Makery

Matt Webb invente la machine qui distribue les livres comme le café

Matt Webb, libraire en distributeur. © Elsa Ferreira

Éleveur de bots et spécialiste des objets connectés, Matt Webb est un créatif infatigable qui refuse l’étiquette de maker. Son dernier projet: un distributeur de livres basé sur les recommandations. Rencontre.

Londres, de notre correspondante

Rendez-vous au Book Club, dans le quartier de Shoreditch, à Londres. C’est là qu’une fois par mois environ, Matt Webb organise des « cafés hardware-ish ». « Parfois on est cinq, parfois 25. Il n’y a pas de structure, pas de présentation. Je m’assure seulement que les gens parlent entre eux. » Certains viennent avec le prototype sur lequel ils travaillent pour avoir des avis, d’autres cherchent des collaborateurs et un réseau ou sont, plus rares, de simples amateurs. Un exercice à la fois « terrifiant et très informel », raconte l’initiateur de ces rencontres et concepteur de Machine Supply, un distributeur de livres recommandés.

Aujourd’hui, nous ne sommes que deux pour évoquer avec Matt Webb son distributeur de livres, dont on a vu un exemplaire à Machines Room, le makerspace de l’Est londonien. Il y vend des livres recommandés par les internautes, entre autres de la science-fiction avec 1984 ou Player One, et des objets électroniques en kit de Technology Will Save Us. Webb est du genre prolixe : il a aussi créé deux bots sur Twitter, tenu plusieurs blogs, dont certains collaboratifs et a écrit un livre, Mind Hacks. Après avoir cofondé le studio Berg, spécialisé dans les objets connectés et fermé depuis deux ans, il est directeur général de l’incubateur d’objets connectés R/GA Internet of Things qui débutera ses programmes à Londres en février. 

«Le hardware est aujourd’hui ce que le Web était hier»

Matt Webb a découvert le Web au lycée, raconte-t-il, à 16 ans. Il en a aujourd’hui 38. Depuis son New Forest natal, région du sud de l’Angleterre (qui « n’est ni neuve, ni une forêt », précise-t-il), il fabriquait déjà des fanzines où « principalement je me foutais de mes potes et j’écrivais de fausses nouvelles ». Il voit avec Internet l’opportunité de « fabriquer quelque chose et d’atteindre les gens immédiatement ». A 18 ans, il décide de travailler sur le Web pour ses vacances d’été. « Je n’avais aucune idée de quoi faire, j’appelais par hasard les boîtes et elles me disaient “on a besoin d’un programmeur”. J’ai acheté un livre pour apprendre à coder. Une semaine plus tard, je les rappelle et elles me disent “nous cherchons tel autre langage”. J’étais dégoûté. »

Qu’à cela ne tienne, s’il ne peut y travailler, il s’y amusera, notamment depuis le site glassdog.net (fermé depuis) et sa communauté d’internautes créatifs. Il développe un jeu en ligne contributif. Pour communiquer avec un ami en Australie, il développe un ancêtre du portable : quand l’ami lui écrit un message sur son site, le texte est lu à haute voix via les enceintes de l’ordinateur de Webb. « Je pouvais alors me lever et lui parler par mail. C’était avant les téléphones portables ou les messageries instantanées ! »

Ce terrain de jeu, aujourd’hui, Matt Web ne le retrouve plus sur la partie multimédia de l’Internet, mais avec le hardware. « J’ai découvert qu’on pouvait créer des choses ludiques, qu’il y avait ce terrain artistique. Aujourd’hui, le Web est devenu un endroit pour écrire et socialiser, ce n’est plus pour créer et fabriquer. Le hardware est aujourd’hui ce que le Web était hier. »

Little Printer, un objet connecté développé par Berg, 2012 :

Distributeur de livres 

Pour son dernier projet, Machine Supply, Matt Webb s’est procuré un distributeur d’occasion sur Ebay. Puis il a ouvert la bête. « A l’intérieur de la machine, tous les composants sont branchés, comme les enceintes à votre ordinateur, décrit-il. Le protocole a été créé par Coca Cola Japon dans les années 1960. Ce sont eux qui ont défini comment le distributeur automatique marcherait. »

Avec l’aide d’un ingénieur, il crée un outil capable de comprendre ce protocole et de relier la machine à Internet. Désormais, lorsque la machine vend un livre, elle transmet l’information à son site et le tweete. Pour l’instant, @MachineSupply n’est pas très loquace. C’est que le projet est au stade « pré-pré alpha, un hobby ».

Matt Webb a cependant déjà établi un partenariat avec le distributeur Gardners pour obtenir ses livres à bas prix, malgré ses petites commandes. Pour que l’affaire soit rentable, « il faudrait que les gens fassent littéralement la queue » au distributeur, a-t-il calculé. Ou qu’il multiplie les machines, espère Webb, qui dit « avoir toujours voulu une librairie ». 

En attendant, il l’emmène en tournée sur le Campus londonien de Google, dans les bureaux anglais de l’éditeur Hachette (intéressé par le concept), puis à Machines Room, où il continue le développement. « Je voudrais qu’elle communique plus facilement avec d’autres machines, qu’elle fasse plus de choses, comme offrir une ristourne. » 

Webb se considère-t-il comme un maker ? « Je ne mettrais pas d’étiquette », répond-il. Un artiste, alors ? Pour l’exposition The Art of Bots, en avril 2016, il a présenté @5point9billion, un bot qui tweete la distance parcourue par la lumière depuis votre naissance. A côté de son œuvre, sa « biographie d’artiste » était affichée, se rappelle-t-il. « C’était la première fois que j’étais présenté comme un artiste. Et je ne plaisante pas, je n’ai pas arrêté de rire pendant deux semaines. » Créatif, alors ? « Je considère que tout le monde a de la créativité. C’est important pour interagir avec le monde réel. »

Faire vos recommandations pour Machine Supply et lire celles de Matt Webb