre en compte l’ensemble des espèces qui vivent dans le même milieu » [10] Et la même année, Albert-Bernhardt Frank, un autre spécialiste des lichens, de l’université de Leipzig, propose le mot « symbiotismus » pour sortir d’une analyse centrée sur le parasitisme qui juge selon un biais anthropocentré : « Là où se trouve un habitat commun interne ou externe entre deux espèces séparées, nous devons donner un terme plus étendu ; quel que soit le rôle que les deux partenaires jouent, on n’en tient pas encore compte. On se fondera de toute façon sur le seul ‘vivre ensemble’ et c’est pourquoi, on peut recommander de désigner ces cas sous le terme de symbiotismus. » [11] C’est finalement en 1878 de Bary qui propose, à la suite de Franck et dans une présentation désormais célèbre, le mot général de « symbiose » pour décrire différents organismes vivant ensemble [12]. Comme le souligne l’épistémologue Olivier Perru, en « définissant la symbiose, il ne s’agit ni de privilégier le mutualisme ni de souligner un antagonisme. De plus, l’unité vise l’économie commune, ce qui n’est pas forcément significatif de bénéfice mutuel » [13].

Consociation

Il est intéressant de noter que l’usage du terme symbiotique dans l’organisation des relations sociales est bien antérieur à son usage dans le champ de la biologie. En effet, comme le fait remarquer Frédéric Lordon en 2015 dans son Imperium, Structures et affects des corps politiques [14] on le retrouve dès le début du XVIIe siècle dans le travail du juriste et philosophe politique Johannes Althusius. Althusius est souvent mentionné comme précurseur du confédéralisme ou de l’anarchisme libertaire, comme le relève Lordon. Dans son ouvrage Politica methodice digesta et exemplis sacris et profanis illustrata publié en 1603, ce calviniste formé en droit civil et ecclésiastique à Bâle considère en effet «qu’avant d’être des sujets de quelque souverain, les individus sont des « symbiotes ». « C’est l’immanence de leur vie commune qui doit être le point de départ de toute pensée politique », souligne Lordon qui renvoie à la lecture des ouvrages écrits il y a une dizaine d’années par Gaëlle Demelemestre et qui ont permis la diffusion de la pensée de Althusius en France [15]. Dans le premier paragraphe de sa Politica, Althusius écrit : « La politique est l’art d’établir, de cultiver et de conserver entre les hommes la vie sociale qui doit les unir. Ce que l’on appelle la symbiotique. Le sujet de la politique est donc la consociation [16], par pacte exprès ou tacite, par laquelle les symbiotes s’obligent les uns les autres réciproquement à la communication mutuelle des choses qui sont utiles et nécessaires à l’usage et à la participation de la vie sociale. La fin de la politique symbiotique développée par les hommes est la symbiose sacrée, juste, appropriée et heureuse, et d’assurer qu’il ne manque aucune chose nécessaire ou utile à la vie. » [17]

Remarquons que la Politica methodice digesta de Althusius fut publié quarante ans avant le De Cive (Du Citoyen) du britannique Thomas Hobbes où ce dernier introduit la notion de bellum omnium contra omnes (guerre de tous contre tous), s’appuyant notamment sur la devise millénaire homo homini lupus, l’homme est un loup pour l’homme [18]. Il semble ainsi que ce soit l’image d’un homme foncièrement violent à l’état de nature, individualiste et qui éprouve un insatiable désir de pouvoir, telle que développée par Hobbes, qui ait perduré jusqu’au XIXe siècle, nourrissant la « nature rouge de dents et de griffes » du poète Lord Tennyson [19] comme la naturalisation de la « survie du plus fort/apte » (survival of the fittest) d’Herbert Spencer [20] et Charles Darwin. Hobbes a proclamé, à plusieurs reprises, qu’il était le premier à établir – avec Le Leviathan en particulier – une doctrine authentique et scientifiquement fondée des affaires humaines, le premier à faire une science de la morale et de la politique. Nous préférerons Althusius qui décrit avant lui l’être humain comme un « animal civil qui aspire ardemment à l’association ». Pour Althusius, la symbiose (vivre ensemble) implique plus qu’une simple existence commune ; elle « indique une qualité de partage mutuel et de communication » [21] sans laquelle la société n’est pas possible.

