Makery

Concerto de nature, batterie en patate, robot soûl… : que fabriquent les PIFcampeurs ? (1/2)

Le trombinoscope du PIFcamp. © Elsa Ferreira

Mais que font 65 hackers, makers, artistes, musiciens et autres techno-explorateurs au milieu des montagnes slovènes ? Makery fait les présentations.

Pour comprendre PIFcamp, il faut connaître les PIFcampeurs. Le camp d’été pour hackers, makers, artistes et techno-explorateurs, niché au cœur des montagnes slovènes et qui se tenait cette année du 31 juillet au 6 aout, assume une joyeuse anarchie. Mis à part quelques règles de bonne conduite, ce sont les participants qui font la programmation en proposant workshops, projets solo ou communs, show et jams. Makery s’est lancé le défi de vous en présenter la plupart. Trombinoscope, partie 1. 

Alicia Champlin : méditati-ondes cérébrales

Alicia Champlin se met en place pour son bain de cymbales. © Simão Bessa

Américaine diplômée des beaux arts, désormais installée à Barcelone, Alicia Champlin est spécialisée en communication cybernétique. « J’utilise les installations sonores pour modéliser la communication interpersonnelle, dans des performances où le corps devient une partie du système », explique-t-elle. Pour sa première fois à PIFcamp, elle présente deux projets. D’abord, le « bow chime» (ou l’archer à carillons) ou « steel cello» (le violoncelle d’acier), un instrument fait de cymbales et d’acier qu’elle a crée et avec lequel elle offre un « bain de cymbales » méditatif et régénérant aux PIFcampeurs. Ensuite, un EEG qui permet d’enregistrer et de streamer en live les ondes cérébrales et les sonoriser à travers une installation géante de huit enceintes. Elle espère se faire rencontrer les deux œuvres, afin que son violoncelle d’acier joue des ondes sonores, pour une méditation ultime !

Becca Rose : le pouvoir des patates

Becca Rose et son atelier patate, à l’ombre des arbres. © Simão Bessa

« Tout le monde ou presque a une histoire de patate », pense Becca Rose. En effet, son atelier autour de la pomme de terre délie les langues : des expériences de culture de tubercules ratées à la réputation sulfureuse de la patate, jadis surnommée la « pomme du diable », chacun y va de son anecdote. D’ailleurs, il existe tout un genre de « potato art », dont Agnès Varda en était une fière représentante et d’autres sont exposés à la Tate, et un sous-genre d’art informatique de la patate, nous raconte Becca.

PIFcampeuse pour la première fois, Becca Rose infuse les autres projets de sa saveur patate : à partir du versatile féculent, elle a réalisé synthétiseur, des enceintes, un filtre pour les réseaux sociaux et elle prévoit un robot. Une façon ludique de s’approprier les techniques sans chercher l’innovation avant tout : « c’est le capitalisme qui sous-tend cette recherche de croissance à tout prix. Ces médiums n’ont pas à relever de la technologie », estime-t-elle. Qui a dit que les histoires de patates n’étaient pas sérieuses ?

Scott « Seamus » Kildall : la complainte de la nature

Seamus explique son projet aux PIFcampeurs. © Simão Bessa

Nul besoin de connaître les lieux pour le voir : les niveaux des cours d’eau sont bas. Pour sa seconde année PIFcamp, Scott Kildall, dit Seamus, a décidé de mettre en musique cet assèchement – « je viens de Californie, je suis familier de cette sécheresse », dit-il. Toute la semaine, il perfectionne ses capteurs faits maison pour les attacher aux arbres, lichen, plantes et cours d’eau pour organiser un concert synesthésique et naturel. « Ce sera glitchy, prévient-il. Je veux créer un reflet à cette dévastation, de cette nature en détresse. »

Luka Frelih : pilier actif

Luka Frelih aide à la construction du dôme qui accueillera des shows sonores 3D. © Simão Bessa

Programmeur et artiste, membre du labo artistique Ljudmila depuis sa création en 1994, Luka Frelih est l’un des fondateurs de PIFcamp. Pas de traitement de faveur : chaque année, comme tout le monde, il planche sur un projet. Cette fois-ci, c’est une balle munie d’un capteur de mouvements qu’il développe pour enrichir sa pratique de live coding – Luka Frelih est aussi l’un des organisateurs de Algopolis, une algorave à Ljubljana -, très en tendance cette année à PIFcamp. Grâce à un signal bluetooth transformé en signal midi, les informations du controller peuvent être transmises à n’importe quel logiciel visuel ou sonore. « Pour moi, c’est génial d’apprendre à se connaitre dans ce genre d’endroit avec un groupe de gens avec les mêmes intérêts, se réjouit-il. Pas seulement pour le fun mais aussi pour planter les graines de futures collaborations. »

