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J’ai flotté dans un caisson de privation sensorielle Meïsō

J'ai glissé dans ce bain pour me laisser porter par le vide. © Victor Didelot

Meïsō est le premier centre de flottaison en France. Un projet prototypé dans un lab parisien par deux adeptes des caissons de privation sensorielle. On a testé pour vous.

Flotter pour se relaxer dans un caisson de privation sensorielle. C’est la promesse de la start-up parisienne Meïsō (méditation en japonais), créée en 2013 par Alexandre Kournwsky, designer inventeur, et Maïté Breger, sophrologue et anthropologue, qui ont expérimenté le caisson de privation sensorielle à l’étranger et ont décidé d’ouvrir le premier centre de flottaison en France. Quitte à tout créer de A à Z, du prototype conçu à la Paillasse jusqu’à l’ouverture de leur centre en janvier 2017 à Paris 10ème.

Les caissons de flottaison sont apparus dans les années 1950. Imaginés par le chercheur psychédélique John C. Lilly dans le cadre de ses travaux sur la conscience, ces caissons d’isolation (ou de privation) sensorielle sont une sorte de cocon fermé dans lequel on s’allonge pour y flotter sans aucun effort. L’eau à la température du corps est saturée en sel pour maximiser l’effet de relaxation. Le caisson est généralement situé dans une pièce fermée hermétiquement aux bruits et à la lumière extérieurs, de façon qu’aucun stimulus ne vienne perturber l’expérience.

C’est depuis la Paillasse, le biohacklab parisien, qu’Alexandre et Maïté développent leur prototype, présentent au public leur preuve de concept et lancent en mars 2016 une campagne de financement participatif afin d’ouvrir leur tout premier centre dans Paris.

Le timelapse de la fabrication du cocon Meïsō:

Défi réussi puisque Meïsō récolte 22825€ (sur 10000€ demandés). « La Paillasse, c’est un peu notre nid où le projet a pu éclore », explique Maïté. Après quelques mois de chantier, le centre a ouvert en janvier 2017, boulevard de la Chapelle dans le 10ème.

A l’intérieur, ambiance sérénité. © Victor Didelot

Accueilli par un «maître flotteur»

Derrière la porte du 51 boulevard de la Chapelle, tout au fond de la cour, une petite enseigne en bois parsemée de mousse : c’est l’entrée de Meïsō. Alice, une amie qui voulait aussi tenter l’expérience, m’accompagne. Simon Dommel, « maître flotteur » et masseur pour Meïsō, nous accueille. Nous enlevons nos chaussures à l’entrée, comme dans les maisons japonaises, déposons nos affaires dans des casiers. Nous nous installons dans le salon où Simon nous explique les bienfaits de la flottaison, le fonctionnement à l’intérieur de la cabine et le déroulement de notre séance.

Un grand salon pour se poser avant et récupérer après. © Victor Didelot

Comme la salinité de l’eau équivaut à presque deux fois celui de la mer Morte (mais avec les vertus du magnésium, réputé pour soulager les douleurs musculaires et réduire les douleurs cutanées), il faut faire attention à ne pas s’en mettre dans les yeux, la bouche ou le nez (quelque peu désagréable, c’est l’expérience qui parle). Au cas où, un brumisateur d’eau douce est à disposition.

Simon nous présente ensuite les quatre types d’ambiances pour la méditation guidée qui nous accompagnera une dizaine de minutes avant le vide complet de la privation sensorielle. Il y a « le cocon du moine », une atmosphère de bols tibétains et de carillons, « le cocon de méditation », avec des exercices de respiration pour améliorer la détente, « le cocon de Morphée », pour apaiser les tensions, ou « le cocon de création », pour « rencontrer votre artiste intérieur et créer votre propre univers ». C’est ce dernier que j’ai choisi, pareil pour Alice. On peut aussi plonger directement dans le noir, option réservée aux adeptes de la privation sensorielle.

La beauté des lagons

Au sous-sol, les deux cabines sont entièrement équipées : douche et serviettes, bouchons d’oreille, crème grasse et pansements (pour les petits bobos), et… du vinaigre (pour éviter d’avoir du sel dans les oreilles le lendemain). Sans oublier le bouton d’aide au cas où, au bord du bassin de 2,50m de diamètre. Alice entre dans sa cabine, et choisit une couleur d’ambiance, me dit « à bientôt dans un autre monde » en fermant la porte. Je choisis un bleu turquoise qui rappelle la beauté des lagons, et ferme ma porte.

Je suis les recommandations à la lettre : je prends une douche et enfile les bouchons d’oreille avant de me glisser, nu comme un ver, dans cette eau aux faux airs caribéens. La température de la cabine est parfaitement adaptée, autour de 25° pour l’air ambiant et 35° pour l’eau. Je me glisse alors dans l’eau salée, à la texture huileuse enveloppante comme du coton. Ce matelas d’eau, chargé de 700kg de sel de magnésium, soulève mon poids en réduisant de 80% la gravité. Les lumières commencent à fondre doucement vers l’obscurité. Une voix féminine me demande de m’allonger et de commencer ma flottaison.

Une cabine pleine de zénitude, «approuvée par les grands claustrophobes». © Meiso

Pas d’autre bruit que la voix qui me guide dans le noir le plus total. Ces 15mn de « méditation guidée » m’ont paru une éternité. Quand le silence se fait, il m’est impossible de me concentrer. Il faut que je bouge. Je m’amuse à tourner en rond, allongé dans mon bassin, puis à me laisser porter par le courant. Combien de temps s’écoule-t-il ? Impossible à dire, mais, à un moment, j’ai l’impression que tout s’arrête de bouger. Vraiment tout. L’eau, l’air, le temps et mon corps sont comme figés. Je me sens très relaxé. Et puis, les lumières se rallument doucement.

Que s’est-il passé ? Me serais-je endormi ? J’ai perdu toute notion du temps. La même voix me demande de sortir du bassin afin que l’eau soit nettoyée et filtrée. J’obéis, reprends une douche pour rincer le sel et rejoins Alice et Simon dans le salon. Nous discutons de notre expérience de flottaison autour d’un thé. Alice a trouvé que la voix l’aidait beaucoup pour atteindre un grand niveau de concentration pour méditer. Elle s’est sentie « comme transportée dans le temps ». On sort tous les deux avec une profonde sensation de détente.

Le caisson Meïsō, assure le couple concepteur, n’a pas fini de livrer ses secrets. Il pourrait être utile pour étudier les ondes du cerveau durant la flottaison, de manière à ajuster la lumière et la musique selon le rythme cardiaque, ou encore aider à explorer les rêves lucides.

Vous voulez essayer? La séance d’une heure de Meïsō coûte 60€ (45€ tarif étudiants et chômeurs)