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Assises du journalisme: quels médias dans dix ans?

Aux Assises du journalisme de Tours, l'atelier radio live de France Info fait le plein d'étudiants. © Carine Claude

Sur fond de campagne présidentielle frénétique, de «fake news» et de crise de l’info, les Assises du journalisme ont célébré leurs dix ans, du 15 au 17 mars à Tours. L’occasion d’imaginer l’avenir des médias.

Tours, envoyée spéciale

A quoi pourront bien ressembler les médias dans dix ans ? Pour leur édition anniversaire, les Assises du journalisme et de l’information organisées du 15 au 17 mars à Tours ont dressé le portrait d’une presse en crise et mis en débat l’avenir des médias.

Pour répondre à cet exercice de style, les organisateurs ont confié à une douzaine de journalistes et de patrons de presse la rédaction d’un recueil sur l’avenir des médias. Titré (S)’informer dans 10 ans et distribué gratuitement pendant l’évènement, il présente douze scénarios parfois franchement dystopiques où se côtoient big data, réalité virtuelle, micro-drones et propagande, comme dans Un monde en liberté surveillée de Ricardo Gutíerrez, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes, qui signe ici la grande extinction des médias traditionnels et des éditeurs de presse à l’horizon 2020-2030.

Dans dix ans, «le journaliste sera un curateur d’images» selon Ludovic Blecher, directeur du fonds Google pour la presse (2ème à g.). © Carine Claude

Autre signe de la morosité ambiante : malgré l’enthousiasme des apprentis journalistes présents en force, notamment pendant les ateliers radio de France Info, ces trois journées de débats sur l’avenir des médias ont été parasitées par la crise de confiance qui frappe l’ensemble de la profession et la détérioration de ses relations avec le lectorat, des primaires à l’affaire François Fillon en passant par l’invasion des fausses informations, les cohortes de « faits alternatifs », le Brexit ou l’élection de Trump.

« Il faut diversifier nos sources et nos points de vue pour lutter contre l’entre-soi dont certains nous accusent, affirme Michèle Léridon, directrice de l’information de l’AFP venue présenter le rapport annuel de l’Observatoire de la déontologie de l’information. Et bien entendu vérifier les infos grâce aux outils de datajournalisme et de fact-checking comme Crosscheck, pour constater par exemple les changements de programme des candidats… » Intitulé L’information au cœur de la démocratie, le rapport passe en revue les pressions subies par les journalistes, mais également certains dérapages à répétition, façon journalisme de commentaire, petits arrangements avec la vérité ou « journalisme d’embuscade » visant à piéger les interviewés. Difficile dans ce cas de rétablir une relative crédibilité.

Pour Jean-Marie Charon, sociologue des médias, « des éléments de fragilité » plus structurels bouleversent l’équilibre des médias traditionnels, entre montée en puissance des pure players (45 CDI à la rédaction de Mediapart en 2016 contre 24 en 2008, 30 journalistes au Huffington Post contre 8 lors de son lancement en 2012) et réorganisation des rédactions (les journalistes« voltigeurs » passant d’une rédaction à l’autre au sein d’un même groupe), sans parler de la disparition de titres pour ainsi dire historiques (ci-gît Le Pariscope) et des charrettes de départs plus ou moins volontaires, entre une rédaction d’Itélé écrémée, la perte de 65 journalistes à L’Express et un plan de départs d’au minimum 31 postes à L’Obs. Mais désormais, la profession de journaliste affiche 46% de femmes. C’est toujours ça de pris.

Le site des Assises du journalisme