Boštjan Čadež : robotique intoxiquée

Boštjan Čadež derrière son imprimante 3D. © Simão Bessa

Si vous cherchez Boštjan Čadež, il est généralement derrière son imprimante 3D, peaufinant sans relâche son robot un peu particulier. Soûl, le robot passe dans l’assemblée et, selon son humeur, vous salue ou vous urine dessus. « Je voulais faire contrepoids aux problèmes très sérieux qui émergent avec l’IA », justifie-t-il. Habitué à travailler seul derrière ses machines, il se réjouit de pouvoir passer du temps avec des gens qui comprennent ce genre d’art et de supports. Un dernier mot ? « J’encourage fortement tout le monde à considérer passer une bonne journée ». On y réfléchira.

Tilen Sepič : café social 

Jam en pleine nature. © Simão Bessa

Présent chaque année depuis la première édition, Tilen Sepič s’attèle à la cohésion du groupe. Pour cela, deux armes de socialisation massive : un système de son professionnel transformé en appareil portatif pour des jams en pleine nature ; et la reproduction manuelle du mécanisme d’une machine à café : moulin, pression… tout y est pour un café optimal. Et pour ceux qui chercherait un peu de solitude, l’artiste a aussi installé un hamac sous le pont qui enjambe la rivière.

Jani Pirnat : street art en haute montagne

Les débuts de la sculpture de Jani Pirnat. © Simão Bessa

Jani Pirnat prépare un coup et préfère rester discret. Pour conserver l’effet de surprise, on restera donc flou. Artiste et curateur de la Domestic Research Society, à Ljubljana, Jani Pirnat est un habitué du PIFcamp. Au fil des ans, il a mis au point des visites guidées du lieux, imaginé des tables sismiques où construire des infrastructures en jenga ou encore créé une bétonnière boule à facette. Cette année, il a préparé une sculpture pour la commémoration de la résistance des paysans de Tolmin pour la placer dans l’espace public. Une action street art, made in Soča.

Niklas Reppel, Roger Pibernat et Lina Bautista : délégation barcelonaise pour live coding et instrument programmable

Roger Pibernat et Lina Bautista à la soirée live coding « from scratch ». © Simão Bessa

Haut perché dans ses montagnes, PIFcamp n’en reste pas moins international. Cette année, Barcelone est représentée en force – via On the Fly, un programme européen pour promouvoir la pratique du live coding. Niklas Reppel, allemand installé à Barcelone développe des logiciels musicaux. Ici, il étend son écoute pour intégrer des sons naturels dans sa pratique du code créatif. De son côté, Roger Pibernat continue à PIFcamp ce qu’il a commencé à quelques centaines de kilomètres, à Ljubljana, pendant sa résidence à Ljudmila : il développe son propre langage de live coding, Ziva, basé sur SuperCollider pour une syntaxe simplifiée. Lina Bautista, colombienne basée à Barcelone, vient quant à elle peaufiner Fantasia, un instrument programmable en kit, développé avec le collectif Familiar. Les jams de PIFcamp ne seront plus jamais les mêmes.

Klemen Košir : le chef 

Klemen Košir et sa compagne Damjana prennent une pause bien méritée. © Simão Bessa

C’est l’une des personnes les plus essentielles du camp : le chef. Tous les jours, trois fois par jour, et depuis trois ans, il prépare de délicieux dîners pour la soixantaine de PIFcampeurs aux régimes alimentaires exigeants. Également auteur de livre sur la culture, l’histoire et l’ethnologie des aliments, il s’est aussi improvisé guide pour une longue marche dans les montagnes. Un one-man band qui régale. 

Palais de la mémoire, laser show, radio fantôme… plus de PIFcampeurs et de projets dans la partie 1

Lire notre article sur PIFcamp 2022

Pour en savoir plus sur PIFcamp

PIFcamp fait partie du réseau Feral Labs network et de la coopération Rewilding Cultures co-financée par le programme Europe Créative de l’Union Européenne.