Makery

On a testé les nouvelles salles de VR

Le banc Birdly dans la verrière du MK2 VR à Paris, une expérience spatiale dans une salle lancée en décembre 2016. © Benoît Florençon

La réalité virtuelle sera-t-elle l’attraction du futur? Depuis quelques mois fleurissent les espaces VR qui jouent chacun leur carte, du made in France au kitsch, en passant par le cinéma. Que choisir?

Ils viennent à peine d’apparaître et rivalisent en storytelling pour vendre du rêve, de l’innovation, de l’immersion et des aventures jamais vues dans divers mondes parallèles. Ils n’aiment pas l’étiquette de « parc d’attraction », misent sur les dernières nouvelles technos, réalité virtuelle (VR) et réalité augmentée (RA), pour proposer des « expériences » qui n’ont pas encore envahi tous les salons, la faute à un équipement encore cher. Depuis quelques mois, les espaces VR se multiplient.

Tendance lourde ou simple effet de mode ? Si, aux Etats-Unis, le patron de Disneyland refuse la VR dans ses parcs, en revanche, certains ont déjà passé la barrière, comme le grand huit augmenté de VR de Bobbejaanland en Belgique. A Lyon, Tokyo ou Paris, qui gagnera la palme du futur parc à thème VR ? A l’instar des laser games qui ont essaimé dans les villes et les banlieues (il en existe une centaine en France), le parc à VR a-t-il de l’avenir ? On a testé pour vous !

Les experts du jeu de rôle: Virtual Room (Paris)

Le meilleur de Virtual Room, c’est à l’intérieur du casque. Ici les avatars de quatre équipiers. © DR

Ouverte fin février 2017, Virtual Room est un mixte entre jeu d’évasion et réalité virtuelle. Un presque retour aux sources puisque les escape rooms grandeur nature ont été inspirées par le jeu vidéo japonais dans les années 2000 et sont un succès mondial, avec près de 8000 salles dans le monde et une vingtaine à Paris. Ce sont justement des spécialistes français du genre, Jean-Louis Bouthinon et Jean-Luc Gignoux, qui se sont attaqués à une version VR développée par Monsieur K, un studio fondé en 2013 par Thomas Knoll et Vincent Kawnick.

Combien ça coûte ? 100€ (de 2 à 4 personnes).

A partir de : 12 ans.

Expérience. Derrière une porte anonyme de la rue de Turenne dans le 3ème à Paris (MAJ: Rue du Chemin Vert à Paris, Virtual Room a déménagé en janvier 2018 dans un espace plus grand pour accueillir plus deux équipes de quatre simultanément), chez Virtual Room, une petite pièce aux murs en pierres apparentes. Nous sommes quatre (comme recommandé). Le brief, court, peut commencer. On nous promet que tout est très intuitif. Nous sommes répartis dans quatre pièces de quelques mètres carrés, chacun équipé d’un casque HTC Vive, d’un casque audio et de deux manettes. Seule la gâchette sera utile, pour prendre et relâcher des objets. Soulagement pour ceux dont c’est le baptême du feu VR.

L’un des membres de la team Makery équipé par le responsable de la salle. © Victor Didelot

Dans le casque, une salle virtuelle qui n’est pas sans rappeler le film Tron et qui donne une belle dimension à l’espace de jeu. Aux quatre points cardinaux, les avatars de nos équipiers : buste, tête et mains indiquent dans quelle direction ils sont tournés. On s’entend tous fort et clair et on s’envoie des projectiles pour se dégourdir. Une voix off nous explique que nous sommes des agents spatiotemporels qui allons traverser différentes époques, Moyen-Age, Egypte ancienne, etc. Des décors plutôt léchés dans lesquels nous devons trouver l’objet qui actionne le bon mécanisme et qui permettra à l’équipe d’accéder à l’époque suivante. On s’échange parfois des objets au lancer – et l’apesanteur qui s’en mêle… –, on doit coordonner chacun un miroir pour orienter un rayon ou se défendre, avec un arc par exemple. Le jeu s’achève au bout d’une demi-heure, sans frustration.

L’aventure, très bien calibrée, sans temps mort ni frénésie, laisse tout loisir de s’amuser de nos maladresses ou d’aider un partenaire un peu perdu. Le jeu, proposé en licence, devrait faire des petits. L’ouverture d’une autre salle à Bruxelles est prévue d’ici trois à quatre mois, ainsi qu’un nouveau scénario.

