Makery

Vive le Coca libre!

La série Sour Brexit, produite pendant la campagne du Brexit en Grande-Bertagne. © Company Drinks

Moins de sucre et de conservateurs, plus de transparence et une démarche militante… Makery a suivi un atelier pour fabriquer sa boisson gazeuse.

Londres, de notre correspondante

Les bulles de votre soda peuvent-elles être politiques ? Oui, pensent le collectif d’art Arts Catalyst et Company Drinks, entreprise de sodas made in London fondée en 2014 et menée en communauté, qui organisaient ce jeudi 12 avril un atelier pour faire sa boisson pétillante. Avec des produits locaux si possible, et sans conservateur.

L’atelier organisé par Arts Catalyst et Company Drinks à Londres. © Elsa Ferreira

Aux commandes de l’atelier, Cam Jarvis et Oribi Davies, de Company Drinks. Ils organisent régulièrement des ateliers et sorties avec les communautés de Barking et Dagenham, un quartier populaire de l’est de Londres, notamment des écoliers et des personnes âgées. Des sessions de cueillette urbaine, du ramassage de fruits dans la région du Kent, écho à une tradition de travail saisonnier pour les plus anciens, et même du glanage, pratique ancestrale de récupération des fruits laissés par les machines après les récoltes.

Cette introduction-mise en bouche est l’occasion d’évoquer les ressources accessibles et la composition des sodas. « Notre cycle de production est transparent, explique Cam Jarvis, et les gens peuvent s’impliquer à chaque étape. » Après la cueillette vient la recette, puis le design des étiquettes, pensé par les jeunes en atelier, puis affiné par Square Root London, une entreprise elle aussi basée dans l’est de Londres.

Autour de la table de l’atelier du jour, la moyenne d’âge est plus proche de la trentaine bien tassée. Une dizaine de personnes tantôt attirées par le projet de Company Drinks, tantôt par la cueillette urbaine, la musicalité des bulles ou tout simplement par une autoproclamée « addiction aux sodas », explique l’un des participants qui souhaite en savoir plus sur les ingrédients secrets de sa boisson préféré et prendre, espère-t-il, des décisions plus éclairées.

Jour de cueillette dans le Kent, 2017: 

Coca open source

Des ingrédients secrets, il en sera question avec l’épineux défi de reproduire la recette originale du Coca, sans, semble-t-il, jamais vraiment l’égaler. Pour tenter de contrer le géant américain, une recette libre de cola est disponible et distribuée sous licence GNU. La bière open source, elle, est encore plus générique. Le projet danois Free Beer, porté par le collectif d’artistes Superflex et des étudiants en informatique de Copenhague, a lancé le mouvement en 2004. En 2016, pour soutenir la tendance à brasser sa bière à la maison, la brasserie écossaise Brew Dog a partagé ses deux-cents recettes de bières, expliquait alors son cofondateur James Watt.

La boisson gazeuse peut prendre des aspects encore plus politiques. Company Drinks évoque ces régulations européennes qui l’empêchent de commercialiser son soda à la renouée du Japon, une plante qui n’appartient pas à la classe alimentaire en Europe. Or, précise Cam, « pour vendre en quantité, un produit doit être classifié comme alimentaire ». Cette boisson signature, ils en sont pourtant particulièrement fiers, la plante étant habituellement plus connue pour son caractère invasif que pour son goût sucré.

La discussion dérive sur Genuino Clandestino, réseau d’associations, collectifs et individus qui militent en faveur d’une agriculture locale, paysanne et responsable, créé après que l’Italie a adopté une série de normes d’hygiène tellement strictes qu’un grand nombre de producteurs paysans se sont trouvés dans l’illégalité. Dans cette agriculture qui revalorise les déchets, joue des dates de péremption ou travaille sur les matériaux biosourcés, rappelle Oribi Davies, les normes européennes sont faites pour protéger les consommateurs. Mais, ajoute aussitôt Cam Jarvis, « pour les entreprises qui travaillent avec les déchets, c’est très compliqué et c’est frustrant : certaines compagnies pourraient vraiment bénéficier d’un assouplissement de ces règles. »

Le Bad Cola, cola version Company Drinks. © Company Drinks

Un avenir pas si lointain, rigolent-ils (jaune). Au pays du Brexit, Company Drinks avait élaboré pendant la campagne du référendum un soda Sour Brexit « pour ouvrir la discussion ». Déjà dans les campagnes anglaises, les saisonniers, souvent des travailleurs européens, ont déserté les récoltes avec une baisse de 29% des effectifs en septembre dernier, laissant les fruits pourrir dans les champs.

Company Drinks s’apprête à lancer une série de déjeuners-débats, les « digesting politics » durant lesquels les participants discuteront de la politique de la nourriture et de pourquoi on mange ce qu’on mange… « On peut vraiment repousser les limites lorsqu’on utilise la nourriture comme point de départ », pense Cam. A vous de jouer, donc.

Ingrédients

– Du citron ;
– Des fruits au choix ;
– Du sucre ;
– De l’eau gazeuse : vous pouvez acheter directement de l’eau pétillante ou bien ajouter les bulles à l’eau du robinet avec votre fontaine à soda.

Vous trouverez également des recettes de soda maison avec du bicarbonate de soude (environ 2 cuillères à café par litre d’eau).

Étapes

1/ La technique. Autant vous prévenir, on triche un peu. La fabrication du soda est complexe, s’élabore à base de levures et de boissons pasteurisées. Les bulles affectent le goût, explique Cam Jervis, qui reconnaît laisser la production « aux mains expertes de Square Roots qui savent extraire et mélanger nos ingrédients parfois inhabituels. » Pour commencer par un soda « simple », on préfèrera donc faire un sirop auquel on ajoutera de l’eau pétillante.

2/ Les arômes. Le mieux est d’aller cueillir vous-même vos fruits et autres ingrédients. Au pire, un tour au magasin fera l’affaire. N’hésitez pas à ajouter des épices, des herbes et à être inventif dans le choix des arômes.

3/ Le sirop. Une fois les fruits choisis, on en fait un sirop. Les étapes (notamment la quantité de sucre) dépendent des fruits choisis mais Internet regorge de recettes. Ici par exemple pour un sirop de fruits (agrumes, pommes, raisins…), de menthe ou de fleurs, ou pour la recette de l’OpenCola.

4/ Le mélange. Le sirop et la limonade n’ont plus qu’à être mélangés. Ajustez le goût. Vous pouvez ajouter du colorant alimentaire (assurez-vous qu’il est fait à partir d’ingrédients naturels) pour que la couleur du soda corresponde aux arômes choisis.

Parlez politique. Buvez !

Le soda ne vous suffit pas? Retrouvez notre BiY pour brasser sa bière!

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