Makery

Vis ma vie d’IndieCamper en Bretagne

Petit moment de médiation animé par Emmanuel Mayoud. © Victor Didelot

Pour expérimenter les «vacances de maker», direction l’IndieCamp de Névez, en Bretagne. Au programme de ce camp 100% DiY, douche solaire, mycélium et ateliers Raspberry.

Névez, envoyé spécial

L’IndieCamp organisé par des communautés de l’innovation ouverte (dont le Biome breton, la Myne lyonnaise, ou encore le portail des tiers-lieux Movilab) se tenait cette année du 1er au 10 juillet à Névez, dans le Finistère, entre Concarneau et l’océan. Son principe ? Les participants se chargent de monter leur campement, des douches aux toilettes sèches, de proposer et d’organiser les ateliers, de gérer le matériel, bref, de coorganiser le camp.

La grange où s’est déroulé l’IndieCamp de Névez. © Victor Didelot

L’Atelier Z, à côté de la zone artisanale de Kervic, est une ancienne ferme sur un terrain d’un peu plus d’un hectare, que Cédric Lebreton et Blanche Renaudin, deux membres fondateurs de l’association Bretagne Transition, aimeraient transformer en un « laboratoire d’idées et d’actions innovantes » en accueillant, par exemple, des projets valorisant les low-techs. « Autant de projets qui sont aujourd’hui économiquement viables et potentiellement créateurs d’emplois », avance Cédric.

La ferme est composée de quatre bâtiments : une grange, où s’est déroulée la majeure partie du camp, des écuries où sont entreposés un tas d’objets appartenant au couple mais aussi notre matériel, un atelier et une maison, où logent Cédric, Blanche et leur petite fille. Il y a aussi un potager et un champ.

J’y ai donc passé quatre jours (sur les dix que durait le camp) avec des makers de toute la France venus chacun avec leur tente respective, pour partager, bricoder et discuter autour d’un feu et d’une bière. A mon arrivée, nous n’étions que cinq mais le gros des troupes est arrivé un peu après moi. Le camp a accueilli dix-huit personnes.

Le tableau des activités, ateliers, problèmes à résoudre… © Victor Didelot

3 juillet. Les courses, la forge, le bois

Arrivée en gare de Rosporden à 12h30, où Emmanuel Laurent (la Myne et Daisee) est venu me chercher dans sa voiture, une camionnette parfaitement aménagée pour un campeur, avec un lit double à l’arrière, de l’eau et quelques vivres, et même une minuscule télé bricolée avec un Raspberry. On part directement faire les courses avant de récupérer un train plus tard un autre campeur, Rieul Techer. Notre budget est de 32,50€ (6,50€ par personne et par jour) pour les repas du midi et du soir de cinq personnes.

Sur le camp, je suis accueilli par les autres campeurs déjà présents ce jour : Xavier Coadic (le Biome) et Aurélien Marty (Movilab). Pendant le déjeuner, autour d’une assiette de riz aux petits légumes, Xavier me présente le concept des IndieCamps et nous discutons du camp organisé l’année précédente à Kerbors (Côtes-d’Armor). « En fait un IndieCamp, tu t’installes sur le terrain de l’hôte qui est en accord avec la philosophie du camp, et tu lui dois une contrepartie, pas financière mais matérielle », m’explique Xavier. En 2016, les campeurs avait ainsi fabriqué une douche extérieure.

Après le repas, chacun vaque à ses occupations. © Victor Didelot

Après le déjeuner, certains découpent des palettes en bois pour améliorer notre mobilier DiY, Aurélien finit de monter la première version du teaser vidéo du camp pour la publier sur Facebook, Emmanuel commence le montage de son système pour suivre la production et la consommation d’énergie, Xavier travaille sur la cartographie du terrain avec OpenStreetMap. Xavier Pinasseau, artisan maker et forgeron à Scaër et Emmanuel Mayoud, médiateur numérique basé à Marseille, arrivent pour déposer une forge ouverte et nous initier à la ferronnerie. Ils ont aussi apporté plus de tôles ondulées pour l’ossature des toilettes sèches.