L’équipe Makery pour la photo finale. Les accessoires sont un clin d’œil au jeu de rôle. © Virtual Room

Infos pratiques : Virtual Room, 93 rue de Turenne 75003 Paris (MAJ: 36 rue du Chemin Vert 75011 Paris). Ouvert tous les jours de 9h à 21h. Réservation en ligne seulement. Compter une heure sur place.

La crème des studios VR: MK2 VR (Paris)

Birdly, au centre, seule expérience MK2 VR qui ne pourra pas se retrouver dans votre salon. © Benoît Florençon

Si la réalité virtuelle est parfois présentée comme le futur du cinéma, le réseau français de salles de cinéma MK2 a décidé d’investir 1,5 million d’euros dans un showroom orienté jeu vidéo VR, à la pointe de son complexe MK2 Bibliothèque, dans le 13ème à Paris. Le MK2 VR, ouvert en décembre 2016 en partenariat avec BNP Paribas, impressionne par son architecture d’inspiration tokyoïte. Les 150m2 d’espace tout en transparence et le bar terrasse n’ont pas manqué d’attirer la production des grands studios de développement pour les trois casques rois de la discipline : HTC Vive, Oculus Rift et Playstation VR. MK2 VR mise sur 100000 visiteurs en 2017.

Combien ça coûte ? 12€ les 20mn ; 24€ les 50mn.

A partir de : 6 ans.

Expérience. A elle seule, la salle tout droit sortie d’un épisode de la série Westworld vaut le déplacement, un tel écrin pour la VR est unique en Europe et sans doute dans le monde. L’espace prévu pour 15 personnes par session se remplit vite, il est donc recommandé de réserver à l’avance. Au centre de la pièce trône Birdly, l’expérience de vol full body des Suisses de Somniacs. La machine a de l’allure et apporte une touche « installation » à un ensemble qui n’offre souvent guère plus qu’un casque aux expériences.

La crème des studios VR est là : les Français smartVR et l’expérience de vertige The Walk, Ubisoft avec Eagle Flight, une expérience de vol pour essayer le casque Playstation VR, le studio québécois Félix & Paul fait carrément dans la promo avec un medley contemplatif de ses œuvres pour l’Oculus Rift. Chez les Américains d’Electronic Arts, on prend les commandes d’un X-wing de Star Wars Battlefront. Côté FPS, on a pu essayer l’excellent Superhot dans lequel le temps – et les balles – s’arrêtent lorsque vous cessez de bouger. Autre must du studio allemand Crytech cette fois-ci, The Climb, un jeu d’escalade. Mais comme la plupart des expériences, The Climb ne trouve pas de plus-value particulière à être essayé dans la salle. Pour cela, il faut essayer Holofit, un rameur sur fond de décors paradisiaques qui offre la seule expérience multijoueurs, enfin en duo, bord à bord.

Le duo de rameurs Holofit au design raccord avec le MK2 VR. © Holodia

Vingt minutes, c’est un peu juste pour enchaîner la douzaine d’expériences. Avec le pass à 24€, on peut aussi profiter du Perchoir, le bar terrasse de l’espace. MK2 VR ne propose pas vraiment une alternative « arcade » aux jeux VR qu’il présente mais profite des exclusivités négociées par les différents fabricants de casques avec les studios. Ce showroom peut aussi servir, le cas échéant, à choisir son équipement maison !

Infos pratiques : MK2 VR, 160 avenue de France 75013 Paris. Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 20h, et pendant les vacances scolaires du lundi au vendredi de 14h à 20h, le samedi de 11h à 23h et le dimanche de 11h à 20h. Réservation en ligne et sur place.

Calibré pour les enfants: Yoo Moov Stations (Paris)

Yoo Moov reproduit l’esthétique (carton-pâte) d’un vaisseau interagalactique. © Annick Rivoire

Lancé le 15 décembre 2016, à l’intérieur du nouveau centre commercial tout à côté de la Cité des sciences à Paris, Yoo Moov Stations est conçu par le fondateur du groupe Laser Game Entreprise (LGE et sa centaine de franchises en France) comme une « agence de voyage hyperspatial ». C’est d’ailleurs Jacques Denavaut, un ancien directeur de la communication d’Arianespace, qui tient les rênes du vaisseau parisien. En deux parcours (25mn et 1h30), 16 « voyageurs » embarquent avec escales, prétextes à des expériences de simulation de cinéma 360°, de baston hyperspatiale sur sièges dynamiques, de jeux multijoueurs à casque VR ou de pur laser game.

Combien ça coûte ? 12€ la mission interstellaire (25mn) ; 25€ la mission intergalactique (1h30), sur place ou en ligne.

