Dans le nord de Paris, les trésors cachés des jardins partagés
Publié le 6 juin 2017 par Nicolas Barrial
Luxuriant, boisé, solidaire… ils ont chacun leur cachet. A l’occasion de la 15ème édition des Rendez-vous aux jardins, balade dans quelques jardins partagés du nord-est parisien.
Découvrir la France à travers ses parcs et jardins, c’est ce que propose chaque année depuis quinze ans le ministère de la Culture avec les Rendez-vous aux jardins. Cette année, les 2, 3 et 4 juin, l’événement était particulièrement bien pourvu en manifestations de toutes sortes : ateliers, visites de jardins dans des lieux prestigieux. Tout cela compilé sur une carte qui permettait de repérer ce qui se passait près de chez soi. Sur Paris, les grands parcs s’étaient évidemment mis sur leur trente-et-un.
Mais il existe d’autres lieux où, toute l’année, on est sûr de partager un brin de causette, un arrosoir à la main qui plus est : ce sont les jardins partagés. Quelques-uns s’étaient inscrits pour l’événement, notamment parmi les signataires de la charte « main verte » de la Ville de Paris. Créée en 2003, la charte stipule que les adhérents doivent répondre à trois critères – avoir une démarche participative, créer du lien social et jardiner dans le respect de l’environnement – et c’était le cas de cinq jardins, insoupçonnés, que nous avons visités au gré d’une balade entre le 18ème et le 20ème arrondissement.
Le jardin luxuriant: Baudélire
Avec un nom comme ça, on ne peut qu’être attiré ! Ce petit jardin de 130m2 en dénivelé pentu depuis la rue Baudelique (18ème), proposait de venir partager et lire des bandes dessinées à l’ombre des arbres, « BDLire » évidemment ! Le jardin est géré par l’association Vert à soi depuis 2004, qui s’est engagée à l’ouvrir les samedis et dimanches après-midi. Co-entretenu par les adhérents contre une participation annuelle de 10€, on y trouve une végétation très touffue avec plus de 200 plantes différentes, parmi lesquelles des arbres à petits fruits cultivés bio, fraises, kiwi, vignes et des plantes aromatiques. Charte « main verte » oblige, le jardin est ouvert aux groupes scolaires et associations de quartier pour sensibiliser à l’écologie urbaine et les habitants peuvent apporter leurs déchets organiques qui alimenteront les bacs à compost. Un petit concert rock est aussi prévu pour bientôt.
Le jardin solidaire: l’Univert
Toujours dans le 18ème, rue Polonceau, le jardin solidaire l’Univert n’a pas pignon sur rue, il est situé derrière les grilles d’une résidence. Le jardin solidaire est ouvert aux personnes en situation de précarité, allocataires du RSA, chômeurs de longue durée et bien sûr les habitants du quartier. Sa situation protégée lui permet aussi d’accueillir les enfants seuls. Le jardin est géré par l’association Halage qui mène des projets d’insertion et des actions de formation dans le domaine de l’environnement. L’Univert a démarré en septembre 2010 avec quelques Impatiens du Gabon et offre aujourd’hui tout ce que peut offrir la nature en ville : arbustes, dont certains de belle taille, fleurs bien sûr, mais aussi fruits et légumes – pieds de menthe, fraisiers, framboisiers, grenadiers et tomates vertes, assez pour faire des confitures ! Le tout bio, bien sûr.
Le jardin dans les arbres: bois Dormoy
Le bois Dormoy est un petit poumon vert situé 2 ter Cité de la Chapelle, dans le 18e arrondissement. Le bois Dormoy est une zone boisée au fonctionnement participatif, ce qui le rend unique à Paris. Le bois a une histoire : il a été sauvé de la destruction – un projet d’établissement pour personnes âgées était envisagé sur la parcelle — et a aussi fait parler de lui dans la presse en 2015. L’association gestionnaire Bois Dormoy avait dans l’urgence ouvert l’accès au bois aux migrants expulsés de la Chapelle, constatant l’incapacité des pouvoirs publics à répondre aux besoins élémentaires des personnes expulsées. Depuis, le bois a retrouvé sa sérénité et s’ouvre au public tous les dimanches après-midi ou quand un adhérent est présent. On y trouve, bien sûr quelques semis, mais surtout de grands arbres et des cabanes DiY qui font le bonheur des enfants.
Le jardin ordonné: Labori-Clignancourt
Arrivé sur le boulevard Ornano dans le 18ème, on a le choix du vert, d’un côté, la Recyclerie et ses aménagements boisés au bord de la petite ceinture et de l’autre, vers le périphérique, le jardin partagé de Labori-Clignancourt. Plus discret, passé les grilles d’une résidence, on découvre un vaste jardin où tout est bien classé par plantes. « Un peu trop », dit Brigitte, une visiteuse disciple de la permaculture depuis trente ans : « Il faut mélanger plus les plantes, comme dans la nature, et ne pas retourner la terre, sinon on casse le pédon (“sol” en grec ndlr), le système de communication du sol, eaux, organismes, etc. » Ces conseils offerts, le jardin partagé de Labori-Clignancourt et l’association homonyme offrent de jolis parterres, parmi lesquels, certains étaient plantés et signés par des enfants.
Le jardin en terrasses: cité Aubry
Nous avons fini notre périple par un passage dans le 20ème et le jardin de la cité Aubry, bien caché dans une ruelle en U, 2 bis Cité Aubry. Le terrain, impressionnant, s’élève en terrasses successives sur un trentaine de mètres. « C’était tout plat avant, c’est le fruit des aménagements des résidents », annonce fièrement un adhérent présent sur place. D’autres lisent dans des chaises longues au milieu des plantes, un espace est même dédié aux enfants. On est en territoire bio, faussement inorganisé, des parties recouvertes de compost et d’autres laissées en jachère. Au fond, un mur de graffitis et peintures achève ce tableau mi-bucolique, mi-urbain, apprécié des abeilles et des escargots. Toutes les parcelles sont déjà occupées mais vous pouvez adhérer comme « ami du jardin » et venir vous prélasser au soleil, tout en participant aux activités charte « main verte » de l’association.