Makery

Super-ordinateurs, mythes ancestraux et cultes de la mort de la Noosphère

L'ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer) est en 1945 le premier ordinateur entièrement électronique construit pour être Turing-complet. Domaine public.

Retour sur le concept de Noosphère auquel se réfère le transhumanisme contemporain, et comment l’émergence des super-ordinateurs a réactivé des mythes ancestraux.

Si tout le monde comprend ce que signifie le terme de « biosphère », beaucoup ont plus de difficultés à définir ce qu’est la « noosphère ». Certains n’ont que vaguement entendu parler du terme, pour d’autres c’est la première fois qu’ils y sont confrontés. Pour comprendre ce qu’il y a derrière ce néologisme, il faut remonter aux années 1920 dans l’URSS révolutionnaire. Dans son livre La Biosphère qu’il publie en 1926, le géochimiste Vladimir Vernadski développe l’idée de noosphère comme sphère de l’entendement humain pour expliquer l’impact de l’humain (via sa technosphère) sur la biosphère, sphère ayant elle-même un impact sur l’atmosphère et la lithosphère rocheuse et aqueuse du globe terrestre. La vision de Vernadski apparaît aujourd’hui comme étant une définition précoce de l’anthropocène, l’ère de l’impact irrémédiable des activités humaines sur l’écosystème terrestre.

Au moment où il attaque la rédaction de son ouvrage, Vladimir Vernadski vient de passer trois années en France à mener des recherches sur l’histoire de la constitution des éléments du globe, recherche qui le conduit à étudier les cycles géochimiques, comme celui du carbone, ou l’activité géochimique d’origine humaine. Comme nombre de ses contemporains russes, il s’intéresse aux futurologies cosmistes héritières de Nicolaï Fiodorov qui définissait au siècle précédent la grande « cause commune » de l’Humanité comme étant le voyage spatial, l’extension de la durée de la vie et la résurrection des morts par la science. Mais Vernadski y a été plus particulièrement sensibilisé par le courant « biocosmiste » qui définit pour la première fois la Terre comme un « vaisseau spatial » devant être « piloté par la sage volonté du biocosmiste ».

Pierre Teilhard de Chardin, paléontologue français et prêtre jésuite de son état qui veut réunir la théorie darwinienne à sa philosophie chrétienne, a croisé Vernadski et va lui aussi s’intéresser à la théorie de la noosphère et en développer sa vision dans l’écriture d’un livre, Le Phénomène humain. « [C]’est vraiment une nappe nouvelle, la « nappe pensante », qui, après avoir germé au Tertiaire finissant, s’étale depuis lors par-dessus le monde des Plantes et des Animaux : hors et au-dessus de la Biosphère, une Noosphère. » Mais Teilhard s’intéresse moins à l’idée de noosphère définie comme force géologique que comme manifestation d’une conscience globale et d’un destin spirituel à explorer en accord avec la théodicée chrétienne.

Pour Teilhard, le « phénomène humain » doit être pensé comme constituant – à un moment donné – une étape de l’évolution qui conduit au déploiement de la noosphère, laquelle prépare l’avènement de la figure dite du « Christ cosmique ». Il introduit le concept de « Point Ω ou Point Oméga » qui représente le pôle de convergence de l’évolution, un point où l’homme doit rejoindre Dieu, un processus de complexification croissante, qui va de la vie inanimée à la conscience globale, à la noosphère, en direction d’une récapitulation des « ultra-humains », cette forme supérieure évolutivement requise et encore à venir, « convergence de l’En-Haut Chrétien et de l’En-Avant Humain vers le Christ Cosmique », le Christ Omega, dans le plérôme, la « plénitude du Tout en tous » (Paul, Éphésiens 1:23).

Pierre Teilhard de Chardin.
Le Point Omega.