A partir de : 7 ans.

Expérience. Ça commence chichement, dans un décor de carton-pâte futuriste avec hôtesses et gadgets à l’avenant, dans la première salle aux trois écrans géants, pour l’introduction au voyage hyperspatial. Pas d’interactivité, on s’ennuie. Heureusement, le reste n’est pas du même tonneau. Dans la version longue, on expérimente le Star Jammer, des sièges dynamiques avec fusil pointeur sur écran géant et bataille partagée (en deux équipes) pour combattre des hordes d’envahisseurs. On est physiquement secoué et bien harnaché dans le Moov Craft, qui approche le plus l’ambiance d’une fête à neuneus : dans le casque VR, le tunnel hyperspatial avec ses ennemis à dégommer, et l’immersion 100% réussie due au mélange du réel (tête à l’envers et virages hasardeux) et du virtuel (les gamers ont un avantage certain sur tous les autres). Ça rigole sec. On se fait peur à la japonaise avec l’attraction en réalité augmentée Spheris, un cinéma 360° pour visiter la planète Kapteyn b (des samouraïs dissidents y combattent des monstres et autres figures d’heroic fantasy). Et on s’achève dans l’Accelerator Room, un pur laser game à deux niveaux et multiples recoins. Le storytelling de l’exploration hyperspatiale est plutôt kitsch : le gentil génie Yoo, commandant de la Moov Machine qui nous a promis l’exploration des tunnels d’Einstein, est clairement conçu pour un public de (jeunes) enfants. Les escales sont plutôt bien rythmées et on en ressort bien plus enthousiaste qu’on n’y était entré.

Infos pratiques : Yoo Moov Stations, centre commercial Vill’Up, 30 avenue Corentin Cariou 75019 Paris. Ouvert tous les jours de 10h à 1h du matin (dernière séance du voyage long à 23h30).

La VR 100% made in France: Eydolon (Lyon)

Une déco minimaliste qui rappelle le salon, avec, en arrière-plan, le parc Exalto (trampoline, laser game), où est installé l’espace Eydolon. © Annick Rivoire

Eydolon (prononcer Eye-do-lone, comme le terme grec qui signifie simulacre ou fantôme) est le premier des espaces d’expériences en réalité virtuelle conçu par le GIE VR-Connection, qui regroupe plus de 40 entreprises françaises de VR, avec des contenus exclusifs made in France, en partenariat avec LDLC.com pour le matériel et Altiplano (Exalto) pour la mise à disposition de l’espace. Sur 130m2 à l’intérieur du parc Exalto à Villeurbanne, en proche banlieue lyonnaise, dix postes sont ouverts à l’immersion pour quatre expériences néoludiques (entre 5 et 15mn par expérience).

Combien ça coûte ?10€ l’expérience ; pack découverte (3 expériences) 25€.

A partir de : « déconseillé » aux moins de 13 ans.

Expérience. Lancé à grand renfort de communication, le premier parc Eydolon est plutôt modeste. Avec sa déco de salon, ses canapés pour s’installer et discuter après coup ou voir les amis sur l’écran au-dessus du joueur se prendre les pieds dans le tapis virtuel, il est plus proche du prototype que du parc léché. Montée sur une mini-plateforme tapis roulant (en l’occurrence un ROVR), chaussée d’un casque HTC Vive et munie de manettes, nous voilà partie pour une course épuisante (parce qu’à tout petits pas) de hamster. Forcément, le décor est XXL puisqu’on incarne l’animal qui doit récupérer un max de donuts dans la maison avec escaliers, tapis, recoins, etc. Plutôt drôle, Hexamster est représentative du côté « pour tous » que souhaite promouvoir la VR-Connection – pas trop de baston, pour ne surtout pas virer à la salle d’arcade. Hexarena, où des hordes de robots humanoïdes tentent de prendre d’assaut votre arène, est plus proche d’un jeu de tir classique (et proposera « bientôt un mode coopératif, puis à terme des championnats entre salles » du réseau, promet Erwan Cavanagh, directeur général d’Eydolon, qui nous fait la visite).

Erwan Cavanagh en démo d’«Hexarena» pour Makery:

On n’a pas testé les deux autres expériences, Hexatemple (à la Indiana Jones, un parcours découverte dans les temples mayas) et Hexamecka (le siège hydraulique sur vérins était parti en démo), une expérience passive où l’on est passager d’un taxi-droïde fou.

