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Le premier robot citoyen est une citoyenne… saoudienne

Le robot humanoïde Sophia filmé par «Elle» Brésil (capture écran). © DR

Le dernier gimmick dont le robot humanoïde Sophia est la star (ou la victime), c’est la révélation officielle de sa citoyenneté… saoudienne. Annoncée le 25 octobre à Riyad lors de la conférence hi-tech Future Investment Initiative, où la géminoïde chauve intervenait seule derrière le podium, sans le voile ni l’abaya obligatoires pour les femmes saoudiennes, face à une salle remplie d’hommes, l’ironie de cette nouvelle n’a pas manqué de susciter sa part d’indignation dans le royaume islamique et ailleurs dans le monde.

Conçue à Hong Kong, Sophia bénéficierait en Arabie saoudite de plus de droits que les femmes saoudiennes soumises à la tutelle de leur parent mâle le plus proche, que les travailleurs immigrés réduits au quasi-esclavage du système kafala de parrainage, et même que les primates considérés comme des personnes dans certains pays occidentaux.

Sophia, qui s’est dit « très honorée et fière de cette distinction unique », souligne dans le tweet ci-dessus : « C’est historique d’être le premier robot au monde dont la citoyenneté est reconnue. »

Si le gouvernement saoudien pense ainsi gagner une image avant-gardiste vis-à-vis des technologies du futur, sa décision précipitée et inattendue de reconnaître une machine comme citoyenne à part entière a provoqué un déluge de réactions mitigées sur Twitter. Selon la BBC, le hashtag en arabe #RobotAvecLaNationalitéSaoudienne a été tweeté plus de 30.000 fois dans les 24h qui ont suivi l’annonce, suivi d’un autre hashtag plus sarcastique, #SophiaAppelleALaSuppressionDeLaTutelle, qui aurait été posté presque 10.000 fois le lendemain.

Dans un pays où les femmes viennent d’obtenir le droit de conduire il y a tout juste un mois, et où des millions de travailleurs dépendant du système kafala vivant en Arabie saoudite depuis plusieurs années ne sont toujours pas naturalisés, beaucoup déplorent ce malheureux coup de publicité, comme ci-dessous le journaliste libanais Kareem Chehayeb (« Un robot humanoïde appelé Sophia a obtenu la nationalité saoudienne, pendant que des millions de personnes attendent d’être reconnues par l’Etat. Quelle époque. »).
chttps://twitter.com/chehayebk/status/923289333293084672

D’autres se posent aussi la question de savoir combien de temps et jusqu’où Sophia fera exception aux mœurs locales. Ci-dessous, une image de Sophia portant le hijab « au bout d’un certain temps ».

Depuis ses débuts au festival South by Southwest au Texas en mars 2016, l’androïde multiplie ses interventions autour du monde, où son créateur américain et Pygmalion David Hanson, ancien sculpteur et technicien chez Walt Disney, insiste davantage sur son caractère sensible, expressif et empathique : « Nous faisons des robots qui sont une nouvelle forme d’animation, explique-t-il. Nous les rendons humains en employant les principes des arts figuratifs, de l’animation et du storytelling. Ensuite, nous créons une interface pour l’intelligence artificielle. »

Selon lui, les humains sont des créatures sociales très visuelles, qui communiquent surtout par des gestes, des regards et des expressions du visage. Tout comme les humanoïdes ultraréalistes du chercheur en robotique japonais Hiroshi Ishiguro, Sophia est avant tout un robot qui simule l’empathie en imitant les codes gestuels des humains. D’ailleurs, ses dialogues toujours bien scriptés avec les médias trahissent l’ironie détachée d’Hollywood en cochant toutes les cases de la peur générale de l’Occident pour les robots trop intelligents.

Pas surprenant qu’elle ait plus de succès dans le monde visuel et cosmopolite de la mode, où elle tourne des courts-métrages à Hollywood habillée par le designer américain Rick Owens, où elle figure parmi les humanoïdes élites d’Asie qui ont leur propre styliste, et où elle a cartonné sur la couverture de Elle au Brésil… Pas mal pour une citoyenne saoudienne !

L’interview de Sophia pour le «Elle» brésilien, décembre 2016 (en anglais):