Makery

A Nantes, Stereolux fait valser l’art cinétique

Enchevêtrement de bras et de jambes pour le ballet mécatronique «Arabesque» de Peter William Holden. © Carine Claude

Jusqu’au 9 avril, les Nantais de Stereolux ouvrent leur programmation à l’art cinétique avec une exposition consacrée aux ballets mécatroniques de Peter William Holden et des workshops d’automatisation artistique.

Nantes, envoyée spéciale

Parapluies, chaussures, chapeaux… les sculptures cyber-cinétiques de Peter William Holden empruntent leur étrangeté au répertoire du banal. Ecumant les festivals d’art numérique, d’Ars Electronica (Linz, Autriche) à Gamerz (Aix-en-Provence), en passant par Via (Maubeuge) ou encore Exit (Créteil), l’artiste britannique chorégraphie depuis une dizaine d’années des ballets robotiques bruyamment cadencés par le rythme des vérins pneumatiques de ses automates.

Peter William Holden prend la pose devant son installation «Autogene». © Carine Claude

Invité pour la première fois par Stereolux, il présente trois de ses installations fétiches pendant l’exposition monographique qui lui est consacrée jusqu’au 9 avril à Nantes : Autogene (2010), un hommage appuyé au Singing in the rain de Gene Kelly, Solenoid (2010) avec ses chaussures de claquette façon années 1930 et Arabesque (2009).

«Autogene» (2010):

Si les deux premières ont quelque chose de Magritte dans leur interprétation surréaliste du quotidien, Arabesque et ses enchevêtrements de bras et de jambes dignes du Frankenstein de Mary Shelley forment un kaléidoscope mécanique nettement plus dérangeant. « C’est vrai que je mets souvent en scène des parties du corps humain dans mes œuvres. D’ailleurs, dans Arabesque, contrairement à ce que l’on peut penser, ce ne sont pas des membres de mannequins vitrine mais des moulages que j’ai faits sur moi », explique Peter William Holden.

«Arabesque» (2009):

Ce qui ne l’empêche pas de délaisser la mise en scène du corps humain pour explorer la fragilité un peu inquiétante des objets de tous les jours. « En ce moment, je travaille sur une chorégraphie lumineuse très simple, composée de huit luminaires posés en cercle comme dans mes autres installations. En fait, ma plus grande difficulté est de trouver des lampes à abat-jour basiques, au design le plus standard possible ! Ce sont des objets qui font tellement partie de nos vies que plus personne n’y prête attention. C’est ce que je cherche dans mes œuvres : changer la perception de ces objets, ne serait-ce que pour un bref moment. »

«Solenoid» (2010):

Plus artiste inventeur qu’artiste ingénieur, Peter William Holden réalise ses installations dans son atelier de Leipzig (Allemagne), la ville où il réside depuis vingt ans. Un vaste bric-à-brac de matériaux et de machines dont il confie avoir du mal à se passer : « Pour moi, ce n’est pas évident, par exemple, de faire des résidences d’artiste car mon atelier m’est absolument essentiel pour travailler. Lorsque j’ai commencé mon travail artistique il y a vingt ans, les fablabs n’existaient pas, c’est donc petit à petit que je me suis construit mon propre atelier de fabrication, et j’en suis très content maintenant car je sais où sont mes trucs. »

Bien qu’omniprésente dans son travail, la robotique n’est pas pour lui une fin en soi. Ses assemblages relèvent d’ailleurs davantage de la mécanique et de l’ajustement bidouillé que de l’ingénierie de haut vol. « J’ai une relation assez étrange à la technologie, explique-t-il. Nous sommes à une période de l’histoire où les gens ont peur des technologies. Or, elles peuvent être prises dans toutes les directions possibles. Un robot peut aussi bien servir à tuer qu’à vous servir le thé. Leur finalité n’est pas encore définie, nous pouvons toujours l’influencer. »

De la théorie à la pratique

En écho à l’exposition, les équipes de Stereolux et son Laboratoire arts et technologies avaient concocté deux workshops consacrés à l’art du mouvement les 8 et 15 mars (Makery était partenaire). Parmi le public hétérogène de ces ateliers, des plasticiens, des techniciens, des vidéastes, mais aussi de simples curieux. « Lors du premier workshop, j’ai surtout expliqué comment je passais d’un concept artistique qui m’était fourni à une installation ou à un élément de scénographie théâtrale, explique Coline Feral, ingénieure roboticienne de 28 ans qui sévit notamment comme constructrice pour la compagnie nantaise La Machine et ses automates géants. L’idée du second était de mettre en pratique un projet d’installation vidéo dont j’avais parlé lors de la première session. »

Séance de code en Python pour le workshop art cinétique le 15 mars. © Carine Claude

Pour ce deuxième workshop, une douzaine de participants se sont arc-boutés pendant trois heures sur la conception d’un système de vidéoprojection automatisé équipé d’un shutter (un obturateur de lumière) piloté par Raspberry. Une simplicité seulement apparente et pas mal de lignes de code en Python à assimiler. « C’est vrai que c’était un peu compliqué pour les gens qui étaient très débutants en programmation, précise Coline Feral, mais certains ont révélé de bonnes aptitudes. Même si deux personnes se sont découragées dès le départ et sont parties au bout de 30mn… » Elle ajoute : « Ce n’est pas avec un workshop de trois heures que l’on va former des développeurs, mais l’idée est de donner des approches, des outils et de savoir où aller les chercher. »

Un aspect toolbox apprécié par plusieurs participants. Comme Arnaud Bannais, animateur des Petits Débrouillards en résidence au labo pour un projet de spatialisation du son, qui connaissait « la théorie du code, mais pas trop la pratique ». Ou Gildas Masse, régisseur de spectacle : « J’avais déjà fait du Raspberry pendant deux ou trois ans avant de passer sur Arduino, plus simple, que j’ai utilisé pour contrôler les mouvements du bateau de la Petite géante de la compagnie Royal de Luxe. Ici, l’approche était enrichissante car très concrète. »

Exposition (gratuite) Peter William Holden, à visiter à Stereolux jusqu’au 9 avril