Makery

Les NFT peuvent-ils être utilisés pour créer des communautés (plus qu’humaines) ? Expériences d’artistes au Japon

Generativemasks #4683 et #1446 par Shunsuke Takawo

« Des communs aux NFT » est une série d’écriture (élargie) initiée par Shu Lea Cheang (Kingdom Of Piracy), Felix Stalder (World-Information.Org) et Ewen Chardronnet (Makery). En réaction à la bulle spéculative des NFT, la série ramène la notion de biens communs du tournant du millénaire pour réfléchir et intervenir dans la transformation de l’imaginaire collectif et de ses futurs divergents. Chaque dernier jour du mois, pendant les six prochains mois, Makery publiera une nouvelle contribution à cette « chaîne d’essais ». Deuxième texte par Yukiko Shikata.

Du point de vue des communs, les NFT doivent aller au-delà d’un simple mécanisme de vente d’œuvres d’art numériques. Il est plutôt nécessaire de considérer les NFT (et plus généralement les crypto-monnaies) comme un moyen d’expression de toute une série de relations. Cet article se concentre sur des œuvres d’art japonaises récentes qui tentent de faire exactement cela, et qui montrent la possibilité d’utiliser la crypto pour servir un bien commun plus qu’humain.

Les communs comme domaine artistique

Lorsque je suis entrée dans le monde de l’art au début des années 1980, j’ai rencontré l’artiste et théoricien allemand Joseph Beuys (1921-1986), dont l’œuvre s’articulait autour de préoccupations sociales, écologiques et spirituelles. Parmi celles-ci figurait la question des « flux des informations » du point de vue du flux d’énergie. En 1990, je me suis impliquée dans la scène expérimentale des arts média en tant que commissaire d’exposition. En particulier depuis 2000, je travaille sur les flux de l’eau, des personnes, des animaux et des plantes, de la météo, etc., en plus des informations numériques. Dans l’histoire du numérique, je mets l’accent sur la vision du monde liée à la « culture » et aux « communs », qui trouve son origine dans la (contre-)culture informatique née dans les garages de la côte ouest des États-Unis dans les années 1970, le mouvement du logiciel libre représenté par GNU, le mouvement open source à la fin des années 1990, et la « Free Culture » prônée par Lawrence Lessig vers 2000.

Tous ces centres d’intérêt ont alimenté le projet en ligne Kingdom of Piracy (KOP) (2001-2006, co-curateurs : Shu Lea Chang, Armin Medosch, Yukiko Shikata) qui a exploré les possibilités des communs numériques au 21e siècle. Fin 2020, KOP a été relancé pour se concentrer sur les bio-communs dans le Projet Forking PiraGene (Taipei C-LAB). Aujourd’hui, en réponse à l’effervescence du marché de l’art en 2021 créée par les NFT, KOP renaît, afin de considérer le « NFT » du point de vue des « communs ».

Tout ce qui existe dans ce monde est issu de l’univers et constitue un bien commun. Il en va de même pour les données numériques générées par l’homme. Une telle vision du monde consiste à retrouver la sagesse et la culture que les êtres humains ont nourries à travers le temps et l’espace, comme façon de vivre avec la nature, qui ont été  exclues par la modernisation de l’Europe occidentale, depuis le temps des machines industrielles jusqu’à celui de la technologie numérique. L’enjeu est de se reconnecter à cette vision. Il ne s’agit pas d’un déni de la modernité, mais d’une nouvelle combinaison de la sagesse moderne et pré-moderne via le numérique. Et pour ce faire, je suis convaincue qu’il est nécessaire que l’art pénètre dans tous les domaines comme une veine d’eau souterraine, en dépassant la notion moderne encore dominante de « l’art » en tant que production d’œuvres autonomes.

J’ai étudié la façon dont le Japon a embrassé les temps modernes depuis l’ère Meiji (la seconde moitié du 19e siècle). À la suite du grand tremblement de terre du Japon oriental du 11 mars 2011, du tsunami qui a suivi et de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, il est de nouveau urgent de faire face à la spiritualité et à la culture nées de la relation entre la nature et l’homme, qui continue d’exister depuis que les gens ont commencé à vivre dans cet archipel, mais qui a été exclue pendant plus de 150 ans, depuis la modernisation soudaine à l’ère Meiji.