Superordinateur démiurgique

Prise dans sa contemporanéité, la noosphère englobe l’ensemble de l’activité intellectuelle de la Terre : il s’agit d’une sorte de « conscience collective de l’humanité » qui regroupe toutes les activités cérébrales et mécaniques de mémorisation et de traitement de l’information. Teilhard sera interdit d’expression publique par l’Eglise et ne sera publié qu’après sa mort en 1955. Est-ce Teilhard qui a soufflé au seuil de sa vie le terme de « Transhumanisme » au biologiste Julian Huxley – que ce dernier avance en 1957 – qu’il avait rencontré à la nouvelle Unesco ? Fut-il conscient que la bombe thermonucléaire d’Edward Teller (Bombe H, 1952) ne fut rendue possible que grâce aux prédictions de sa faisabilité par le mathématicien Stanislaw Ulam à la sortie de la guerre sur l’ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer), le supercalculateur Turing-complet de John von Neumann ?

Robert Oppenheimer (le responsable du Projet Manhattan de développement de la bombe atomique) et John von Neumann devant des éléments de l’ENIAC. DR.

A ces deux questions on peut répondre par deux citations. Dans « Du pré-humain à l’ultra-humain », Teilhard pose en 1951 le devenir transhumain : « Sous nos yeux, l’Humanité tisse son cerveau… le Point critique de Réflexion planétaire, fruit de la socialisation, loin d’être une simple étincelle dans la nuit, correspond au contraire à notre passage, par retournement ou matérialisation, sur une autre face de l’univers : non pas une fin de l’Ultrahumain, mais son accession à quelque Transhumain, au coeur même des choses. » La seconde se retrouve dans les mots de Stanislaw Ulam qui écrit en mai 1958 au sujet d’une conversation avec John von Neumann : « L’une des conversations avait pour sujet l’accélération constante du progrès technologique et des changements du mode de vie humain, qui semble nous rapprocher d’une singularité fondamentale de l’histoire de l’évolution de l’espèce, au-delà de laquelle l’activité humaine, telle que nous la connaissons, ne pourrait se poursuivre. »

On constate ici la convergence de la conception de la noosphère de Teilhard avec les projections des apôtres de la Singularité technologique (le point où la machine dépasse l’homme). Cette convergence nourrit des bases théoriques à l’ancrage para-spirituel du mouvement transhumaniste qui va émerger avec l’informatique personnelle des années 1980, et la cyber culture des années 1990 et de l’émergence du World Wide Web. Chez les transhumanistes, le Point Omega va devenir un super ordinateur, se programmant lui-même, avec une infinité de mémoires, et le plérôme, « un réseau d’ordinateurs infiniment complexes » dont chaque ordinateur est un AUTM (Accelerating Universal Turing Machine) à la mémoire infinie.

En 1994, au moment où sort le logiciel Netscape Navigator pour surfer le tout nouveau World Wide Web, paraît un curieux livre. Le mathématicien physicien et cosmologiste Frank Tipler publie The Physics of Immortality: Modern Cosmology, God and the Resurrection of the Dead, un livre qui s’inspire en partie de Teilhard et sème le trouble et le discrédit dans la communauté académique. Dans son ouvrage il postule en effet que les humains vont évoluer en machines et transformer ainsi tout le cosmos en un superordinateur universel. Peu de temps avant ce grand bouleversement, ce superordinateur – doté d’une capacité de mémoire illimitée – effectuera la résurrection dans son « cyberespace », reconstruisant ainsi des êtres décédés (à partir d’informations qu’il aura capturées) comme des avatars dans son méta-univers. Tipler affirme qu’à une certaine distance temporelle du Point Oméga, la technologie sera si avancée qu’il sera possible de ressusciter physiquement ou virtuellement les morts. Il écrit : « Le mécanisme physique de la résurrection individuelle est l’émulation de chaque personne décédée depuis longtemps – et de leurs mondes – dans les ordinateurs du futur lointain. » Etant donné que le superordinateur d’alors aura une puissance infinie, il pourra simuler en réalité virtuelle, avec une précision infinie, le passé de l’univers tout entier depuis le Big Bang, et donc, en particulier, l’apparition de la vie sur Terre, celle des êtres humains et de toutes les autres formes de vie intelligente. « Le point Oméga dans sa transcendance est par essence une machine de Turing universelle à auto-programmation, avec littéralement une infinité de mémoire. » écrit-il encore.