En fin d’après-midi, j’accompagne Xavier C. et Rieul dans la zone humide du terrain pour récupérer du mycélium (la partie végétative du champignon) et démarrer une culture de champignons, mais aussi ramasser du bois pour le feu de ce soir et chercher du physarum (aussi surnommé « le blob », un organisme unicellulaire, prisé par les biologistes pour son « intelligence » et sa capacité à apprendre).

Le mycélium se trouve partout dans les bois, c’est une matière blanche et filamenteuse. © Victor Didelot

Le réchaud à gaz est en panne. Je me retrouve à allumer le barbecue pour faire cuire notre repas du soir (bouillon de fanes de radis, légumes et spaghettis). Note pour plus tard : les pâtes au barbecue sont très longues à cuire ! Lancées vers 20h30, elles n’ont été prêtes à la dégustation que vers minuit.

Xavier P., apprenti Jedi, installe des luminaires pour la grange. © Victor Didelot

Chloé Lequette (Enzyme & Co) arrive juste avant que tout le monde aille se coucher, après une petite expérience de light painting.

Light painting avec Xavier Coadic profitant de la nuit sombre (ça ne se voit pas, mais il est 1h): «IC» pour IndieCamp. © Victor Didelot

4 juillet. La douche en plein air, Raspberry et Ethereum

A 9h30, je prends le petit déjeuner avec quelques campeurs, d’autres dorment encore alors que le soleil brille et chauffe déjà.

Pendant que certains animent des visioconférences (sur la communauté Open BioFabrics, la solution communale Communecter…), je commence à réfléchir avec Aurélien à fabriquer une autre table avec le reste des palettes. Nous sélectionnons la meilleure palette pour en faire le plateau de la table.

Rieul installe une «toile de douche» extérieure, avec un tuyau d’arrosage en guise de douche, en attendant d’avoir fini la douche solaire. © Victor Didelot
En fin de matinée, Xavier P. allume la forge et explique les bases de la ferronnerie. © Victor Didelot
Nous nous familiarisons avec le marteau et l’enclume en forgeant une pointe à partir d’une tige en métal. © Victor Didelot

Deux nouveaux campeurs arrivent, Matthieu Brient, du LabFab de Rennes et Arthur Masson, développeur « société ouverte ». C’est-à-dire ? « La société ouverte se base sur la philosophie open source. Elle est internationale, collaborative et évolutive. Les citoyens la conçoivent de manière collective : chacun peut contribuer, par exemple en proposant des projets de société, des services, des biens matériels, ou encore des textes de loi », m’explique Arthur.

Emmanuel L. et Chloé préparent le déjeuner avec les restes de la veille et les courses du jour. © Victor Didelot

Après le déjeuner, chacun propose des activités : initiation au client Parity qui permet d’accéder à Ethereum (un protocole de la blockchain) avec installation d’un nœud Ethereum et de Parity sur Raspberry Pi 3, avec Xavier C. et Arthur. Pointu. Manu M. et Cédric s’attachent à la fabrication d’un bar dans la grange. Aurélien et Xavier P. reviennent avec 1m3 de sciure pour les toilettes sèches et un Rocket Stove, ce poêle de masse typiquement DiY gentiment offert par Xavier Moulin, responsable de la plateforme de recherche design de la transition à l’Ecole supérieure d’art de Bretagne (EESAB) de Brest (et qu’on s’appliquera à décortiquer pour vous très bientôt).

Le bar est donc fin prêt pour accueillir les campeurs et quelques voisins (dont Xavier Moulin), pour un apéro convivial agrémenté de discussions informelles.

Cédric a installé le drapeau Californouaille (Californie + Cornouailles) fait main, au-dessus du bar, emblème du camp et de l’Atelier Z. © Victor Didelot
On finit la journée sur une initiation à la cybersécurité ou comment se protéger et trouver les failles de sécurité. © Victor Didelot

5 juillet. Un Rocket Stove, la plage, et une soirée dans la forêt

Premier café du matin au Rocket Stove, ça fait plaisir! © Victor Didelot

Xavier P. et Manu M. arrivent dans la matinée avec un nouveau stock de palettes pour agrandir notre panoplie de mobilier DiY.

Petit tour sur la «plage de Tahiti». © Victor Didelot

Avec Chloé, Matthieu, Arthur et Aurélien, à 15mn du camp en voiture, on peut bronzer au soleil et se baigner dans une eau… à moins de 15°C. C’est bon pour le corps, qu’ils disent… Pas pour les frileux comme moi !