Alternative Kyoto, « Imagination as a form of ‘Capital' », Discours d’Audrey Tang et Louwrien Wijers et table ronde animée par Shikata lors du forum en ligne, 22 juin 2021:

 

A l’aube de l’ère post-pandémique, j’ai posé la question de « l’Ecosophie [1] et la paix pour les humains et les non-humains », et toutes mes activités actuelles se développent autour de cette question. L’année dernière, j’ai organisé deux forums, Imagination as a form of ‘Capital’ et Energies as ‘Spirits’ – Stones, Water, Forests, Human pour commémorer le 100e anniversaire de naissance de Joseph Beuys. « Kunst = Kapital (Art = Capital) » et « Social Sculpture », deux concepts inventés par Beuys les sous-tendent. Ce dernier forum est également l’événement institutionnel d’Art Commons « Forest for Dialogue and Creativity » (ville de Chino, préfecture de Nagano), et l’activité commencera sérieusement à partir de cette année.

« Energies as ‘Spirits’ – Stones, Water, Forest, Human » (100e anniversaire de la naissance de Joseph Beuys / Inauguration de « Forest for Dialogue and Creativity »), forum en ligne, 6 novembre 2021:

« Forest for Dialogue and Creativity » se situe dans la région de Suwa / Yatsugatake, dans la partie centrale du Japon, où la ligne tectonique médiane qui va d’est en ouest rencontre la ligne tectonique Itoigawa-Shizuoka qui va du nord au sud (la ligne la plus à l’ouest de Fossa Magna, reliant côté mer du Japon et côté océan Pacifique). Cette région abrite sa propre sagesse et sa propre culture spirituelle animiste, qui vient en partie de la culture de la période mi-Jomon (il y a 15 000 à 5 000 ans) qui a prospéré pendant 10 000 ans et fait toujours partie du patrimoine aujourd’hui. Historiquement, la terre de « Forest of Dialogue and Creativity », au pied du mont Yatsugatake, n’a appartenu à personne jusqu’à présent, elle est cogérée par la population locale en tant que « Iriai-chi » (bien commun). En invitant des artistes dans de tels lieux pour ressentir, penser et créer des œuvres, de nouvelles écosophies (nature, esprit, société) à travers l’art verront le jour, et nous aimerions diffuser le processus en cours à l’échelle mondiale en ligne, via ce que nous appelons « Mountain Media » (nommé ainsi par Eric Wahlforss de SoundCloud).

Avant leur sédentarisation par l’agriculture, les humains chasseurs-cueilleurs s’appréhendaient eux-mêmes comme participant de la nature et de ses formes de circulation. Mais avec l’agriculture, sont apparus le stockage et la possession, qui ont amorcé le processus de désenchantement des humains envers l’univers. Les relations de domination et de propriété ont généré des déséquilibres de richesse et, avec le développement de l’écriture et de divers supports d’enregistrement, la possession et la domination par la marchandise et l’information se sont encore développées. La révolution industrielle occidentale a accentué et mondialisé ces tendances.

Au fur et à mesure que le XXe siècle avançait, le temps, l’espace, les personnes et même tous les êtres non humains ont été de plus en plus soumis au contrôle par les données. Déjà en conflit avec l’émergence des cultures open source, libre et DIY depuis les années 1970, les communs numériques et le contrôle monopolistique se sont encore plus opposés lorsque l’Internet a commencé à se répandre à la fin du XXe siècle. Les attentats terroristes aux États-Unis en 2001 n’ont fait qu’ouvrir la voie à une surveillance toujours plus poussée des données. Aujourd’hui, même les humains (dirigeants et gouvernés) sont dominés et exploités par des algorithmes (les NFT ne font pas exception).

Cela pointe, au moins partiellement, au-delà du capitalisme et des effets destructeurs de l’extractivisme, vers un monde dans lequel les entités informationnelles et physiques peuvent être considérées comme des « sujets de préoccupation ».

Felix Stalder,, Des communs aux NFT : Objets numériques et imagination radicale [2]

De Beuys à la curation d’art média et jusqu’à « Forest of Dialogue and Creativity », je vois constamment le monde à partir des flux d’informations, dans lesquels il y a divers êtres non humains. L’entrelacement des animaux et des plantes, d’autres formes de vies et de choses, y compris les entités numériques, est important. Aucun d’eux ne doit dominer l’autre, et chacun a une relation autonome mais indépendante. L’écosystème lui-même qui les comprend peut être qualifié de « commun ».

