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Le merveilleux-scientifique au laboratoire de la Gaîté Lyrique

"Daisy Chain", Julien Maire, production du Service des Arts Numériques FWB et Imal Bruxelles. DR.

La Gaîté Lyrique inaugurait ce 7 novembre un nouveau cycle de son laboratoire. Sur quatre séances la chercheuse Fleur Hopkins propose de (re)découvrir un genre littéraire méconnu, le merveilleux-scientifique. Première exploration des subtilités d’un désenchantement du sans-fil avec l’artiste Julien Maire.

Aux temps présents algorithmiques, dans une logique (bien que parfois inconsciente) d’efficacité et de rendement économique, l’artiste-performeur Julien Maire nous offre une voie de traverse qui revisite les technologies du sans-fil.

La conférence-performance de Julien Maire qui inaugure « Chimère scientifiques » — nouveau cycle du laboratoire de la Gaîté Lyrique en collaboration avec la chercheuse Fleur Hopkins à la suite de son exposition à la BNF — nous plonge dans un monde de petites « machines bricolées » savamment orchestrées par l’artiste. Jouant sur l’envers du décor, que ce soit pour nous faire découvrir les mécanismes à peine cachés des technologies bidouillées, ou l’envers d’une utopie parfois naïve du tout numérique ; l’artiste nous amène sur les voies d’un subtil désenchantement.

Au ton et à l’humour léger, Julien Maire et son assistant et collaborateur Martin Campillo nous embarquent dans un spectacle où les bugs apprennent à prendre place dans un univers de technologies imparfaites.

Fleur Hopkins. DR.

Déjouer la magie

Alors même que la référence à Arthur C. Clarke est lancée, « toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie », l’ingénieur-artiste joue la posture du bricoleur technophile autour d’une poétique de l’amateurisme. Les jeux de l’apprenti magicien et de son assistant, autour d’une conférence soit disant mal préparée où le discours s’arrête, où les mots semblent manquer et où les petites machines se de-synchronisent, révèle un univers où l’on ne voudrait pas tout calculer. Alors que l’artiste nous propose les quatre clés d’un spectacle réussie – à savoir la magie, la montée dramatique, l’humour et la technique – il s’en déjoue et mène sa conférence dans une dynamique bien particulière.

La conférence s’introduit par une présentation de petites pièces mécaniques (du « sans connexion ») qui relève d’une ingéniosité qu’on a (presque) oublié aujourd’hui. De jeux de mots et de références, la question de la lisibilité des mécanismes est posée. Alors que la technologie contemporaine tend toujours plus à nous cacher ses principes de fonctionnement (et donc nécessairement les enjeux d’une politique mal assumée), Julien Maire interroge par ses bricolages à la connexion capricieuse.

Autour de petites caméras wifi, de tours de passe-passe synchronisés par bluetooth, de machines et d’inventions inutiles, on ne sait plus comment nommer cet artiste-magicien-ingénieur-mécanicien-performeur. Surprenante sans grandiloquence, la « Daisy Chain » de Julien Maire se joue avec des petits moyens et des bidouillages où tout semble encore être au stade de l’expérimentation. Cependant, le savoir-faire est bien présent et permet de rejouer, déjouer des bidouillages d’une curieuse sensibilité.

« Daisy Chain », auditorium de la Gaîté Lyrique. © Gaîté Lyrique

Joyeux bricolages qui ne se revendiquent pas « à la pointe »

La fermeture éclair devient guirlande lumineuse tandis que le briquet bluetooth n’est plus vraiment en mesure de faire office de « feu ». L’humour doucement-amère mène la conférence. D’une « recherche de flou » assumée, l’artiste pose la question de l’idéal technologique et celle qui s’y adjoint nécessairement, c’est-à-dire la temporalité toujours réduite qu’il (on) voudrait ralentir.

Parsemé de références à des scientifiques qui aujourd’hui nous paraissent plutôt loufoques, la conférence-performance du désenchantement proposé par l’artiste n’est pas sans faire écho au merveilleux-scientifique introduit par la chercheuse Fleur Hopkins. Avant la science-fiction, à une époque ou le microscope faisait phénomène de foire, de nombreux romanciers développe un imaginaire (plutôt inquiétant) de l’homme hybridé, machiné. Genre littéraire méconnu, c’est l’idée d’un potentiel danger du temps présent qui s’imagine et n’est pas sans faire lien à notre rapport contemporain aux machines et technologies. Intrigante première partie d’un cycle de conférence mené par la chercheuse Fleur Hopkins, nous restons curieux d’en découvrir encore plus de ces Chimères scientifiques.

Retrouver les prochaines séances de « Chimère scientifiques », cycle de conférences et de performances mené jusqu’au 20 février 2020 en collaboration avec la chercheuse Fleur Hopkins à la Gaîté Lyrique.