Makery

Une Réserve des arts à Marseille, entre réemploi et urbanisme transitoire

Divers Bijouterie, Grand Halle de Marseille. Crédit : © Aphélandra Siassia

Début septembre 2020, La Réserve des arts, association spécialisée dans la récolte de rebuts auprès de structures, la vente et le réemploi de matières premières, a ouvert sa nouvelle antenne dans le quartier des Crottes du 15ème arrondissement de Marseille. En s’inscrivant sur un territoire en plein développement, la structure, implantée en région parisienne depuis 2008, a ici pour objectif de répondre aux enjeux de l’urbanisme transitoire, tout en créant une nouvelle attractivité culturelle dans le quartier. Rencontre avec Louisane Roy, responsable de l’Antenne Sud.

L’Antenne Sud de la Réserve des arts est installée dans la Grande Halle de Marseille. Credit : Aphélandra Siassia

Nichée dans l’Impasse du Pétrole dans le 15ème arrondissement de Marseille, la nouvelle antenne de La Réserve des arts compte bien déployer l’éventail de son expertise dans la région sud. Car depuis sa création en 2008 par les entrepreneuses culturelles Sylvie Bétard et Jeanne Granger en région parisienne (Makery en avait parlé dans un précédent article), l’association – spécialisée dans la récolte de rebuts auprès d’entreprises et d’institutions culturelles, la vente et la valorisation de matières premières déjà existantes -, est devenue un modèle de référence pour les acteurs de la culture s’interrogeant sur les modes de création, d’expérimentation et de consommation plus éthiques.

Bobines au kilo. Credit : Aphélandra Siassia
Salle textile, cuir et mercerie. Credit : Aphélandra Siassia

Un nouveau défi pour La Réserve des arts

Aujourd’hui, après une dizaine d’années de développement et suite à l’agrandissement des locaux de Pantin – passant de 600 m2 à 3000 m2 en l’espace de 6 ans -, la structure s’est lancée un défi de taille en ouvrant un nouveau hangar à Marseille : « La Réserve des arts à Pantin a grossi, elle a fêté ses 10 ans, et nous nous sommes dit qu’il fallait que l’on reste à la pointe de cette innovation. Nous nous sommes installés en région parisienne à côté de la Cité Fertile dans un local de 3000 m2 et nous avons commencé à mener un gros projet sur la traçabilité des matériaux, un autre autour de la formation, de l’accompagnement à l’éco-conception et à l’entrepreneuriat culturel, dans le souci de sensibiliser aux enjeux de l’économie circulaire. Le dernier gros chantier, c’était l’essaimage. Au fur et à mesure des discussions, a germé le projet de La Réserve des arts Marseille », introduit Louisane Roy, responsable de l’Antenne Sud, anciennement en charge des partenariats et des événements dans les locaux de Pantin. « La Réserve des arts Marseille est un projet pilote d’essaimage, pour montrer comment fonctionne une Réserve des arts, qu’est-ce que c’est, comment on s’implante sur un nouveau territoire », poursuit-elle.

Louisane Roy, responsable de l’Antenne Sud, Paolo Morvan, scénographe employé et Robin Rousselle, assistant chef de projet. Déchargement de matières premières dans la Grande Halle de Marseille. Credit : Aphélandra Siassia

Préfigurer le futur quartier des Fabriques

Pour mener à bien ce nouveau chantier, la structure a répondu à un appel à manifestation d’intérêt lancé par Euroméditerranée, établissement public d’aménagement en charge de la mise en place du projet urbain Les Fabriques dans le 15ème arrondissement de Marseille.

A la clef, un local de 840 m2 au côté d’enseignes de références de l’économie circulaire telles que Ici Marseille, manufacture collaborative pour artisans, les Alchimistes travaillant sur la collecte et la valorisation de biodéchets, Tout en vélo, transporteur spécialisé dans la logistique urbaine et qui propose toutes ses prestations en vélo, ou encore Pikip Solar Speakers, qui développe des matériaux électro-acoustique basse consommation. Le tout dans ce qui sera le futur quartier des makers. « Cet appel à manifestation d’intérêt, c’est 3 ans d’occupations d’un site pour préfigurer un petit peu ce qui va se passer demain avec le quartier des Fabriques. Et puis, ça a été une opportunité pour nous d’avoir du foncier à bas coût pour se lancer car il fallait partir de quelque part et avec un loyer accessible », souligne la jeune femme.

