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Biomatériaux, fermentation et kombucha à l’Université de Nîmes

Lucile Haute présente le workshop "Biomatériaux, fermentation et kombucha" à l'Université de Nîmes. Photo : Justin Monteiro

À l’initiative de l’artiste et enseignante-chercheuse Lucile Haute, un workshop de deux semaines destiné aux étudiant·es de la Licence Design de l’Université de Nîmes leur a permis de découvrir et expérimenter la biofabrication avec un nouveau matériau : la cellulose de kombucha. Du 17 au 27 janvier, des artistes, designers, industriels, entrepreneurs, associations et universitaires se sont succédés ou rencontrés pour déployer une approche holistique, définitivement ancrée dans la pratique, afin de partager des méthodes de type « Do-it-with-others » (DIWO) autour des potentielles utilisations durables des biomatériaux.

Méthode de séchage de la cellulose à plat avec traitement glycériné, appliquée ici à une couche de la cellulose de Vivant Kombucha après 2 jours de pré-séchage suspendu entre deux tissus. Les traces sombres résultent d’une oxydation par le support de suspension. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Lucile Haute

Le kombucha, une boisson sucrée que l’on rencontre aisément dans les magasins d’alimentation biologique ou les restaurants hipster vegan, est apparu depuis quelque temps dans notre horizon, auréolé de la promesse d’un bien-être probiotique et enraciné au sein de petites entreprises soutenant sa production locale. Connu comme une ancienne boisson de rajeunissement originaire de l’aire territorial de la Chine et qui s’est répandu le long de la route de la soie, il est préparé en faisant fermenter du thé et du sucre. Le kombucha a besoin d’une culture de départ pour lancer le processus de fermentation. Une culture symbiotique de bactéries et de levures, également appelée Scoby (acronyme de Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast), permet de reproduire la boisson à l’infini grâce à une méthode de brassage en continu. Par abus de langage (considérant que la symbiose peuple l’ensemble du milieu liquide et non pas seulement la cellulose), le terme Scoby est employé pour qualifier l’étrange pellicule gélatineuse qui flotte à la surface du liquide et ressemble à un calmar. Cette cellulose attire l’attention : elle se reproduit couche après couche comme une machine perpétuelle, presque sans aucun effort, ne nécessitant que du thé et du sucre, sans apport de chaleur — tant que la température ne descend pas en dessous de 18°C. Celles et ceux qui le brassent à la maison l’ont rencontré grâce à une circulation de mains en mains entre amis et voisins. Très souvent cependant, le Scoby finit sur un tas de compost car on ne sait pas quoi en faire.

Mise en culture de kombucha avec Vivien Roussel de thr34d5. Chaque groupe prépare trois variations d’une même recette. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Lucile Haute

Ce n’est que récemment que des designers ont pris conscience que la cellulose de kombucha pouvait être utilisée en tant que biomatériau et donner lieu à des applications dans divers domaines du design. Un workshop de deux semaines a été l’occasion d’expérimenter et bricoler avec de la cellulose bactérienne de kombucha, d’imaginer des applications commerciales ou industrielles tout en adressant les notions d’économie circulaire et de production durable, de s’initier à l’art de la fermentation alimentaire, et d’envisager des moyens possibles de remplacer les matériaux à base de plastique.

Une approche anthropologique au-delà de l’humain pour la recherche en design

Associant enjeux pédagogiques et de recherche, cet atelier soutenu par le laboratoire de recherche en design Projekt participe d’une démarche visant à désanthropocentrer design et soin (care), à « construire un “vivre ensemble” engagé et écoresponsable qui inclut les règnes végétal, animal, fongique, jusqu’aux communautés de bactéries de nos biotopes » (1).

L’initiatrice Lucile Haute, artiste et maîtresse de conférence en design à l’Université de Nîmes, a invité les experts les plus récents qui travaillent dans ce domaine encore très expérimental : Vivien Roussel du studio de design et ONG thr34d5 qui partage des recettes open source pour cultiver le kombucha en tant que cuir biologique ; Vivant Kombucha, une micro-brasserie locale de Paris ; Pascal Dhulster, professeur en génie des procédés agroalimentaires, qui a donné un aperçu des enjeux industriels et des défis généraux liés au travail avec des biomatériaux basés sur la fermentation et avec des produits à durée de vie limitée ; Maya Minder, bioartiste et commissaire, membre du réseau international Hackteria, qui a présenté l’art de la fermentation (et est l’autrice de cet article) ; Alexia Venot, designer et enseignante travaillant avec des biomatériaux ; et Corinna Mattner, créatrice de mode durable, qui a présenté le mouvement de mode équitable Fashion Revolution. En plus des intervenant·es, il y avait deux invité·es : Jeanne Mainetti (doctorante en sociologie travaillant sur la culture maker et les fablabs) et Charles Raberin (designer de chaussures intéressé par les biomatériaux). Ce groupe varié de personnes a mutualisé un ensemble de recherches collectives et d’inspirations réciproques autour des biomatériaux durables.