Développement japonais actuel des NFT : expériences dans la vente d’art

En 2021, d’éminents artistes média sont entrés dans l’art NFT les uns après les autres. Daito Manabe, exonemo (basé à NY), Masaki Fujihata, Yoichi Ochiai, etc. Manabe de Rhizomatiks a lancé NFT-Experiment, une plate-forme pour vendre des produits connexes à des fins de recherche NFT en y entrant réellement (mars 2021). Kensuke Sembo, un membre d’exonemo, est impliqué dans Infinite Objects, une entreprise qui incarne la mode actuelle des NFT, est à l’avant-garde de la scène. Ils ont d’abord produit un livre composé de points aléatoires, affiché chaque page à l’exposition, vendu leur propriété, et se sont intéressés à la visualisation des informations du propriétaire dans la blockchain. (Exposition CONNECT THE RANDOM DOTS, WAITING ROOM, du 16/10 au 14/11 2021). Masaki Fujihata a déterré ses premiers dessins numériques de la fin des années 1980 au début des années 1990, et a vendu tous les originaux un million de yens (environ 7 700 €) pièce, en baissant le prix à mesure que le nombre d’acheteurs augmentait. (Brave New Commons 3331 Art Fair, Octobre 2021, projet terminé en Janvier 2022). Ochiai a vendu l’œuvre exposée en tant que NFT avec des spécifications différentes lors d’une exposition traitant de la transition et de la circulation entre le numérique et le matériel (sculpture, travail 2D) (Re-Digitalization of Waves).

Dans chaque cas, l’accent est mis sur l’utilisation des NFT dans la vente d’œuvres, la copropriété et les changements de prix dus à la propriété décentralisée. Selon les catégories définies dans l’article « L’art NFT comme mécanisme de vente ou comme médium ? » de Christine Paul [3], il semble que les artistes n’aient pas atteint le point du potentiel de la blockchain en tant que média, même s’ils ont essayé en s’en servant comme d’un mécanisme de vente. Dans l’article, Paul mentionne certains projets qui exploitent le potentiel de la blockchain en tant que média depuis 2014 environ. Depuis les débuts des biens communs (numériques), certains artistes ont travaillé sur la pratique créative et la divulgation de la propriété.

En observant les tendances récentes au Japon, on voit que les artistes média semblent au défi, mais que beaucoup ont du mal à pénétrer au cœur de la blockchain, de la crypto-monnaie et des NFT. Même si le phénomène est déconnecté de leurs valeurs, ils n’ignorent pas la menace de ce qui émerge, mais s’y engouffrent avec audace.

Le défi de Goh Uozumi

« Le NFT actuel n’a presque pas de décentralisation, même s’il s’agit d’une technologie de crypto-monnaie. En réalité, l’idée de crypto-monnaies telles que Bitcoin et l’idée de NFT sont différentes. » [4]

« Les NFT sont à l’opposé des pirates (ceux qui attaquent les NFT sont des pirates), et je pense que les NFT sont désormais réglementés. Il peut être facile d’imaginer que je suis un anarchiste et que je n’utilise pas les NFT.” [5]

Au Japon, l’artiste média Goh Uozumi a publié une œuvre qui utilise la blockchain comme support dès 2014. Depuis qu’il était étudiant dans la seconde moitié des années 2000, Uozomi a développé « Autonomous Distributed Network System » en tant qu’œuvre. Uozumi s’est toujours senti mal à l’aise avec le système du capitalisme, et lorsqu’il a rencontré la blockchain, il était convaincu que « ce sera une percée dans l’injustice du monde ». En 2014, il a publié TRUSTLESS, un ouvrage qui développe le concept de « confiance » dérivé du système décentralisé d’anti-surveillance dans la blockchain et les crypto-monnaies, puis « comme un système qui ouvre la viabilité de la dignité culturelle » (Uozumi). Il a publié diverses œuvres jusqu’à présent, dont le concept de « WMs (Whole Museums)x », et une installation New Economic War (« MOT Annual 2020 Invisible Powers » Exposition, Museum of Contemporary Art Tokyo/MOT, 2020).

Uozumi écrit : « L’utilité de la blockchain ici est qu’elle devient un nouveau public, si et quand l’équité du protocole est priorisée, et qu’elle permet de réaliser la « DAO (Decentralized Autonomous Organization) » qui est l’organe principal de la blockchain. C’est un domaine pour réfléchir à des mécanismes économiques plus basiques qui ne dépendent pas de la logique économique d’une époque particulière, comme le capitalisme, et avec beaucoup d’autres dans la dignité de la vie, y compris les non-humains comme l’environnement mondial , la culture et les problèmes de conflit. C’est un domaine qui forme un sentiment de communauté pour des problèmes qui peuvent être partagés. » [4]