La théorie du superordinateur démiurgique de Frank Tipler (qui aujourd’hui est dans le conseil académique du groupe Christian transhumanism) intervient dans une époque particulière. Tipler cultive alors depuis une dizaine d’années sa version du Point Oméga et inspire de nombreux transhumanistes dans la consolidation de la version moderne du mouvement. On citera par exemple le roboticien Hans Moravec et son livre Mind Children, The Future of Robots and Human Intelligence de prospective sur l’Intelligence Artificielle publié en 1988. De nombreux promoteurs libertariens plus intéressés par une vision séculaire du transhumanisme dans leur quête d’immortalité, suivent l’architecture conceptuelle du Point Omega sans vraiment en connaître alors les origines et subtilités métaphysiques. On peut citer Max More (aujourd’hui CEO de la société de cryogénisation Alcor Life Extension Foundation) qui dirige de 1988 à 1996 la revue Extropy: Journal of Thranshumanist Thought, et dont le nouveau magazine Wired dédié à la cyberculture et aux techno-utopies fera la promotion dès son numéro 2 au printemps 1993 puis à la suite du premier congrès des extropiens en Californie en janvier 1994.

Première publicité extropy utilisée par Tom Bell et Max More à l’automne 1988 pour promouvoir les premiers numéros de leur journal. DR.

En 1995, le chimiste et prospectiviste français Joël de Rosnay – très influencé par son compatriote jésuite – reprend également la synthèse entre noosphère et singularité dans L’homme symbiotique, Regards sur le Troisième Millénaire – y ajoutant ses convictions en convergence NBIC (nano-bio-info-cogno) et un soupçon de théorie Gaïa. D’après lui, « L’homme se transforme progressivement en « neurone de la Terre », intégré au système nerveux qu’il a créé. Le mariage de la biosphère et de la technosphère dans sa forme la plus avancée et la plus dématérialisée est à l’origine de la constitution du cerveau planétaire et de la société en temps réel. (…) Cet être nouveau en voie d’émergence dans les sociétés industriellement les plus avancées est l’homme symbiotique. » À long terme, l’humanité devrait céder la place à un super-organisme planétaire, à la fois biologique et machinique, qu’il appelle le « cybionte ».

Autre personnalité du transhumanisme à se référer au Point Omega de Teilhard de Chardin est Nick Bostrom, le co-fondateur en 1998 de la World Transhumanist Association (connue sous le nom Humanity+ aujourd’hui), qui soutient dans un article controversé de 2005 que notre civilisation dans une version extrêmement avancée atteindra un niveau de technologie tel qu’elle pourra un jour créer des simulations informatiques extrêmement sophistiquées des esprits humains et qu’il sera même possible de simuler des planètes habitées entières, voir des univers entiers. Visiblement dans l’air du temps de la trilogie Matrix des Wachowski (dont les films sortent en 1999, mai et septembre 2003), le philosophe transhumaniste en conclut qu’il deviendra impossible de distinguer êtres biologiques d’êtres simulés et que de ce fait il soit très probable que nous vivions d’ores et déjà dans une simulation informatique dont nous n’avons aucune conscience.

Photogramme de « Matrix », scène des pilules qui évoque la découverte du monde en simulation (avec la pilule rouge). DR.

En 2005 également, Raymond Kurzweil, le futur fondateur de l’Université de la Singularité avec l’entrepreneur aérospatial Peter Diamandis (autre transhumaniste notoire), articule lui aussi une version de la Théorie du Point Oméga – plus proche de la cosmopolitique kantienne – dans son livre The Singularity is Near: When Humans Transcend Biology : « l’évolution se dirige inexorablement vers notre conception de Dieu, même si elle n’atteint jamais cet idéal. » Kurzweil prendra ensuite la direction du Singularity Institute for Artificial Intelligence (SIAI) – organisateur entre 2006 et 2012 des Singularity Summit largement financés alors par Peter Thiel, le moghul de Palantir Technologies – avant de cofonder la Singularity University en 2008 puis de prendre une position de consultant prospectif permanent chez Google en 2012. Aujourd’hui renommée Machine Intelligence Research Institute  (MIRI), l’ancienne SIAI s’intéresse aux conséquences positives et négatives de l’Intelligence Artificielle et aux prédictions des développements technologiques à venir.