Outre ces contributions des plus stimulantes, le contexte théorique a été planté à travers des lectures (Le guide de la fermentation du Noma, Food Phreaking 03 Gut Gardening de Genomic Gastronomy, le texte « An deux mille : de quel côté être ? » d’Alessandro Mendini, Design pour un mode réel de Victor Papanek, pour n’en citer que quelques-unes) et des projections (Symbiotic Earth. How Lynn Margulis Rocked the Boat and Started a Scientific Revolution, de John Feldman, 2019 ; Donna Haraway : Story Telling for Earthly Survival, de Fabrizio Terranova, 2016).

Une table pas encore totalement digérée

Le kombucha est l’un des milliers d’aliments issus de la fermentation, au même titre que la bière, le vin, le fromage, la sauce soja, le tempeh et le tepache. Cette grande assiette de produits fermentés a servi l’humanité depuis l’Antiquité avec la transformation microbienne et enzymatique des aliments en condiments probiotiques et savoureux, riches en umami (2). Le lactobacillus acidifie les légumes et modifie leur saveur pour en faire des plats qui mettent l’eau à la bouche. La levure transforme les amidons et les sucres des fruits et des céréales en bière et en vin alcoolisés. Sans la fermentation, il n’y aurait pas d’alcool ni de sources de vitamines transformées qui ont autrefois aidé les marins à combattre le scorbut.

Certains auteurs contemporains affirment que la fermentation non seulement enrichit nos aliments en nutriments, mais les rend aussi moins toxiques et contribue à la santé de l’intestin (3). Le fait est que les humains sont liés au microbiome de leurs intestins. Par exemple, un humain adulte porte en lui plus de 0,2 kilogrammes de micro-organismes, le ratio entre les cellules humaines et les cellules bactériennes étant de 1:1 (4). Les aliments fermentés se situent quelque part entre les aliments crus et les aliments cuits. Ils sont prédigérés par dénaturation enzymatique des protéines et des fibres végétales, comme lors de la cuisson, mais sans apport de chaleur et donc sans coût énergétique. Les microbes font la « cuisine » pour nous. La fermentation maison en tant que pratique culinaire permet de franchir cette mince frontière du contrôle et de la manipulation humaine, et crée, pour les curieux, une rencontre tous azimuts avec le monde invisible des microbes à travers la transformation des aliments.

Teinture à l’indigo sur : cellulose de kombucha fraiche (fournie par Vivant Kombucha), coton et disques de kombucha sèche (fournis par Lucile Haute). Initiation à la coloration végétale à l’indigo avec Alexia Venot pendant le workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Alexia Venot
Indigo sur : cellulose de kombucha fraiche (fournie par Vivant Kombucha), coton et celulose de kombucha sèches découpées en franges (fournie par Maya Minder). Initiation à la coloration végétale à l’indigo avec Alexia Venot pendant le workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Lucile Haute
Expérimentations de traitement de la cellulose sèche par Maya Minder avec : cire d’abeille, huile de lin, thérébentyne et huile de lin, crème pour les mains, pendant le workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Lucile Haute
Mise en forme de cellulose fraiche de kombucha par moulage au séchage pendant le workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Lucile Haute

Le biofilm du kombucha comme nouveau biomatériau

Les pellicules de kombucha sont des biofilms, c’est-à-dire un matériau cellulosique entièrement produit par des micro-organismes coexistant dans un liquide en fermentation. Ces dernières années, outre l’attention de producteurs de boisson enthousiastes et celle d’une grande communauté d’amateurs, le kombucha a attiré celle de scientifiques et de designers. Dans certaines fermentations, comme le kéfir de lait ou d’eau ainsi que dans la production de vinaigre, les biofilms se présentent sous la forme d’un matériau naturel à base de polymères, généré par les microbes coexistants qui produisent chimiquement un film à la surface du liquide pour le protéger des bactéries nocives et des champignons pendant la phase d’accumulation de l’acidité, tout en créant un environnement anaérobie (5). Ce film est une cellulose bactérienne. Il crée, pour le kombucha, le lien entre gastronomie et santé, d’une part, et biomatériaux d’autre part. Il permet d’envisager de bénéficier d’une croissance du matériau non consommatrice d’énergie tout en appliquant une approche d’économie circulaire. Dans le domaine de la conception de biomatériaux, cette idée a été popularisée par la pionnière de la bio-couture Suzanne Lee ou par Mara Vitruft du TextilLab Amsterdam ou encore Clara Davis de FabTexties, qui ont proposé des idées pour remplacer les matériaux à base de plastique et les matières issues de l’exploitation animale par des biomatériaux. Avec l’avènement de l’Anthropocène, l’un des plus grands défis auxquels nous sommes confronté·es est de savoir comment utiliser, remplacer ou upcycler les produits à base de pétrole. Le Kombucha et sa capacité à produire des bioplastiques permet d’entrevoir une approche ascendante qui peut être durable et même réalisable par tout le monde à la maison.

