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Il était une fois mille pneus pour faire un square Marin

Vue sur le square Marin à l'heure du goûter, depuis la fenêtre d'un riverain qui a participé au chantier. © Nicolas Barrial

Samedi 24 juin était inaugurée l’aire de jeux du square Marin dans le 14ème à Paris. Cet espace de 1500m2 a été aménagé à coûts contrôlés avec les habitants, en utilisant près de mille pneus recyclés.

Samedi 24 juin à 14h, dans le square Marin, jouxtant le boulevard Brune dans le 14ème à Paris, la fanfare de musiciens matelots couvre à peine les piaillements des enfants, tout à la fête d’inauguration de leur nouvelle aire de jeux. Celle qu’ils ont construite ensemble sur une friche à l’abandon.

Un chantier exemplaire de coconception et coconstruction avec les habitants, dans une démarche d’écoconception à base de pneus de récup’. A bien y regarder, ils sont partout : ici, en bouées de sauvetage ou en monstre des mers à tête toboggan dont les anneaux sont des pneus de tracteurs ; là, en bordures de parterres fleuris et jusqu’au phare, un empilement de gros boudins rouge et blanc. Des tonneaux de bois et un vrai bateau, l’Auguste, offert par la Ville de Paris, achèvent ce tableau… marin comme le nom du square.

Excitation et repos dans l’espace aménagé de 1500m2. © Nicolas Barrial
Les pneus, y’a pas mieux pour s’agripper et grimper. © Nicolas Barrial
Le phare-pneus devant le monstre marin et ses anneaux-pneus. © Nicolas Barrial
Un peu de nature semi-sauvage. © Nicolas Barrial
L’Auguste «flotte» sur les copeaux de bois bleu turquoise. © Nicolas Barrial

Le chantier a coché toutes les cases de la coconstuction responsable : tout en récup’ et zéro déchet, il répond aussi à un impératif économique (le coût de jeux neufs aurait condamné le projet). En 2014, l’association Mom’Didot, nouvelle dans le quartier de la porte de Vanves, et une équipe de développement locale s’attaquent à la valorisation de la dalle Lichtenberger-Renoir. Ce square résidentiel privé, emblématique de l’architecture sur dalles des années 1960, est à l’abandon depuis des années. La mairie d’arrondissement, le syndic mais aussi les habitants qui traversent l’espace, se constituent en groupe de travail. Un appel d’offres est lancé, remporté par Oikos, le cabinet cofondé par Concetta Sangrigoli.

Une des premières opérations du groupe de travail est une bande dessinée, A la recherche de la clef ! Puis, en échange de petits travaux chez les habitants, on recueille leur avis sur la destinée de cet espace. La démarche est récompensée en 2015 par un Territoria d’Or de l’Observatoire national de l’innovation publique.

Etude de conception du cabinet d’architecture Oikos. © Oikos

Pour transformer le terrain en aire pour enfants, avec un budget de 186000€, la récup’ s’impose pour les éléments de jeux. Oikos organise des ateliers de coconception où les enfants participent en nombre. Le projet reçoit un financement du budget participatif de la Ville de Paris. Reste à trouver la matière première : en mars 2016, un don d’Aliapur, une entreprise de recyclage de pneus, permet le démarrage des travaux.

La participation des enfants à la conception se voit! © Nicolas Barrial
Chacun cherche sa dalle, créée dans les ateliers de céramique. © Nicolas Barrial

Sahid Maoucha, un professionnel du bâtiment qui a découvert le chantier sur le site Je m’engage de la Ville de Paris, a tressé des ceintures de sécurité sur des pneus pour créer des assises confortables. Il paraît que des établissements parisiens veulent désormais les mêmes !

Les pneus et les assises en ceintures de sécurité tressées de Sahid Maoucha. © Nicolas Barrial
Portraits des coconstructeurs par l’artiste Marie-Annick Lesueur. © Nicolas Barrial
La maire du 14ème (au milieu, au 1er rang) et l’architecte Concetta Sangrigoli (en marin au 2ème rang), entourées des bénévoles samedi. © Nicolas Barrial

Le budget du projet se veut aussi pilote en termes de transparence. Il a été communiqué dans un livret remis à tous lors de l’inauguration. On y apprend que ce sont bien les 6000 heures de bénévolat qui ont fait la différence, ramenant le prix au mètre carré à 128€ ! C’est la tête du dragon, qui a dû être fabriquée ex nihilo, les normes de sécurité sur les toboggans étant particulièrement sévères, qui a coûté le plus cher (30000€) : « Il fait 1% de la surface, mais 15% du budget », explique Concetta Sangrigoli. Enfin, la certification des éléments, l’animation des ateliers ont coûté 40000€. La Ville a financé le projet à hauteur de 86000€, le syndic, un bailleur, l’Apec et des assureurs ont financé les 100000€ restants.

Jean-Pierre Rogermont, riverain et bénévole, n’est pas peu fier de l’aventure. © Nicolas Barrial
Un espace pour les personnes âgées avait été soumis au vote. Les enfants l’ont emporté mais elles étaient aussi de la fête samedi. © Nicolas Barrial

A en juger par les cris des enfants lors de l’inauguration, de nombreuses histoires vont naître dans le square Marin… même s’il est déjà plein des souvenirs de sa coconstruction.

La construction du monstre marin, par Paris-Brune, côté impair:

D’autres clips de la construction sur la chaîne Youtube de l’association Paris-Brune, côté impair