Le point de rupture de la Singularité Technologique. DR.

Ordinateurs de prédiction noosphérique

Au cours de ses neuf années de fonctionnement (1946-1955), et au-delà de sa mobilisation sur les calculs ayant permis de vérifier la possibilité de la bombe thermonucléaire, l’ENIAC précédemment cité, fut mis en œuvre sur un éventail de problèmes extrêmement variés qui allaient des prédictions météorologiques à l’étude des nombres pseudo-aléatoires. Peut-être héritiers de ce fantasme prédictif et appliqués à la noosphère dans la ferveur millénariste des dernières années du siècle et du nouvel Internet, émergent en 1997 deux projets prédictifs sur le World Wide Web : le Web Bot Project, un bot informatique dont les programmeurs prétendent qu’il est capable de prédire des événements futurs en indexant les mots-clés employés sur l’Internet ; et le Global Consciousness Project (GCP), que ses concepteurs envisagent comme l’application à la noosphère et au cyberespace d’une architecture de détection d’émotions issue des recherches menées à partir de générateurs électroniques d’événements aléatoires déjà employés dans les études sur la psychokinèse et la vision à distance (remote viewing) dans les années 1980 au controversé Princeton Engineering Anomalies Research Lab.

Selon les personnes derrière le Web Bot Project, le lexique utilisé par leur système gardé secret est dynamique et change en fonction de l’évolution de la tension émotionnelle et de la manière dont les humains communiquent ces changements à l’aide d’Internet. Le projet du GCP est lui de détecter les possibles interactions avec la « conscience globale » noosphérique, en mesurant les anomalies de pièces hardware censées générer des nombres de manière aléatoire et distribuées de par le monde, toutes ces données étant collectées simultanément par l’Internet. Selon les meneurs du projets ces anomalies vérifieraient les réponses émotionnelles globales à des événements d’envergure planétaire, voire permettraient de pressentir des événements à venir. Le projet est financé par l’Institute of Noetic Sciences, un institut de recherche fondé par l’ancien astronaute de la mission Apollo 14 Edgar Mitchell (et ufologue notoire). Le Web Bot Project prétend avoir anticipé le 11 septembre 2001 et le GCP d’avoir mesuré l’émotion suscitée par cette catastrophe sur la planète.

Evidemment le Web Bot Project comme le GCP furent soumis à la satire, et en mars 2003 le New York Times pouvait écrire : « Tout compte fait à ce stade, le marché boursier semble être un indicateur plus fiable de la résonance émotionnelle nationale, sinon globale. » Ce qui valut au GCP le surnom d’electrogaiagram.

Analyses du Global Consciousness Project pour le 11 septembre 2001. DR.

Adam Smith’s Invisible Hand computer

Dans un style plus contemporain et porté sur la prédiction des marchés et des technologies nécessaires à leur exploitation profitable, le très noosphérique Adam Smith’s Invisible Hand computer (ASIH-computer) pensé par le spécialiste de la modélisation de l’intelligence collective Tadeusz Szuba de l’Université de Cracovie depuis 2015, s’essaye à considérer le marché comme « sujet pensant » et envisage de concevoir avec des économistes et des théoriciens des calculs la construction d’un modèle de simulation d’un ASIH-Computer. Szuba postule que la métaphore de la main invisible d’Adam Smith est un phénomène qui peut être formalisé et simulé. Son AISH-computer est un ordinateur auto-programmable (self-programming) capable d’effectuer des calculs pas seulement sur l’optimisation et la stabilisation des marchés, mais aussi agissant comme un « découvreur » de nouvelles technologies nécessaires au fonctionnement d’un marché dans une logique d’optimisation technique et sociale. Le capitalisme noosphérique semble peu se soucier de son impact géologique.