Mise en place de la chambre de fermentation avec deux échelles de boulangerie pour lancer les cultures de kombucha avec Vivien Roussel de thr34d5. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Lucile Haute
Ouverture de la chambre de fermentation et observation des cultures de kombucha lancées 10 jours plus tôt avec Vivien Roussel de thr34d5. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Lucile Haute
Observation d’une des cultures de kombucha lancées 10 jours plus tôt avec Vivien Roussel de thr34d5. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Lucile Haute

thr34d5 – une recherche appliquée autour du Kombucha

Pour démarrer le workshop, Vivien Roussel, artiste et maker membre du studio de design et ONG thr34d5, a présenté son domaine de recherche appliquée en focalisant sur les caractéristiques de la cellulose du kombucha et son utilisation dans le design textile et la mode. Comme le décrit leur site web, thr34d5 favorise l’inclusion sociale en menant des recherches sur le design et en combinant l’artisanat et l’open source, en concevant des processus, des objets, des installations, des architectures, des programmes éducatifs, ainsi que des œuvres d’art. thr34d5 est spécialisé dans la culture du kombucha en tant que biomatériau et met librement ses recettes à disposition sur un wikifactory sous le nom de karp – Kombucha Applied Research Project.

Vivien Roussel a guidé la mise en culture de 24 bacs avec des recettes différentes dans une chambre de fermentation aménagée par Lucile Haute et inspirée du Noma (5). Que l’on veuille faire du Kombucha comme boisson fermentée à boire à la maison ou le fabriquer pour la production de biomatériaux, le processus commence de la même manière : en utilisant du thé et des sucres pour inoculer la fermentation. En jouant avec les ingrédients de l’infusion, il est possible de modifier les couleurs de la cellulose : biofilm brun avec du thé noir, rose avec de l’hibiscus, ou encore de la cellulose blanche avec du thé vert ou blanc, jaune avec du curcuma. Cependant, lorsque l’objectif est de produire de la cellulose, le milieu du scoby peut être acidifié dans une proportion peu savoureuse, voire impropre à la consommation.

Initiation à l’art de la fermentation avec Maya Minder. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Justin Monteiro
Tout ce dont vous avez besoin pour préparer du kimchi. Initiation à l’art de la fermentation avec Maya Minder. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Justin Monteiro
Citrons marocains. Initiation à l’art de la fermentation avec Maya Minder. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Lucile Haute
Kimchi. Initiation à l’art de la fermentation avec Maya Minder. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Justin Monteiro

L’Art de la Fermentation

En contrepoint à cette approche orientée design et matériaux, et pour renouer avec le domaine de l’alimentation, un atelier de fermentation d’aliments et de boissons a été donné par l’artiste Maya Minder. Cette mise en pratique a introduit de manière ludique des connaissances anciennes sur les méthodes de conservation des aliments utilisées à l’époque préindustrielle. L’atelier visait à favoriser la prise de conscience écologique et la sensibilité aux microbes qui nous entourent, en s’inspirant des enseignements sur la fermentation de Sandor Katz (6), Noma ou Marie-Claire Frédéric (7). L’apprentissage de la fermentation permet de s’initier à la pratique et à la sagesse biologique de la coexistence symbiotique entre les humains et le monde invisible des microbes, ainsi qu’à ses effets bénéfiques sur le microbiome de nos intestins.

Réflexions sur l’agro-industrie, les biomatériaux et l’économie circulaire

La présentation de Pascal Dhulster, professeur en bioprocédés industriels dans les systèmes alimentaires, a décrit les théories de la pratique appliquée de la production d’aliments et de biomatériaux. Cette mise en perspective des échelles industrielles et artisanales a permis de prendre conscience de la complexité de la réglementation, des protocoles et des outils d’analyse et de normalisation. Ce qui peut être considéré comme une innovation utile et durable dans la production à petite échelle peut souvent devenir un problème si le volume de production augmente jusqu’à atteindre l’échelle industrielle. 