Concernant les NFT, Uozumi écrit : « Il y a quelques années, les gens pouvaient parler des possibilités des NFT, maintenant il est temps de juger de la réalité après quelques années de fonctionnement. Je trouve que ce n’est pas intéressant du tout dans l’art. Il y avait des choses pionnières dans les crypto-monnaies et l’art, y compris mes propres œuvres, mais trop de gens ignorent tout cela et regardent simplement les NFT. » [5]

« La plupart de ce qui a été présenté comme ayant permis les NFT sont des choses qui peuvent être faites avec d’autres technologies et qui ont déjà été faites. L’art numérique existait avant les NFT, et il a eu de nombreux marchés. C’est juste que les gens ne le savaient pas, ou que les initiés de l’industrie ne l’ont pas vu, et les NFT n’ont pas résolu ce problème. Certains artistes sont devenus très rentables avec leurs productions média numériques, et les gens pensent que les NFT peuvent permettre cela. Mais c’est la crypto-monnaie qui a rendu cela possible. La création d’une « communauté » et la spéculation excessive qu’elle crée peuvent se comprendre en regardant la « bulle de la monnaie virtuelle » avant les NFT, comme cela a été le cas avec d’autres monnaies. Je vois souvent des affirmations naïves qui disent que la « communauté » est bénéfique dans le contexte des NFT et de l’art, mais je pense que c’est vraiment ignorant et stupide. Diffuser cette opinion peut aussi être nuisible. » [6]

Le potentiel des NFT en tant que communautés ou en tant que dons ?

Dans un e-mail qu’il m’a envoyé le 12 octobre 2021, Sembo d’exonemo écrit que certaines personnes apprécient davantage les NFT comme jetons communautaires que comme médias spéculatifs. De nombreuses personnes possèdent une version d’une certaine œuvre, qui, selon certains, forme une identité commune. Generativemasks de Shunsuke Takawo (2021-), CryptoPunks , Art Blocks, etc. sont cités en exemples.

Generativemasks #4941 de Shunsuke Takawo

En tant que codeur créatif, Takawo explore les formes génératives depuis plusieurs années à l’aide du logiciel Processing . En vendant des œuvres génératives en tant qu’art NFT, il a créé une nouvelle communauté, et en reversant les ventes à la Processing Foundation dans le même temps, il a contribué à l’écosystème de la communauté. Sembo déclare que « les propriétaires de Generativemasks sont liés par des hobbies et des goûts communs, et le fait qu’ils puissent être tracés sur la blockchain semble renforcer la communauté. »

Sembo souligne que la communauté « peut être évaluée selon qu’il est possible de participer plutôt que selon qu’elle est complète en tant qu’œuvre » – c’est une autre façon d’évaluer une œuvre d’art avec la blockchain. Sembo ajoute : « La blockchain n’est qu’une base de données robuste et transparente, mais elle touche à quelque chose de fondamental (crédit, confiance) de la société humaine, où de telles applications sont nées. » Je pense que c’est un point important.

Selon Uozumi, « l’utilisation des NFT dans l’art n’est qu’un simple don ». (4) La raison d’être du NFT est aussi un avenir potentiel, étant donné qu’il ne fonctionne au mieux que comme une formation communautaire ou un don, mais les communautés et les dons sont possibles en dehors des NFT. Le NFT a-t-il un potentiel unique ? Ou bien n’est-il qu’une bulle provisoire ?

ALTERNATIVE MACHINE « SNOW CRASH » (2021-2022) @ WHITEHOUSE, Tokyo – photo: Itsuki Doi

Réseau décentralisé autonome, réseau de la vie

Dans de telles circonstances, je vois le potentiel des approches émergentes qui utilisent la science, telles que les réseaux décentralisés autonomes et la recherche sur la vie artificielle.

Les deux oeuvres utilisant des NFT produites par ALTERNATIVE MACHINE (Takashi Ikegami, Itsuki Doi, Atsushi Masumori, Norihiro Maruyama, johnsmith) fin 2021 semblent une nouvelle avancée (ALTERNATIVE MACHINE exposition @ WHITEHOUSE, curatée by Tomohito Wakui, December 28, 2021 – January 23, 2022). ALTERNATIVE MACHINE est un groupe de recherche qui conteste l’application sociale de la théorie et de la technologie ALife (Artificial Life) du chercheur Takashi Ikegami. SNOW CRASH est un ensemble de données d’œuvres d’art NFT qui est stocké sous forme d’ondes sonores, en utilisant l’espace de la salle comme un espace de stockage de données utilisant une « ligne de délai » (Mémoire à ligne de délai utilisée dans les années 1950). En raison de la nature des données stockées sous forme d’ondes sonores, si un visiteur émet un son dans la galerie, les données NFT de cette œuvre sont détruites, et donc le « caractère unique » de son entrée correspondante dans la blockchain. L’oeuvre critique le fait que la technologie blockchain garantit « la propriété de l’œuvre », mais pas « l’unicité de l’œuvre ».