Pour une nouvelle dynamique socio-culturelle

Cette synergie est une bonne façon pour La Réserve des arts de développer des partenariats avec des acteurs de l’économie sociale et solidaire, tout en contribuant à mettre en place une nouvelle émulation culturelle dans ce quartier du 15ème, ayant peu d’infrastructures et en proie à l’exode de la population à cause du manque d’emploi. « On est dans un quartier où il y a peu d’emplois et donc peu d’habitations. Et le projet de réaménagement urbain en cours renforce cette situation. L’un des enjeux de l’urbanisme transitoire, c’est de ramener des gens, de créer des emplois dans un espace où il n’y en avait pas, sans pour autant mettre de côté la population présente », souligne la jeune femme. Car l’une des ambitions majeures de l’Antenne Sud est de mettre en place des ateliers animés par les futurs artistes et créateurs en résidence dans l’entrepôt. De cette façon, l’association compte créer plus de liens avec la population locale en la sensibilisant à leur vision de la culture. « Ici, c’est une zone assez pauvre de Marseille, où l’accès à la culture est limité. Car la culture, c’est aussi de la création, c’est aussi du faire. Il faut que l’on trouve une enveloppe budgétaire pour faire du lien et proposer dans le quartier des ateliers gratuits mis en place par nos artistes résidents. Il est cependant nécessaire pour soutenir ces professionnels de pouvoir les rémunérer. »

Les ateliers des résidents. Credit : Aléphandria Sassia

Une belle attractivité culturelle dans la région

S’installer dans la région pour La Réserve des arts, c’est aussi jouir d’un paysage culturel des plus foisonnants, où biennales, festivals, expositions ne cessent de se développer depuis plusieurs années. Dès son arrivée, l’association a pu mettre en place un partenariat avec le Mucem, qui avait besoin dans le cadre du Festival Plan B de matières premières pour des installations. Mi-octobre, c’est au Festival de Hyères à la Villa Noailles que La Réserve des arts est invitée pour mettre en place une boutique éphémère. « Pour moi, il y avait un véritable intérêt en s’installant à Marseille notamment pour la dynamique artistique et culturelle. Ensuite, Aix-Marseille est une très grosse métropole où la gestion des déchets est un réel enjeu et puis de l’autre côté, il y a les manifestations : le Printemps de l’Art Contemporain, Manifesta 13 (lire la chronique dans Makery) et tous ces ateliers de créateurs qui ouvrent », ajoute Louisane Roy. Un autre axe important sur lequel La Réserve des arts Marseille souhaite se distinguer est la gestion des rebuts présents sur les tournages, en nombre dans la région. « C’est une région où il y a beaucoup de tournages, de festivals, d’événements, des vernissages, un milieu artistique qui est en train de se développer énormément. En Île-de-France, on est vraiment axé sur la mode et le luxe et dans la région sud, c’est tout ce qui va être tournage audiovisuel. La région sud mise beaucoup sur ça. »

Paolo Morvan scénographe employé, dans l’atelier de valorisation.
Préparation de la boutique éphémère de La Réserve des arts de la 35ème édition du Festival de Hyères. Credit : Aléphandria Siassia

Trouver des subventions pour pérenniser le modèle

Pour l’heure, l’Antenne Sud doit encore trouver des subventions pour pérenniser son modèle, agrandir son équipe et trouver davantage de partenariats avec des structures sensibilisées aux principes de l’économie circulaire. « C’est notre mission d’aller sur un nouveau territoire mais c’est un projet de bien commun. On l’a fait pour Marseille et donc on a mis les moyens. Là, l’Ile-de-France finance à 90 % le projet. C’est à la région sud de s’emparer du sujet maintenant.” lance la jeune femme avec conviction, avant de conclure : « Mon but est de trouver des financements locaux. La région et l’Adèle soutiennent les investissements. Le département a commencé à soutenir le projet mais pour notre bon fonctionnement, nous avons besoin de plus. Le réemploi, c’est beaucoup d’implication humaine, il est donc nécessaire d’impulser la création d’emploi au niveau local. D’autant plus que la force de La Réserve des Arts réside dans cette autonomie et cette impulsivité. »

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