Makery

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Humus sapiens © Mikrobiomik

Le Centre Culturel Suisse organisait du 6 au 8 mars Seeds&Soil, trois jours de rencontres sur le thème des graines et du sol. Makery a participé à l’atelier «Open Soil Research» de Mikrobiomik sur l’observation de la biodiversité microscopique des sols. Photoreportage.

Ces 6, 7 et 8 mars à Paris, Claire Hoffmann et Yvonne Volkart pour le Centre Culturel Suisse proposaient Seeds&Soil, un beau programme de rencontres, ateliers, projections, qui abordait pourtant les sujets difficiles de la dégradation de la biodiversité et de l’appauvrissement des sols. A la fois théorique et pratique, le programme pensé par les commissaires accordait beaucoup d’importance à la notion de soin, soin des graines, des plantes, des jardins, des sols, des zones oubliées, de la vie invisible. «  Il faut rester optimiste » disait d’ailleurs Julian Chollet, fondateur de Mikrobiomik, membre du réseau Hackteria et chercheur en microbiologie et biologie moléculaire à l’Université Bauhaus Weimar, durant la table-ronde qui suivait l’atelier d’observation des sols du vendredi.

Julian Chollet présente Mikrobiomik. L’association propose également des ateliers de fermentation.
Julian Chollet, Ariane Leblanc et Pedro Wirz.

En discussion avec Ariane Leblanc de La Semeuse à Aubervilliers et Pedro Wirz qui présente jusqu’au 24 mars son travail au Centre Culturel Suisse, Julian Chollet encourageait à ne pas se laisser gagner par l’apathie face à la crise environnementale et à s’engager dans des dynamiques collectives et de partage de connaissances et savoir-faire. Préalablement une bonne partie de l’audience avait pu participer trois heures durant à l’atelier «  Open Soil Research ».

De Hackteria à Humus sapiens

Le format «  Open Soil Research » est né en septembre 2017 dans le contexte d’une retraite du réseau Hackteria, la Klöntal Biohack Retreat, où bioartistes taïwanais, concepteurs de matériel ouvert suédois, architectes indonésiens, biochimistes suisses, passionnés de fermentation ou simplement esprits curieux et interdisciplinaires s’étaient rassemblés dans une belle vallée des montagnes suisses. Proposé par Maya Minder et Marc Dusseiller d’Hackteria (dont Makery a publié un entretien fleuve) le rendez-vous encourageait les participants à partager leur curiosité et leur intérêt commun pour les sciences de la vie. L’un des sujets était le sol et Julian Chollet de Mikrobiomik proposa de comparer le sol de son jardin avec des échantillons recueillis dans les montagnes. Les trois jours qui suivirent de nombreux participants se prirent véritablement au jeu de l’étude des sols et en janvier 2018, lors d’une assemblée d’hiver, le réseau Hackteria et Mikrobiomik convenaient d’organiser deux retraites « Humus Sapiens – Open Soil Research » en 2018 : l’une en mai près de Schaffhausen en Suisse, et l’autre en juillet au Projekt Draussen à une trentaine de kilomètres de Munich (que Makery avait présenté dans sa carte des summer camps 2018). Un wiki détaillé documente le summer camp Mikrobiomik.

Une vidéo présentant le summer camp Mikrobiomik 2018 (allemand, sous-titré en anglais) :

C’est donc sur le format de ces retraites Open Soil Research que Julian Chollet proposait un atelier de trois heures au Centre Culturel Suisse le week-end passé : une manière d’éveiller sa curiosité sur le vivant invisible des sols, sur le compostage, les jardins urbains, la bioremédiation, la permaculture et l’état des sols du quartier de la rue des Rosiers comme des échantillons ramenés par les participants.

Les sphères du vivant

La première heure de l’atelier était consacrée à une discussion et une cartographie spontanée des différentes « sphères » qui composent le vivant terrestre et comment celles-ci sont interreliées. Avec un intérêt bien particulier sur la pédosphère, la couche la plus externe de la croûte terrestre, mince pellicule superficielle des sols, située à l’interface entre la lithosphère (croute terrestre), l’atmosphère, l’hydrosphère et la biosphère. Une discussion s’engageait sur l’impact sur les sols de la technosphère humaine et des déchets plastiques, électroniques, chimiques qu’elle peut engendrer. La conversation considérait les processus de transformation des sols et les échelles de temps associées, comme de la dimension temporelle relativement courte à l’échelle planétaire de la présence et de l’impact des êtres humains et que l’on associe généralement au terme « anthropocène ». La vingtaine de participants s’accordait assez pour convenir que le caractère « anthropo-centré » du terme même d’anthropocène convenait mal aux échelles de temps que racontent les sols.

La technosphère est un concept, créé par Vladimir Vernadsky, qui désigne la partie physique de l’environnement affecté par les modifications d’origine humaine.
La question temporelle était amplement soulevée dans le questionnement de l’impact humain.
Julian Chollet veut par cet exercice montrer que tout est interrelié.

Collecte de terre dans le Marais

L’heure suivante était consacrée à une exploration de prélèvement d’échantillons de sols du quartier du Centre Culturel Suisse, avec une exploration particulière des maigres émergences végétales et présences de terre du quartier du marais, et une escale plus approfondie sur le Jardin des Rosiers-Joseph Migneret qui propose depuis trois ans des bacs de compostage. Le jardin partagé y est notamment cultivé collectivement et la récolte est partagée entre tous les adhérents.

Arrêt pour examiner la terre au pied des arbres sur la nouvelle Place piétonne des 260 enfants.
Début des prélèvements au Jardin des Rosiers-Joseph Migneret.
Le compost sera particulièrement intéressant à observer.
Collecte de terre dans les massifs du jardin.

Observation au microscope

Enfin, les participants revenaient au Centre Culturel Suisse la dernière heure pour observer au microscope les échantillons prélevés, comme ceux ramenés de chez eux. L’occasion de s’intéresser de plus près à la biodiversité microscopique du sol (nématodes, ciliés, bactéries, etc.) qui joue un rôle fondamental pour la production et l’entretien de l’humus.

Il faut maintenant préparer les échantillons pour le microscope.
Une fois bien humidifiée la terre, on prélève un peu de liquide en bordure de la boîte de pétri.
Tout le monde s’y met.
Ici un nématode à l’intérieur d’un autre nématode !
Julian Chollet décrit les différents types d’espèces et organismes observés.
L’atelier s’achève, une première approche du monde inconnu des sols.

Mikrobiomik proposera une nouvelle retraite durant l’été 2019 près de Munich. Et il semblerait que le réseau Hackteria prépare un Hackteria Lab à Taïwan pour l’automne 2019. A suivre.

En savoir plus sur le programme Seeds&Soil et sur Humus Sapiens et Mikrobiomik.