Makery

Chronique d’une makeuse en matériaux (23)

La peau d'avocat séchée ressemble étrangement à du cuir. © Caroline Grellier

Un pied en France et l’autre en Afrique, notre makeuse en matériaux a trouvé l’équilibre de son projet d’entreprise, Termatière. Au Togo, des projets de valorisation de ressources locales se mettent en place.

Lomé, correspondance

Woezon ! Comprenez « bonne arrivée » en langue vernaculaire éwé, au sud du Togo. Un mois déjà que je suis en Afrique, des projets plein la tête pour Termatière, mon entreprise en matériaux biosourcés. Après une première mission comme consultante sur la valorisation de sachets plastiques en contexte africain, qui m’a valu un énième épique voyage au Ghana, me voilà de retour en terre togolaise, à Lomé, où je retrouve mes marques.

La vue de mon balcon où j’envisage d’installer mon micro-atelier. © Caroline Grellier

Désormais, les activités de Termatière se sont précisées. Le squelette de l’entreprise tient debout et le modèle économique semble pertinent. La seule activité de « maker en matériaux » ne pouvant suffire, j’ai élargi les offres de Termatière et ça fonctionne. Termatière commence à faire du chiffre d’affaires, à vendre des expertises sur son savoir-faire, mais aussi à initier de petits projets passionnants en collaboration, en parallèle des propres projets de R&D en matériaux locaux biosourcés. Cette diversité d’activités me permet de ne pas m’ennuyer et même si être sur tous les fronts en même temps n’est pas simple, c’est comme ça que je m’épanouis, en toute liberté !

Le squelette des différentes activités de Termatière. © Caroline Grellier

Au rythme togolais

Première opération pour moi : organiser les différents projets de Termatière au Togo. Et vouloir anticiper en Afrique n’est pas chose facile… Entre les rendez-vous à l’heure africaine (très, très, mais très en retard), les imprévus qui repoussent encore et encore le moment de la rencontre, et la pluie qui « gâte » le programme de la journée (nous rentrons en saison pluvieuse), je prends mon mal en patience. Comme on vit au rythme du soleil, on commence très tôt et il n’est pas rare d’avoir des coups de téléphone dès 6h du matin ! Si j’arrive à obtenir deux rendez-vous le matin et un l’après-midi, c’est déjà une journée très réussie et bien remplie.

Je m’adapte aux méthodes de travail aussi. Pas la peine d’envoyer des mails, mieux vaut se téléphoner directement ou encore mieux se voir, même à l’improviste. C’est ce qui reste le plus efficace pour avancer. Le rythme de mes mails a donc considérablement ralenti, et ça fait du bien aussi. Ici, le dialogue prime, et tout se négocie sur la durée, à force de se rencontrer.

Futur atelier en vue

Entre deux coups de crayon et clics de souris en vue de dessiner une première gamme de mobilier 100% local et low-cost qui sera fabriquée par un artisan togolais ; entre deux rapports de missions ; entre deux rendez-vous et deux courses de taxi-moto d’un bout à l’autre de Lomé, je réfléchis à me réinstaller un atelier de makeuse en matériaux sur mon balcon : 3m de longueur sur 1m de profondeur, de quoi aménager un charmant établi et retrouver plaisir à mettre les mains dans la matière ! D’autant que pour le projet mobilier, je souhaite expérimenter des placages en peaux et noyaux de fruits et autres procédés de finitions biosourcées. Le pari est lancé, je vais tenter d’aménager mon atelier pour le mois prochain !

Des futurs panneaux en noyaux d’avocat? © Caroline Grellier

Pour le moment, même sans atelier, je bricole mes restes de repas dans mon assiette, équipée de couteaux. J’ai découvert que le noyau d’avocat était très tendre à découper et décortiquer et devenait extrêmement dur et léger en séchant. Sa teinte se fonce comme de l’acajou. Ici, les peaux de banane sont d’ores et déjà utilisées pour cirer les meubles. Je me demande donc comment les travailler pour en faire des placages résistants.

Des placages en peaux d’avocat? © Caroline Grellier

Opération séchage en cours. Mais avec les pluies d’avril qui démarrent, l’humidité de l’air n’aide pas. Le séchoir solaire DiY semble donc le prochain équipement de mon atelier, idéal pour sécher les matières végétales avant de les travailler.

Pendant ce temps-là, en France, le composite de sarments de vigne, premier matériau codéveloppé par Termatière et ses partenaires laboratoires (Montpellier Supagro, Sciences pour l’œnologie et Ingénierie des agro-polymères et technologies émergentes), suscite intérêt et questionnements de la part des clients. Pour le moment, rien de signé, mais je continue d’avancer !

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