Makery

Un kit frugal représentera la France au Biodesign Challenge

Biodesign Challenge, l'étape parisienne à la Gaîté lyrique. © Makery

La finale française du Biodesign Challenge a eu lieu les 13 et 14 avril à Paris. Ce concours international de design, éthique et biotech a été créé en 2005 à New York par le biolab Genspace et le MoMA.

Faut-il être superstitieux pour présenter son projet devant un jury un vendredi 13 ? L’idée a bien dû traverser la tête des cinq équipes étudiantes de l’école Boulle engagées depuis plusieurs mois dans une collaboration avec des équipes scientifiques du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI) pour proposer le projet qui représentera le meilleur du biodesign français au Museum of Modern Art de New York en juin prochain.

Les 21 et 22 juin 2018, l’équipe française sélectionnée devra en effet affronter 26 autres équipes d’étudiantes et étudiants d’universités du monde entier. Le Biodesign Challenge a été imaginé en 2005 par Daniel Grushkin, le cofondateur et directeur de Genspace, le biolab communautaire pionnier en science citoyenne et biotechnologies de New York. Il accueille pour son édition 2018 des projets d’écoles et universités américaines (dont Chicago, Los Angeles, Phoenix, Sacramento, Philadelphie…) et du monde entier (Montréal, Edimbourg, Tolède, Gand, Sydney, Bogota, Tokyo et Paris).

Le concours organisé en deux phases (sélection nationale le week-end dernier et finale internationale en juin) met en lien des étudiants d’écoles de design avec des étudiants en cursus scientifique pour travailler autour des questions sociales, éthiques, économiques, politiques et esthétiques que posent les biotechnologies. Six prix seront ainsi décernés en juin, dont le grand prix symbolisé par le Glass Microbe, une œuvre de l’artiste britannique Luke Jerram.

Le «Glass Microbe» de Luke Jerram, trophée du Biodesign Challenge. © DR

Pendant six mois, les équipes étudiantes parisiennes ont été coordonnées par Marguerite Benony, doctorante de l’université Paris Diderot en design et anthropologie des laboratoires de biologie, et Jake Wintermute, chercheur et enseignant en biologie synthétique au CRI et animateur du Mooc Synthetic Biology One. A la Gaîté lyrique vendredi 13 avril, le jury qui devait sélectionner l’équipe finaliste française était composé de la designeuse et biologiste Marie-Sarah Adenis, l’artiste et physicienne Dominique Peysson, et de Helene Steiner et Thomas Meany, cofondateurs du laboratoire Cell Free Tech installé à Cork en Irlande.

Le jury écoute attentivement les présentations des projets à la Gaîté lyrique. © Makery

Tactile, textile ou frugal

Les cinq projets présentés au plateau média de la Gaîté lyrique portaient cette année sur des expérimentations autour de la question du vivant à l’échelle microscopique, à partir d’un kit d’ADN open source, simple et à bas coût, développé par l’unité de recherche génétique moléculaire évolutive et médicale de l’Inserm à Cochin.

Tactical Micro Landscape proposait un kit pédagogique permettant d’expérimenter au toucher les séquences ADN, et, à travers la lecture tactile de différentes textures, de décoder les formes comme un exercice logique.

Knot offrait, à travers une série d’expériences textiles ludiques et manuelles, de montrer la construction et le fonctionnement de l’ADN et d’illustrer la tendance contemporaine qui encourage à sortir de la double hélice pour le voir comme un matériau de construction à manipuler.

Minima proposait un équipement frugal d’extraction d’ADN de la nourriture, voulant ainsi fournir au plus grand nombre un outil simple d’usage et conçu à partir de céramique, verre, métal et bougie, pour tester les aliments de consommation courante.

Knot tisse quatre fils de couleurs pour les quatre bases d’ADN: adénine (A), thymine (T), cytosine (C) et guanine (G). © Makery
L’extracteur d’ADN de l’équipe Minima est fait de céramique et chauffe à la bougie. © Makery

L’équipe d’Indico souhaitait questionner l’impact environnemental de l’industrie textile à travers l’expérimentation d’une gamme d’interactions possibles entre des bactéries productrices de couleur, des colorants naturels et du textile, ouvrant la porte aux possibilités de développement de nouveaux processus et outils de production. Elle a choisi la production de couleur indigo à partir de bactéries E-Coli et mené différents tests pour les imprimer sur le textile et les guider pour créer des motifs.

Enfin, le projet Clock proposait une horloge algale conçue à partir de micro-algues chlamydomonas, un modèle biologique au génome atypique étudié aussi bien dans la recherche sur la photosynthèse que pour la production de biocarburants. Inspiré notamment par l’horloge florale de Carl von Linné, le projet encourage à méditer sur les biorythmes du vivant.

Indico établit différentes impressions indigo sur textile à partir de bactéries «E-coli». © DR

Et le gagnant est…

En fin de journée vendredi, le jury a décerné deux récompenses. Coup de cœur au projet Tactical Micro Landscape, le jury tenant à souligner son originalité et son inventivité. Mais pour représenter Paris au MoMA à New York en juin, son choix s’est porté sur Minima, un projet intelligent et représentatif de l’actuelle tendance à la science frugale. Compte tenu des coûts des thermocycleurs PCR (à partir de 2.000€), la communauté DiYbio encourage les projets à bas coût démocratisant l’accès des outils d’extraction et d’analyse ADN. Identifier et mieux comprendre les modifications génétiques est également un enjeu de ce type d’outil. Le jury a par ailleurs récompensé les échanges fructueux entre les équipes de l’école Boulle et du CRI. On ne peut que constater la proximité avec le travail de Guy Aidelberg du CRI et son kit portatif de détection d’OGM qu’il présentait lors de l’événement Open Source Body en janvier. A quand un kit Minima dans sa cuisine pour vérifier en quelques minutes si ses aliments contiennent des OGM ?

Une partie de l’équipe Minima, gagnante du Biodesign Challenge parisien. © Makery
Le jury (Dominique Peysson au micro) explique ses choix. © Makery

Pour le jury, Pauline Jourdan, Esther Bapsalle et Naiane Ribeiro Rios se sont emparées avec intelligence et élégance de possibilités prometteuses, produisant un outil accompagné d’éléments de contexte de bonne tenue et présenté avec clarté et pourraient avoir leurs chances à New York lors de la finale du Biodesign Challenge !

La journée du samedi s’est poursuivie à la Paillasse par une Biodesign Night Science organisée (toute la journée !) par le CRI dans le cadre du programme Doing It Together Science. Le public a pu assister aux présentations de projets portés par la BioHack Academy de la Waag Society à Amsterdam et de projets français soutenus par le CRI et la Paillasse.

A suivre, le Biodesign Challenge Summit à New York les 21 et 22 juin