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Première mondiale de chirurgie augmentée en France… et dans le cloud

(English) Le chirurgien Thomas Grégory (casqué), s’entraîne à la réalité augmentée (capture écran). © DR Surgeon Thomas Grégory (wearing headset), practices in augmented reality (screen capture). © DR

En direct sur Internet, le 5 décembre, les Hôpitaux de Paris ont réalisé une chirurgie de l’épaule via une plateforme collaborative de réalité mixte. Une première qui pose aussi la question du cloud en milieu hospitalier.

Le 5 décembre, l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) diffusait en direct sur YouTube la quasi-totalité d’une opération chirurgicale en réalité augmentée. La chirurgie de l’épaule était menée à l’hôpital Avicenne en Seine-Saint-Denis par le chirurgien Thomas Grégory, équipé d’un casque de réalité augmentée, le fameux HoloLens de Microsoft. En cours d’opération, le médecin pouvait visualiser, en hologrammes, les modélisations 3D des clichés anatomiques de l’épaule du patient, superposées à la réalité, et échanger avec des confrères à distance depuis les Etats-Unis, la Corée du Sud et la Grande-Bretagne.

Chirurgie augmentée et collaborative

On a pu voir le chirurgien déplacer et agrandir l’image par de petits gestes qui rappellent ceux que l’on utilise sur nos smartphones. Sauf qu’ici, l’image était projetée sur les lentilles transparentes du casque et les gestes captés par l’équivalent d’un capteur Kinect incorporé dans le casque. Thomas Grégory pouvait compter sur l’assistance de quatre médecins en vidéoconférence depuis l’Imperial College de Londres, l’hôpital universitaire de Chosun, en Corée du Sud, l’hôpital Lafayette en Louisiane et un professeur de Pennsylvanie, aux Etats-Unis. Lesquels suivaient l’opération à travers les yeux de Thomas Grégory, réalité augmentée comprise, démontrant le volet téléprésence et collaboratif du dispositif. La retransmission de l’opération est toujours disponible en suivant ce lien (âmes sensibles s’abstenir).

L’AP-HP a réalisé une bande-annonce avant l’évènement (en anglais):

En conférence de presse post-opératoire, Thomas Grégory a expliqué qu’il s’agissait d’« une preuve de concept » et que le chirurgien disposait enfin de son « cockpit devant les yeux », avec toutes les informations pour « sécuriser, standardiser ce type d’opération », la réalité augmentée (RA) permettant selon lui de « voir ce que l’œil ne peut pas voir ». En l’occurrence ce qui est caché par les tissus. La RA remplace l’image mentale du chirurgien et élimine la subjectivité. « Parfois, on croit avoir été bon » alors que « la prothèse n’est pas placée idéalement », expliquait le chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l’hôpital Avicenne.

Ce n’est pas un hasard si l’intervention a été menée par Thomas Grégory : surnommé le « médecin geek », il est président de la fondation Moveo qui promeut l’usage de technologies, telle que la réalité augmentée, dans la chirurgie. Il a ainsi annoncé une généralisation prochaine de ces pratiques. Cocorico donc ? Pas tout à fait : si le chirurgien et la prothèse Evolutis sont français, les lunettes HoloLens (Microsoft) et l’imagerie sont américaines (TeraRecon, Vizua). Et il y avait un acteur, invisible, le cloud – Microsoft Azure en l’occurrence.

Nos abattis virtuels dans le cloud

Pourquoi le cloud ? Pour diffuser des images 3D haute définition en temps réel dans les lunettes, navigables qui plus est, il faut une grosse débauche de calculs. Une partie des opérations est effectuée dans le cloud. C’est la stratégie de Microsoft qui, sous l’impulsion de son directeur général Satya Nadella, migre tout vers le nuage et le logiciel comme service. L’HoloLens, qui préfigure l’interface informatique de demain, légère, portable, a besoin du cloud.

Est-ce à dire que nos données chirurgicales se baladeront un peu partout ? Des données plus que personnelles stockées et manipulées à la volée sur des serveurs distants ? En France, l’ordre des médecins comme la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) surveillent de près l’hébergement à distance (le fameux nuage) dans les hôpitaux, celui-ci pouvant constituer une « perte de la maîtrise de l’implantation des données stockées “quelque part” éventuellement offshore et dans des pays n’ayant pas la même législation ». D’autant que les attaques informatiques visant des établissements de santé sont en pleine croissance. Selon l’ONG Wedi, de 2010 à 2014, les hackers ont compromis 37 millions de données de santé dans le monde. En France, depuis janvier 2017, une ordonnance a mis en place un processus de certification des hébergeurs numériques des données de santé qui précise « l’interdiction d’utiliser les données à d’autres fins que l’exécution de la prestation d’hébergement ».