Pendant ce temps, les autres campeurs ont commencé à fabriquer l’ossature de la douche solaire et d’autres toilettes sèches. © Victor Didelot

Après le déjeuner, Manu L. et Xavier C. partent expérimenter la conception de biogaz dans la zone humide du terrain de la ferme, grâce à un prototype de biométhaniseur DiY. Manu L. voudrait recycler ses déchets alimentaires et alimenter sa cuisinière de cette manière.

De mon côté, je décide d’améliorer notre Rocket Stove, en suivant les conseils de Chloé. Avec une meuleuse, je découpe verticalement plusieurs lamelles sur le cylindre principal, que je replie vers l’intérieur, pour pouvoir poser notre cafetière plus facilement dessus, mais aussi pour éviter que trop de suie ne la salisse.

Tentative d’amélioration du Rocket Stove. © Aurélien Marty

Premier essai : la cafetière (ou tout autre objet) bouche la cheminée principale… l’appel d’air caractéristique du Rocket Stove ne se fait plus. J’ai alors l’idée de percer plusieurs trous dans le cylindre principal, juste en dessous de l’échappement, afin que l’appel d’air se fasse correctement. Et ça fonctionne !

Aurélien propose un atelier Movilab, un wiki de documentation participative pour transformer les pratiques en savoirs, avec Chloé, Arthur et moi. © Xavier Coadic

Vers 17h, Manu M. propose un rendez-vous de médiation autour de la question « Qu’est-ce que tu fais ? », une question qui revient souvent sur le camp. Environ 6mn par personne pour expliquer aux autres ce que chacun expérimente.

En visite au potager de l’Atelier Z. © Victor Didelot
Rieul s’extasie devant le pédalier générateur d’électricité d’Emmanuel Laurent. © Victor Didelot

« Une opportunité pour chacun de s’exercer à la médiation de leurs pratiques, croiser les échanges, rencontrer, faire savoir et donner envie à d’autres de contribuer sur des projets hybridés », explique Manu M.

Le soir, on sort du camp pour aller découvrir la cabane dans « la forêt magique » d’Emmanuel Poisson-Quinton (Konk Ar Lab, le fablab de Concarneau). Échanges informels, grand barbecue et fiesta !

Soirée cabane chez le fabmanager du Konk Ar Lab. © Victor Didelot
La cabane d’Emmanuel, perdue dans la forêt dense. © Victor Didelot
Il a fallu préparer plein de braises pour ce grand barbecue. © Victor Didelot

6 juillet. La brume, la ferronnerie, et le départ

C’est le jour du départ, mais ce n’est pas encore fini. Réveil difficile après la soirée d’hier, quant au temps… brumeux et humide. Le soleil refait vite surface. C’est le moment de partir visiter la forge de Xavier P., Gov Kemper à Scaër, à quelques kilomètres du camp, avec Chloé, Manu L., Manu M. et Aurélien, et découvrir le métier de forgeron d’art. 

Manu M. profite de ce passage à la forge pour finir une broche pour sa bien-aimée. © Aurélien Marty

De retour sur le camp vers 14h, deux nouveaux campeurs débarquent avant le déjeuner, Sébastien Kurt (Mainstenant), et Alexandre Lejeune (Darkbean.io et Le Playful).

Dernier atelier avant mon départ. Xavier P. montre comment aiguiser des couteaux avec un peu d’huile (ou d’eau) et différentes pierres. © Aurélien Marty

16h30, c’est l’heure de partir, un tour d’au revoir à tous les campeurs et je récupère l’objet que j’ai forgé en souvenir. Xavier P. me ramène à la gare de Rosporden direction Paris Montparnasse, pour un retour à la réalité et, dixit Xavier C., « un petit blues camp ».

Pour la suite du camp, qui s’est achevé le 10 juillet par une journée portes ouvertes, je vous renvoie au carnet de bord contributif et à cette vidéo réalisée par Aurélien.

IndieCamp Névez 2017, les makers en vacances:

Un 2ème IndieCamp est organisé en Bretagne du 1er au 15 août à Kerbors

Retrouvez notre carte d’Europe des camps de l’été makers