La théorie proposée prétend que la Main Invisible est un symptôme de l’existence d’une nature computationnelle des marchés. Pour Tadeusz Szuba un marché et ses agents créent inconsciemment un ordinateur complet et auto-programmable, reposant sur la plateforme de cerveaux des agents et la structure physique du marché. Les résultats de la computation sont émis via les cerveaux des agents et représentent le comportement d’un marché. Le ASIH-computer est alors semblable à un ordinateur-en-essaim, et les agents sont tels des abeilles ou des fourmis d’une intelligence collective, mais néanmoins beaucoup plus intelligents que ces dernières.

Pour l’historien britannique Alexander L. Macfie – dans The Invisible Hand of Jupiter en 1971 – la Main Invisible de Jupiter d’Adam Smith symbolise l’intervention capricieuse et incompréhensible des Dieux de l’Antiquité, liée à un âge de « superstition ». La définition d’Adam Smith de la « main invisible » conviendrait dès lors beaucoup mieux à l’idée d’un Dieu ou d’un Être Suprême développée au XVIIIe siècle qu’à la figure Romaine, correspondant mieux à cette vision d’une force conservatrice gravitant autour de l’ordre naturel, mais dérangée par les individus préoccupés de leur intérêt propre. De telle sorte que cette figure devient dans la Théorie des sentiments moraux (1759) et dans La Richesse des nations (1776), l’instrument de « l’auteur de la nature qui gouverne et anime la machine entière de l’Univers. », dans un effort pour lier les arguments théologiques, éthiques et économiques en un système de pensée cohérent du « large système de la nature. »

La main « alien » du capitalisme. DR.

Faux dieux

On dit que les gnostiques considéraient que le dieu de Rome était un faux dieu, un démiurge, responsable de la création de l’homme à son image et qui leurrait les hommes, car nul esprit humain ne pouvait former un concept défini de la véritable Déité ineffable. Le premier d’entre eux, Simon le Magicien, fut accusé par Pierre de vouloir faire commerce des miracles, l’expression « simonie » en est restée pour qualifier le commerce de biens spirituels. On peut se poser quelques questions : Peut-on qualifier alors cette entité noosphérique, comme une puissance alien, xéno-économique, qui animerait de manière invisible les essaims des agents économiques de la noosphère et que veut simuler l’ASIH-computer ? Qui est le démiurge marchand de supercalculateurs qui tire profit de la xéno-économie supra-noosphérique ? Quels systèmes en essaim seront soumis au supercalculateur à l’avenir ? Le comportement planétaire des blockchains ? Ou celui de la future cryptomonnaie libra de Facebook ?

Dante parlant à Nicolas III, envoyé en enfer pour simonie ; gravure sur bois de Gustave Doré pour la Divine Comédie, 1861. Domaine public.

Dans Les Sept sermons aux morts que Carl Gustav Jung écrit extatiquement en 1916, le Plérôme est décrit comme un monde céleste, formé par l’ensemble des éons, les diverses émanations de Dieu, et que le gnostique atteindra à la fin de son aventure terrestre. Jung le présente comme un « néant est à la fois vide et plein », une « chose infinie et éternelle, le néant n’a pas de qualité puisqu’il les a toutes », un espace où « cessent toute pensée et toute existence puisque l’éternité et l’infini ne possèdent aucune qualité ». Le pleroma est le monde non-vivant décrit par la physique qui ne contient ni n’établit en lui-même aucune distinction, bien que l’observateur doive naturellement en établir pour le décrire. La connaissance du pleroma n’existe que dans le creatura.
Si le terme éon est à l’origine employé par Platon dans son allégorie de la caverne pour signifier le monde éternel des idées qui se tient derrière le monde perceptible, il est aujourd’hui également utilisé pour qualifier l’intervalle de temps géochronologique correspondant à la plus grande subdivision chronostratigraphique de l’échelle des temps géologiques, l’éonothème. L’ère de l’impact géologique de la noosphère, l’anthropocène, n’apparaît alors que comme un bien éphémère chapitre dans le Phanérozoïque, l’éon de la manifestation de l’animal.