Makery

Au premier salon Virtuality, l’art du vide et ses vertiges

Expérience de simulation de vol avec l'exosquelette Hypersuit au premier salon parisien de la VR, Virtuality. © Nicolas Barrial

Retour sur les expériences perchées de Virtuality, premier salon parisien dédié à la réalité virtuelle. Une technologie qui, à peine sortie de la nausée, s’entiche désormais du vertige pour exploiter nos phobies à bon compte.

Du 24 au 26 février à Paris, le 104 accueillait Virtuality, le premier salon dédié à la réalité virtuelle, réunissant une centaine d’exposants, des rencontres professionnelles le vendredi et un week-end grand public. De belles conférences mais surtout de nombreuses expériences à tester et les files d’attente qui allaient avec… 16 000 visiteurs sur les 3 jours (soit près du double de ce qu’attendaient les organisateurs).

Du coup, la tendance lourde des expériences consistait à provoquer une réaction passant de préférence par le cerveau reptilien, qui ne s’embarrasse pas de raisonnement. Et quoi de mieux qu’une peur primale… comme celle du vide ? Ce circuit court perception-réaction prouve qu’à l’entrée dans nos récepteurs, la donnée virtuelle et la donnée réelle, c’est kif-kif.

Le rêve d’Icare en machine

On commence par le plus soft, le simulateur de vol. Pas celui qui vous met dans un cockpit mais dans la peau d’un oiseau. Une exploration virtuelle à tire d’aile, avec des ailes bien réelles pour contrôler son altitude et son orientation. C’est ce que propose Birdly, dont un exemplaire trône au centre du MK2 VR, un espace dédié à la réalité virtuelle ouvert à Paris en 2016 et qui avait fait le voyage au salon.

De timides battements actionnent la montée des vérins. © Nicolas Barrial

Un exemplaire car Birdly est désormais produit en série. La machine conçue en 2013 à l’université des arts de Zurich par l’artiste multimédia Max Rheiner et deux étudiants en master, Fabian Troxler et Thomas Tobler, a fait le tour du monde. Vainqueur du prix Siggraph de Vancouver en 2014, il sert de support pour la démonstration de la fibre optique Google à Austin en 2015. Depuis, l’équipe d’origine a fondé l’entreprise Somniacs pour passer à la production. L’oiseau de métal blanc armé d’une soufflerie tient dans une valise – de 170kg tout de même.

Dans un autre genre, les Français d’Hypersuit, Grégoire Arcache et Tom Sicard, proposaient d’essayer un prototype qui ressemble un peu à Birdly. Sauf que ses concepteurs considèrent leur machine, remarquée au dernier CES de Las Vegas, comme un exosquelette autorisant une grande variété de mouvements, tandis que Birdly se contente de battre des ailes. Hypersuit est prévu pour explorer d’autres cieux, mimant le cosmonaute en apesanteur ou le plongeur des grands fonds.

Le mode d’emploi d’Hypersuit, tout en assouplissements. © Nicolas Barrial

La réalité virtuelle semble faire ce qu’elle veut de nous. Comme chef d’escadrille d’une bande de volatiles, planer à 600m d’altitude nous semble aussi naturel que si nous étions nés avec des ailes. Mais redevenu piéton et juché au-dessus du vide, l’affaire se corse. Les jambes tremblent et le cerveau se fait la malle : le vertige quoi. Une faille que les agences de contenus VR ne se gênent pas d’exploiter, au profit de leurs clients.

Neuromarketing au sommet

Le studio parisien Backlight proposait ainsi une expérience autour d’un parfum qui, dixit la pub, est réservé aux braves. De bravoure, il fallait en faire preuve pour récupérer un flacon de parfum, pas dans sa salle de bain mais sur un promontoire à l’extérieur du dernier étage d’un gratte-ciel.

Un «brave» expérimentateur prend la pose. © Nicolas Barrial

Plaqué au mur, les pieds vissés sur un rebord étroit séparant du grand saut, la progression se fait à pas de côté. Des briques du parcours viennent à manquer… et c’est le bug, un no go cérébral qui annihile les tentatives d’enjamber le vide… L’expérience met en œuvre l’attirail classique de la VR, un HTC Vive équipé d’un capteur Leap Motion pour simuler les mains qui serviront à attraper le parfum. Quant aux pieds, ils sont simulés par des manettes HTC Vive attachées aux mollets.

Bottes augmentées de manettes HTC Vive, pour «voir» où l’on met les pieds. © Nicolas Barrial

Pas le moment de se les prendre, les pieds, dans les fils qui relient le casque à l’ordinateur. C’est sans doute à cela que pensait l’équipe du fabricant d’ordinateurs MSI venue présenter VR One, un ordinateur porté comme un sac à dos. Smart VR, agence française, a mis son expérience de peur du vide, The Walk, à la disposition de MSI pour une traversée entre deux gratte-ciel sur une planche branlante.

Voyage au bout de la souffrance avec un VR One. © Nicolas Barrial

Quittons la verticalité des villes américaines pour celle de la montagne. Paisiblement assis sur un télésiège, on s’attend à une expérience de contemplation de paysage enneigé. Raté, le voyage secoue le passager comme la bouteille de marque pour qui l’expérience a été conçue.

Une expérience secouante… mais pas vraiment convaincante. © Nicolas Barrial

Et comme les casques ne suffisaient pas, le cube immersif apporté sur le salon par Realyz, spécialiste français des Caves, faisait lui aussi le coup de la planche au-dessus du vide. Mieux, en cas d’erreur, le paysage défilant simulait la chute.

Le vertige en réalité augmentée dans le cube Realyz. © Nicolas Barrial

Peurs primaires et sensations virtuellement fortes, est-ce là le seul horizon de la VR ? Les industriels du secteur sont condamnés à toujours plus d’innovation pour des expériences menacées par la banalisation – la plupart de celles qui étaient proposées à Virtuality sont reproductibles à la maison, sous réserve d’un bon équipement.

Dommage aussi que la VR multijoueurs n’ait pas été plus représentée à cette première édition de Virtuality. Ainsi, le Français 4D Crea n’était pas là pour présenter VRTIGE Mocap, une expérience à deux de traversée des toits de New York, elle aussi vertigineuse : on y voit le corps de son partenaire intégré via la motion capture dans l’image virtuelle. A suivre pour l’édition 2018 ?

En savoir plus sur Virtuality