Makery

Avec Art Bike Relief à Burning Man: la préparation (1/3)

Le camp Soup Kitchen de Art Bike Relief en 2018 à Burning Man © Matthew Rockwell

Cette année Makery va vivre Burning Man de l’intérieur avec Cécile Ravaux des French Burners et l’ONG Art Bike Relief. Première chronique depuis Gerlach City au Nevada où ces fondus de vélos customisés travaillent d’arrache-pied avant de rejoindre la playa du festival.

Désert de Black Rock (Nevada, Etats-Unis),

Burning Man est un rassemblement de plus de 80 000 personnes au cœur du Nevada et en plein désert (lire nos précédentes chroniques), tous réunis pour célébrer pendant toute une semaine la culture de tous les possibles, la créativité, la libre expression et le lâcher-prise. Un événement inclusif et participatif qui n’aurait pas lieu sans l’investissement personnel et hédoniste de chacun des explor’acteurs chanceux d’avoir obtenu leur ticket d’entrée. Makery vous invite à suivre de l’intérieur l’aventure des French Burners et de Art Bike Relief dans le désert de Black Rock.

Chaque année des centaines de vélos sont abandonnés sur la playa de Burning Man. Art Bike Relief les récupère et leur donne une nouvelle vie © Art Bike Relief

Gerlach City, J-8

Je suis Cécile, membre des French Burners – l’association française qui apporte tous les meilleurs conseils pour préparer votre voyage dans cette aventure incroyable, car oui… le Burning Man ne s’improvise pas. Chacun est acteur de l’événement. C’est mon sixième Burn et cette fois, j’ai décidé de m’investir dans un camp 100 % maker, 100 % technologique, 100 % collaboratif et 100 % éco-responsable. Après 6 mois d’échanges téléphoniques sur la préparation, la mise en place d’un camp de 40 personnes et son organisation avec le créateur de ce projet, nous sommes à une semaine de l’événement et j’arrive enfin à Gerlach, petite village de 200 âmes aux porte du désert de Black Rock où se déroule Burning Man, là où l’aventure commence pour moi.

Cécile Ravaux et un chargement de vélos d’Art Bike Relief. © Cécile Ravaux

Pendant une semaine, je vais apporter ma contribution, mon aide bénévole pour monter notre camp : The Soup Kitchen Camp – qui signifie Soupe Populaire en français. C’est le camp dédié de l’association Art Bike Relief et de son fondateur Matthew Rockwell aka ‘Wild Card’.

Un vrai coup de cœur pour cette association qui s’investit à Burning Man dans le mode de transport le plus écolo du monde et dans les projets humanitaires.

© Matthew Rockwell
© Matthew Rockwell
Les vélos récupérés et réparés seront reloués à Burning Man et les bénéfices reversés pour les actions humanitaires de Art Bike Relief © Matthew Rockwell

Il était une fois, Art Bike Relief…

Rescapé du séisme au Népal en 2015 qui a fait plus de 9 000 morts, Matt Rockwell se retrouve à la tête d’un groupe d’étrangers, de touristes, baroudeurs, expats, qui ont tous fait le choix courageux de contribuer aux efforts d’aide d’urgence, plutôt que de rentrer confortablement chez eux. Au fil des mois et des années, il s’ancre au Népal, développe l’ONG Art Bike Relief. L’objectif est de reconstruire des habitations, de développer des innovations utiles liées à l’invalidité ou à la mobilité. Ainsi l’association créé « Pour et Avec » les populations pour fabriquer des prothèses à partir de matériaux usagés et en formant les nouveaux apprentis aux outils technologiques : imprimante 3D, découpe laser, etc. Des projets d’urgence de fabrication se succèdent, des projets de plus long terme – comme concevoir localement des briques de construction durables – dont l’objectif est l’autonomisation et l’autosuffisance économique au travers de l’art, la technologie, l’innovation. L’association est à présent constituée d’activistes, de décideurs, de hackers, unis grâce à la corrélation établie entre l’esprit de Burning Man et la volonté d’apporter des secours dans les zones sinistrées.

Aujourd’hui l’association continue d’accompagner des projets au Népal et Matt a contribué à mettre en place le makerspace The Ignition Lab sur le campus de l’Institute of Engineering (IOE) de l’Université Tribhuvan à Katmandou, dans l’idée de valoriser le Do-It-Together (DITO) et la philosophie du partage des savoir-faire, des connaissances, de l’apprentissage et du collaboratif. Après deux ans, ce makerspace compte déjà de belles réalisations : impression 3D de prothèses d’avant-bras, formations au code dans les villages et organisation de hackatons. Le makerspace fait appel aux artistes, travailleurs et étudiants népalais pour développer des projets, y introduisant même la culture Burning Man avec la réalisation d’une œuvre d’art à partir de cadrans de vélos upcyclés comme Art Bike Relief peut le faire sur la playa.