La présentation d’Alexia Venot a permis aux participants de l’atelier de découvrir des exemples de projets d’économie et de design circulaires. Une population en constante augmentation, avec une empreinte carbone et une production de déchets croissantes, pousse la Terre au-delà de sa capacité de régénération. Dans le cadre de l’économie circulaire, chaque étape de la transformation industrielle, depuis l’extraction des ressources jusqu’au devenir des déchets, en passant par la production, la distribution et la consommation, est considérée comme un facteur à calculer. 

L’économie circulaire est une refonte essentielle de l’économie car elle met l’accent sur l’équilibre entre les ressources rares et la consommation et l’élimination par les humains. Dans cette nouvelle conception, l’écologie est en équilibre, inspirée par les processus qui se produisent dans la nature – c’est ce qu’on appelle “l’économie bleue” ou le biomimétisme. L’économie circulaire permet de penser en termes de processus et de valoriser les sous-produits et les déchets. Des projets tels que Totomoxtle de Fernando Laposse ont réintroduit d’anciennes variétés de maïs coloré et biodiversifié dans une petite communauté mexicaine afin de créer de nouvelles opportunités commerciales pour les agriculteurs locaux tout en valorisant de manière synergique les systèmes agricoles traditionnels. Le maïs est consommé et sert également à la production de semences tandis que les cosses sont valorisées en étant utilisées pour créer des marqueteries murales et de surface. De cette façon, l’ensemble de la production reste au sein de la communauté, ce qui lui redonne de l’attention et de l’estime. En tant que projet circulaire, il donne du pouvoir aux communautés locales, est basé sur une production respectueuse de l’écosystème, le commerce équitable et la préservation des connaissances indigènes.

Un autre exemple mentionné est celui du designer colombien Simón Ballen Bottero avec son projet de design Suelo Orfebre. Ayant obtenu l’accès à des mines d’or, Simón s’est rendu à Marmato en Colombie et a rapidement établi une relation de confiance avec les habitants. Il a exploré la relation complexe entre la communauté et les pratiques minières locales. À Marmato, Bottero a découvert la Jagua, un sous-produit de l’industrie minière. Il s’agit du minerai concassé qui reste après le traitement et l’extraction de l’or. Ce matériau semblable à du sable contient des traces d’or et d’autres éléments comme l’argent, le fer et le soufre. Aujourd’hui, la jagua n’a aucune valeur, mais dans le passé, elle était utilisée par l’industrie verrière locale pour produire des bouteilles de bière de couleur ambrée et verte. Bottero a commencé à expérimenter la Jagua avec l’aide de différents artisans et experts du verre aux Pays-Bas, en Belgique et en Finlande. Afin de réduire l’impact environnemental de l’exploitation minière, Suelo Orfebre vise à redécouvrir l’utilisation de ce matériau actuellement déprécié. Bottero revendique l’importance de laisser des traces visibles du minéral dans le verre comme alternative à l’homogénéité industrielle de la coloration du verre, ainsi que celle de l’application et du partage de ces connaissances par la communauté.

Fashion Revolution Berlin, https://www.fashionrevolution.org/

Plus proche du design textile et du domaine de la mode, une autre contribution est venue de la créatrice de mode Corinna Mattner qui a présenté l’ONG Fashion Revolution fondée en 2013. Grâce à ses branches d’activistes locaux, Fashion Revolution est active au niveau mondial pour attirer l’attention sur le fait que la fast fashion est l’une des industries les plus toxiques au monde. Fashion Revolution est née après l’incident de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh où plus d’un millier de travailleurs d’ateliers clandestins sont morts. Fashion Revolution travaille actuellement sur un modèle de livre blanc qui favorise l’activisme en créant des bureaux nationaux, des équipes et des coordinateurs qui, de manière indépendante, créent des syndicats, mènent des discussions politiques et organisent des semaines de la mode durable dans plus de quatre-vingts pays à ce jour. L’association réunit tous les acteurs du secteur de la mode, montrant qu’un changement dans la consommation et la production est possible. La mode jetable (fast fashion) produit chaque année deux millions de vêtements qui ne sont jamais portés, soit un vêtement sur cinq qui va directement dans nos décharges. Au cours des 20 dernières années, la production de vêtements a doublé dans sa quantité totale et ce problème continue de s’aggraver. Autant de faits qui invitent à appliquer dans ce secteur les principes d’économie locale et circulaire.