Pochoir de Lynn Margulis. Avec sa théorie endosymiotique de l’évolution, Margulis s’est opposée aux conceptions de l’évolution axées sur la compétition, soulignant l’importance des relations symbiotiques ou coopératives entre les espèces.

De la symbiose à l’entraide

Le terme survival of the fittest avait été initialement introduit par Herbert Spencer dans son ouvrage Principles of Biology publié en 1864, cinq ans après la publication de L’Origine des espèces de Darwin. Rare auteur best-seller de son temps, Spencer contribua largement au développement d’un Darwinisme social ouvrant la voie au racisme scientifique. Cette lecture du Darwinisme était déjà vertement moquée par Karl Marx et Friedrich Engels. Mais à la fin des années 1870, au moment où les théories des symbioses émergent, on trouve du côté des auteurs anarchistes une volonté de nourrir une perspective d’entraide entre les êtres vivants pour contrer l’appropriation conservatrice des thèses de Darwin. C’est Elisée Reclus à Genève en 1880 avec son texte « Evolution et Révolution » dans le journal Le Révolté de Piotr Kropotkine, ou Emile Gautier avec son pamphlet Le Darwinisme social [22] qu’il publie à Paris au même moment. Pour Gautier, la « lutte pour la vie » permanente impliquée par la « loi de la sélection naturelle » diminue d’intensité à mesure que les institutions sociales se développent. L’assistance mutuelle et la solidarité sociale sont les moteurs du progrès de l’humanité et constituent le véritable contenu du « darwinisme social », bien plus que la lutte et la victoire du « plus apte ». Gautier fut condamné en 1883 à cinq ans de prison aux côtés de Kropotkine et d’autres dans le fameux procès des 66 anarchistes de Lyon.

A sa sortie de prison, en 1886, Kropotkine ira à la rencontre du biologiste et urbaniste Patrick Geddes à Edimbourg, proche de Reclus et spécialiste des symbioses marines animal-algue, vers de Roscoff, anémones, hydres marins, qu’il a étudié auprès de Lacaze-Duthiers. Geddes pensait que la sélection naturelle n’était pas la force première de l’évolution, le résultat de la survie du plus apte, mais plutôt un frein aux tendances évolutives, l’outil d’élagage qui permettait un meilleur développement de la plante ou de l’organisme ; il considérait la coopération comme plus importante pour l’évolution de toute forme de vie et voyait la Terre comme une planète coopérative [23]. Geddes inspirera Kropotkine dans sa rédaction de L’Entraide chez les animaux, premier texte d’une série initialement publiée dans le périodique anglais The Nineteenth Century entre 1890 et 1896 et qui explore le rôle de la coopération et de l’aide mutuelle dans le règne animal et les sociétés humaines d’hier et d’aujourd’hui [24]. Kropotkine y montre – sur le terrain même de Darwin – que l’entraide présente des avantages pragmatiques pour la survie des communautés humaines et animales et qu’elle a été favorisée par la sélection naturelle, au même titre que la conscience.

En Russie Famintsyn ne cessera lui de travailler à la description de l’acquisition des symbiotes par l’hôte et à la démonstration des nouveaux caractères (avantageux) que cette acquisition conférait à l’hôte du point de vue évolutif. Il se préoccupera de creuser les correspondances de la théorie symbiotique avec la théorie darwiniste, avec comme premier objectif d’identifier les causes réelles du changement d’une espèce vers une autre, en interaction avec le milieu. En effet, si Darwin est le premier à avoir fait reposer l’évolution sur le postulat de la lutte pour la vie, il est aussi le premier à rendre compte en termes scientifiques du développement de l’harmonie qui s’est établie entre les êtres vivants et la nature environnante. Pour Famintsyn, du fait du caractère efficient de la sélection naturelle (tri des individus les plus aptes) mais également de la variation des plus aptes (symbiose), il n’est pas possible d’affirmer une perspective finaliste à l’évolution. Famintsyn situe l’unification du vivant dans l’interaction et la complémentarité de formes élémentaires. Sa relecture de Darwin l’amènera ainsi à souligner le rôle moteur des interactions mutualistes et symbiotiques, comme sources d’innovations que la sélection va retenir tout au long de l’évolution [25].

Notes

(1) Christian Gottfried Ehrenberg, Die Infusionsthierchen als vollkommene Organismen (Recherches sur l’organisation des animaux infusoires), Verlag L. Loss, Leipzig, 1838, p. 75.