Lancement du Ignition Lab © Art Bike Relief
Imprimante 3D au Ignition Lab © Art Bike Relief
Participants à un hackathon © Art Bike Relief

L’année dernière l’ONG avait notamment acheté plus de 1500 phares de vélo fabriqués en Chine, car il n’y a pas de fabricant de phares de vélo durables à Katmandou. Considérant cela suffisamment bancal et déprimant de faire venir ce matériel de loin, l’association avait alors décidé de créer ses propres lumières de vélo et de les fabriquer avec le makerspace et des habitants du bidonville de Thapathali, tout proche du campus de l’IOE. Au-delà de l’apport en machines et en formation, Art Bike Relief a confié la première commande de plus de 2000 lampes pour vélos au Ignition Lab. Le projet combine ainsi réinsertion, relocalisation économique, réemploi de plastique et phares de vélo durables.

Zone de tri plastique au bidonville de Thapathali © Art Bike Relief

Burning Man à vélo

Chaque année, à Burning Man, de nombreux vélos sont laissés à l’abandon en plein désert, après l’événement. Certains sont cassés, d’autres ont simplement été égarés. Une ville éphémère disparait pour laisser place à un triste cimetière de vélos abandonnés.

L’année dernière, les vélos ont été collectés et triés après l’événement, puis stockés à Gerlach. Notre objectif : offrir une seconde vie à ces deux roues. A 10 jours de l’événement, je rejoins une équipe internationale d’une quinzaine de personnes qui est déjà en place pour recycler et réparer les vélos en plein désert, dans un ranch perdu dans les collines, à dix kilomètres de l’espace où va se construire la ville éphémère tant attendue !

Démontage, façonnage de plus de 500 roues de vélos par les bénévoles volontaires pour créer une œuvre artistique sur la playa de Burning Man. © Cécile Ravaux
Notre plan de travail de travail de la journée. Couper, scier les 300 planches de bois pour la réalisation de « The Prayer Wheels ». Un moulin à prière d’inspiration népalaise constitué de bois et de 500 roues de vélos. © Cécile Ravaux
Déchargement des planches, des containers d’eau, Une équipe d’une quinzaine de personnes bien active. Température extérieure : 39 degrés © Cécile Ravaux
Océane peint les planches de bois qui constitueront la base de notre œuvre artistique : « The Prayer Wheels ». © Cécile Ravaux

Plus de 1000 vélos sont à remettre à neuf ! Ici, on créée des funky vélos multicolores, des Art Bikes. J’apprends alors à nettoyer les vélos de la poussière et auxquels des centaines d’objets non identifiés ont été collés, scotchés… Dans notre jargon, nous parlons de déMOOPer les vélos – MOOP signifie Matter Out Of Place. Puis nous les réparons pour enfin les PIMPer – les décorer, les équiper de lumières LEDs pour les rendre originaux et surtout uniques ! Nous créons aussi des véhicules insolites : tall-bikes, swing-bikes, side-cars… Certains vélos sont recyclés en structure artistique grâce à la créativité et les savoir-faire de deux super makers bénévoles incroyables !! Je vous ferais découvrir toutes ces fabuleuses réalisations la semaine prochaine.

Une fois remis en état, ces étalons du désert sont loués aux Burners grâce au site artbikerelief.org. Les fonds générés par ce projet de ‘Art Bikes’ sont réinvestis dans les projets humanitaires de l’association.

Nous sommes dans des conditions particulières, coupés du monde extérieur, sous un soleil de plomb, pas de réseau et nos voisins sont quelques coyotes qui cherchent à rejoindre notre tablée au moment du souper. Nous sommes équipés de deux éoliennes et dormons dans 3 camping-cars aménagés et nous sommes tous super solidaires et super fiers d’être là. La bonne humeur et la volonté de chacun créent une énergie incroyable pour travailler ! Une équipe de trois personnes volontaires se constitue chaque jour spontanément pour préparer les repas quotidiens. Nous entrons doucement dans l’ambiance de Burning Man. Et nous nous sentons privilégiés de pouvoir admirer au loin sur la playa les œuvres artistiques se monter progressivement, avant pour certaines de finir en cendre, déjà dans moins de deux semaines…

Stock de vélos réparés © Cécile Ravaux
Chargement des vélos, prêts à être envoyés sur la playa ! © Cécile Ravaux

Retrouvez la deuxième partie de cette chronique, depuis la playa !

En savoir plus sur Art Bike Relief.