Même si les contenus sont pour l’instant maigrelets, l’ambition de promouvoir une expérience de VR « à la française » est plutôt sympathique. A 200000€ la preuve de concept, Eydolon est déjà rentabilisé et devrait rapidement faire des petits : courant 2017 est prévu l’ouverture d’au moins quinze nouveaux espaces du même genre.

Infos pratiques : Eydolon, Exalto Parc, Aux Puces du Canal, 5 rue Eugène Pottier 69100 Villeurbanne. Ouvert tous les jours, de 17h à 21h (lundi, mardi, jeudi, vendredi), de 14h à 21h le mercredi, de 10h à 23h le samedi et de 10h à 19h le dimanche.

Pour perdre du temps et de l’argent: VR Park Tokyo

Sur la «vraie» arène du VR Park Tokyo. © Cherise Fong

Lancé en décembre 2016 par la marque Adores dans sa propre méga arcade sombre et enfumée au cœur de Shibuya, le VR Park Tokyo est la dernière extension de l’entreprise de jeux (casino et arcade), ici de jeux gadgets superficiels qui font perdre à la fois du temps et de l’argent.

Combien ça coûte ? 2900¥ (25€) avec réservation ; 3300¥ (28€) sans, avec boissons gratuites.

A partir de : 13 ans.

Expérience. Adores adore le shoot’em up : deux des sept jeux proposés y sont explicitement dédiés, pendant que deux autres se jouent arme à la main, bien que les vilains fantômes et autres attaquants ne fassent pas si peur… Le seul où l’on s’envoie littéralement en l’air, Salomon’s Carpet, peut aussi se jouer à deux, sans chaussures, sur un vrai « tapis volant » qui s’incline face aux ventilateurs à travers des paysages fantastiques, mais l’« aventure » sur fond de voix off hystérique d’anime relève du pur kitsch. Jungle Bungee est de la pure simulation, mais à petite échelle et sans aucune interactivité : il s’agit moins de jouer que de subir. Hachamecha Stadium reprend le principe du flipper de baseball. Sans retour haptique, autant jouer avec une manette de Wii… Quant à Creeping Terror, dernier ajout, ce n’est qu’un interlude de mauvais cinéma d’horreur 4D pour passer le temps quand tous les autres jeux sont occupés. Car l’expérience de 80mn laisse tout juste assez de temps pour ne faire qu’une fois chaque attraction, chacune durant entre 5 et 10mn. Et on fait la queue aux heures de pointe. Pour le prix de trois grands bols de ramen dans le même quartier, on a mieux à faire…

Infos pratiques : VR Park Tokyo Adores Shibuya 4F, KN Shibuya 1 Bldg, 13-11 Udagawacho, Shibuya-ku, Tokyo (Japon). Ouvert tous les jours de 10h à 23h25, avec 9 sessions fixes de 80mn. Réservation en ligne possible, sinon, les premiers arrivés seront les premiers servis, avec un nombre limité d’entrées par session.

Et aussi: on se fait un CinéVR ce soir?

Les têtes tournent à l’espace Ciné VR 360° de la Géode VR. © DR

Sundance, Cannes ou Tribeca, pas un festival du 7ème art qui ne propose sa sélection d’œuvres et de reportages 360°. Idem pour les rencontres d’Arles et son festival VR. Les financements publics dynamisent la création française que l’on retrouve dans le showcase des Américains de Kaleidocope qui alimentent la plupart des festivals. Les « salles de cinéma VR » paraissent donc être la suite logique. Pickup VR Cinema avait lancé une initiative en mai 2016 à Paris, qui n’a pas duré. Le flambeau a été repris par de vénérables institutions comme la Géode qui lance cette année Géode VR, un programme de découverte de la VR, avec espace Ciné VR 360° « pour tester en douceur l’effet kinesthésique des images VR 360° ». Ça fait un peu troisième âge ! C’est Orange qui équipe la salle avec son casque VR1. Le catalogue est riche (normal, c’est celui d’Arte, investi dans les contenus 360°). Autre offre, celle du Forum des images à Paris qui a hébergé en 2016 son premier Paris virtual film festival (prochaine édition les 1er et 2 juillet) et propose depuis janvier un rendez-vous de la VR, le premier mercredi de chaque mois, pour « regarder le monde par le prisme d’un cinéma créatif, original et sensoriel », en collaboration avec le distributeur de films VR, Diversion Cinéma, qui fait aussi des séances régulières au Louxor à Paris.

Par Nicolas Barrial (à Paris), Cherise Fong (à Tokyo), Annick Rivoire (à Villeurbanne et Paris)