Extraction de la cellulose du tonneau de starter à la brasserie Vivant Kombucha, Paris. Photos : Lucile Haute

Il n’y a pas de gaspillage dans la nature

Au cours du workshop, les étudiant·es ont eu l’opportunité de rencontrer Mial Watkins, co-fondateur de la micro-brasserie Vivant Kombucha en 2018 à Paris. Son discours portait principalement sur les défis de la production de boissons probiotiques et les décisions et adaptations nécessaires pour maintenir la qualité de la boisson à une échelle non plus familiale mais artisanale. Pour le workshop, Mial Watkins a offert 15 kg de scoby résultant du processus de brassage et qui sont ordinairement jetés. Au lieu de cela, ce matériau a été utilisé pour le démarrage des cultures avec thr34d5 et pour des expérimentations matériaux, ce qui l’a fait entrer dans un cercle de réutilisation comme biomatériaux pour divers bricolages et prototypes. 

Parmi les nombreuses directions présentées, les participant·es ont été mis au défi d’en choisir une, de l’interpréter librement et de créer des projets de prototype d’entreprise, d’expérimenter avec la matière et de mettre à l’épreuve de nouvelles idées. La richesse des pistes de travail des participant·es était évidente dans la variété des produits, projets et expérimentations qui ont été créés : des instruments de musique en cellulose de kombucha, des pansements dégénératifs pour la biomédecine, des produits de beauté utilisant les bienfaits des probiotiques, des vêtements fabriqués à partir de cuir vegan, des échantillons de crochet et tricot à base de fil de kombucha, et des manuels et kits graphiques pour l’adoption de scoby et le brassage domestique Do-It-Yourself.

Expérimentations de coloration de cellulose mixée et de traitement de la matière sèche. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Justin Monteiro
Expérimentations de coloration de cellulose mixée. Workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha » proposé par Lucile Haute à l’Université de Nîmes. Photo : Justin Monteiro
Résultats des recherches de deux groupes autour du fil de cellulose de kombucha : réalisation de fils à partir de matière fraîche (Vivant Kombucha) ou sèche déjà traitée (fournie par Maya Minder) avec la technique de filage de Jeanne Mainetti ; échantillons prototypes au crochet pour des pièces de maroquinerie ; échantillons prototypes en tricot. À l’occasion du workshop « Biomatériaux, fermentation et kombucha ». Photo : Lucile Haute

Notes

1. Workshop « Biomatériaux, Fermentation, Kombucha »

2. Umami, le cinquième goût de base, est le goût inimitable des aliments asiatiques. Plusieurs aliments et condiments traditionnels et locaux d’Asie sont riches en umami. Dans cette partie du monde, on trouve l’umami dans les produits d’origine animale fermentés, comme les fruits de mer fermentés et séchés, et dans les produits d’origine végétale, comme les haricots et les céréales, les champignons secs et frais et le thé. Hajeb P, Jinap S. Umami taste components and their sources in Asian foods. Crit Rev Food Sci Nutr. 2015;55(6):778-91. doi: 10.1080/10408398.2012.678422. PMID: 24915349. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24915349/

3. Sender R, Fuchs S, Milo R. Revised Estimates for the Number of Human and Bacteria Cells in the Body. PLoS Biol. 2016;14(8):e1002533. Published 2016 Aug 19. doi:10.1371/journal.pbio.1002533 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4991899/

4. May A, Narayanan S, Alcock J, Varsani A, Maley C, Aktipis A. Kombucha: a novel model system for cooperation and conflict in a complex multi-species microbial ecosystem. PeerJ. 2019 Sep 3;7:e7565. doi: 10.7717/peerj.7565. PMID: 31534844; PMCID: PMC6730531. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31534844/

5. Sandor Katz, The Art of Fermentation: An In-depth Exploration of Essential Concepts and Processes from Around the World, Chelsea Green Publishing Co, 2013.

6. David Zibler/René Redzepi, Le Guide de la fermentation du Noma, Editions du Chêne, 2018.

7. Marie-Claire Frédéric, Ni cru, ni cuit: Histoire et civilisation de l’aliment fermenté, Alma éditeur, 2014.

Une partie des réalisations du workshop seront présentées dans une exposition consacrée aux matériaux végétaux au Museum für Gestaltung de l’Université des arts de Zurich, dans le cadre de l’exposition éphémère Plant-Fever le 25 février.

En ce qui concerne les projets à venir, Maya Minder, en collaboration avec l’ONG thr34d5 et Alexia Venot, participera à l’Artspace Edition Ultra à Brest en mars-avril. 

Les recherches développées au cours du workshop trouveront écho dans l’exposition de Lucile Haute à l’espace d’art contemporain Les Limbes dans le cadre de la programmation de la Biennale du Design de Saint-Étienne du 14 mai au 4 juin.