(2) Henri Lacaze-Duthiers, Histoire naturelle du corail, Baillère et fils, Académie impériale de médecine, 1864.

(3) Heinrich Anton de Bary, Morphologie und Physiologie der Pilze, Flechten und Myxomyceten (Morphologie et Physiologie des Fungi, Lichens, et Myxomycètes), Verlag W. Engelmann, Leipzig, 1866.

(4) Olivier Perru, « Aux origines des recherches sur la symbiose vers 1868-1883 », Revue d’histoire des sciences, 2006/1 (Tome 59), p. 5-27. Olivier Perru est l’auteur d’une riche somme en deux volumes titrée De la société à la symbiose. Une histoire des découvertes sur les associations chez les êtres vivants publiée par l’Institut Interdisciplinaire d’Études Épistémologiques (2003 et 2007).

(5) Simon Schwendener, Untersuchungen über den Flechtenthallus, Beiträge zur wissenschaftliche Botanik, VI (1868), 195-207 & IDie Algentypen der Flechten Gonidien, Programm für die Rektorsfeier der Universität Basel, IV (1869), 1-42. ; Perru, op. cit. in n.4.

(6) Dans Liya Nikholaïevna Khakhina, Concepts of symbiogenesis (Yale : Yale Univ. Press, 1992) ; Perru, op. cit. in n.4.

(7) Margalith Galun, Lichen research : An overview with some emphases, in Endocytobiology IV (Paris :inra,1990), 161-168 ; Perru, op. cit. in n.4.

(8) Perru, op. cit. in n.4.

(9) Pierre-Joseph Van Beneden, Les Commensaux et les parasites dans le règne animal, 2nde éd. (Paris : Baillière, 1878 ; 1re éd., 1875) ; Perru, op. cit. in n.4.

(10) Jean-Marc Drouin, L’Écologie et son histoire (Paris : Flammarion, 1991), 87 ; Perru, op. cit. in n.4.

(11) Albert-Bernhardt Frank, « Über die biologischen Verhältnisse des Thallus einiger Krustenflechten » (Sur les conditions biologiques du thalle de certains lichens crustacés), Beiträge zur Biologie der Pflanzen, II (1877), 123-200. Frank est également crédité de la création du terme mycorhiza en 1885.

(12) « Die Erscheinung der Symbiose », traduit peu après en français sous le titre, « De la symbiose », Revue internationale des sciences, Paris, O. Doin, (1878-1879) , pp. 301-309.

(13) Perru, op. cit. in n.4.

(14) Frédéric Lordon, Imperium, Structures et affects des corps politiques, La Fabrique, 2015.

(15) Voir Gaëlle Demelemestre, Les Deux Souverainetés et leur destin. Le tournant Bodin-Althusius, Éditions du Cerf, 2011 ; et Introduction à la «Politica methodice digesta» de Johannes Althusius, Éditions du Cerf, 2012. Cité par Lordon, n.15.

(16) Le consociationalisme ou démocratie de concordance de la gouvernance est étudié depuis les années 1960 dans des pays comme la Suisse, la Belgique ou le Liban.

(17) Gaëlle Demelemestre, op. cit., p. 51, Politica 1, paragraphe 1.

(18) Sa première occurrence connue est dans La Comédie des ânes de Plaute au IIIe siècle avant JC.

(19) L’expression est tirée du « Dinosaur cantos » ou « dinosaur sections » du long poème d’Alfred, Lord Tennyson, In Memoriam A. H. H. (1850).

(20) Herbert Spencer, Principles of Biology, 1864, vol. 1, p. 444 .

(21) Althusius, Politica, 1.3, 1.6 et Althusius, Politica, 3.33. Cité par Nico Vorster, « Symbiotic Anthropology and Politics in a Postmodern Age: Rethinking the Political Philosophy of Johannes Althusius (1557–1638) », North-West University, Afrique du Sud, Renaissance and Reformation 38.2, printemps 2015, p.27.

(22) Emile Gautier, Le Darwinisme social, Derveaux, Paris, 1880.

(23) Helen Meller, Patrick Geddes, Social Evolutionist and City Planner, Routledge, 1990, p.27.

(24) Piotr Kropotkine, L’Entraide, un facteur de l’évolution, Londres, 1902.

(25) Perru, op. cit. in n.4., p.24 De manière générale, ce texte doit beaucoup aux travaux de Olivier Perru.