Un autre travail, LIFE, est un « smart contract » (= agent) qui se réplique de manière autonome sur la blockchain en utilisant de l’éther (monnaie sur Ethereum) (ALTERNATIVE MACHINE). Étant donné que l’énergie nécessaire à un agent pour quitter sa progéniture = éther dépend du bénéfice des ventes du NFT, l’agent émet un NFT qui lui est associé. SNOW CRASH n’a été vendu que pendant la période d’exposition (puisque l’espace a été utilisé comme stockage de données, les données de l’oeuvre elle-même ont disparu à la fin), et LIFE a exposé une version bêta sur le réseau de test du lieu d’exposition, mais sera bientôt « publié » et disponible à l’achat sur le marché NFT.

ALTERNATIVE MACHINE « LIFE » (2021-ongoing) @ WHITEHOUSE, Tokyo

Goh Uozumi, qui a été l’un des premiers à prêter attention à la blockchain et qui réfléchit et produit des œuvres connexes depuis de nombreuses années, déclare : « Nous avons créé une société avec un sujet hétérogène qui n’est pas humain, donc nous ne pouvons pas faire ce que les humains attendent. » [7]

Selon lui, l’une des choses qui l’ont influencé est le « calcul » au cœur de « l’ordinateur », qui a l’attrait d’être connecté à des êtres non humains. « Afin d’explorer la dynamique de l’univers, les humains ont essayé de comprendre l’existence de la vie, et non des choses, en la créant. » [7]

Uozomi a constaté qu’ils sont intégrés dans un réseau distribué autonome, « que la perspective centrée sur l’humain doit être remise en question. En substance, la dynamique de la maximisation rationnelle n’est pas dans l’être humain individuel, mais dans la nature qui l’enferme. La nature qui forme un ordre ordonné, en d’autres termes, nous devons nous rappeler que la vie est celle qui détruit modérément et crée un ordre dynamique dans l’univers, avec une chaleur continue, la mort et l’auto-organisation. »

L’approche non anthropocentrique d’Uozumi dans l’écosystème de la blockchain et de la cryptographie (il n’utilise pas de NFT), et le piratage d’ALTERNATIVE MACHINE à partir de la recherche sur la vie artificielle, sont selon moi importants. Ce sont des expériences audacieuses qui étendent les communs aux humains et aux non-humains (y compris les entités numériques), et je pense que c’est la pratique que les artistes devraient travailler en ce moment.

Nous espérons que des interventions émergentes telles que ALTERNATIVE MACHINE, se déploieront ici et là, ouvrant ainsi la voie à un monde de « communs plus qu’humains » comme mentionné par Felix Stalder.

 
Notes

[1] Ecosophie: ecologie environnementale, sociale et spirituelle définie par le philosophe et psychanalyste Felix Guattari dans Trois Ecologies (1989).

[2] Felix Stalder Des communs aux NFT : Objets numériques et imagination radicale, January 31, 2022.

[3] Christine Paul NFT art—a sales mechanism or a medium? (18 février 2022, The Art Newspaper)

[4] Goh Uozumi, Toward the coming world-Introduction to the cultural foundations of the distributed ledger era (Bijutsu Techo/BT magazine, Décembre 2018).

[5] Goh Uozumi, extrait de son email à Shikata le 27 janvier 2022.

[6] Goh Uozumi, extrait de son email à Shikata le 18 février 2022.

[7] Goh Uozumi, interview par Minoru Hatanaka (Bijutsu Techo/BT magazine, Décembre 2018).

 

Les textes de la série :
Des communs aux NFT : Objets numériques et imagination radicale par Felix Stalder
Les NFT peuvent-ils être utilisés pour créer des communautés (plus qu’humaines) ? Expériences d’artistes au Japon par Yukiko Shikata
Engagement éthique avec les NFT – Impossibilité ou aspiration viable ? par Michelle Kasprzak
Crypto Commons, ou le véritable mouvement crypto par Denis ‘Jaromil’ Roio
Mon premier NFT, et pourquoi il n’a pas changé ma vie par Cornelia Sollfrank
Il est de plus en plus difficile de s’amuser en étant pauvre par Jaya Klara Brekke