Makery

Chronique d’une makeuse en matériaux (20)

Sarments de vigne valorisés en panneau composite 100% biosourcé. © Caroline Grellier

Est-ce la dernière ligne droite? Termatière, le projet d’entreprise spécialisée dans la conception low-tech de nouveaux matériaux locaux biosourcés, n’a jamais été aussi prêt de se concrétiser…

Alors que dans les vignes, l’hiver se fait (enfin !) sentir et que les sarments ont encore quelques semaines devant eux avant d’être taillés, je poursuis mes démarches commerciales auprès des intéressés par le premier matériau de Termatière : un composite de sarments de vigne 100% biosourcé, utile à la fabrication locale de caisses de vin.

Les grands groupes de la filière viticole française ayant déjà manifesté leur intérêt pour ce matériau, les discussions et négociations se poursuivent donc, avec patience et persévérance. Selon les typologies de clients potentiels (caisseries, domaines, groupes), les stratégies à mettre en œuvre diffèrent et c’est bien cela qui rend cette étape du projet palpitante ! Entre le Bordelais, la Champagne et Paris, chaque rendez-vous du mois de novembre s’est présenté comme une nouvelle hypothèse, qui change la donne du tout au tout.

D’ici quelques semaines, les vignes ressembleront à ça. Termatière compte bien éviter le gâchis de sarments! © Caroline Grellier

En cette fin d’année, l’objectif est bel et bien de faire le bilan sur les stratégies qui s’offrent et à l’issue que je souhaite lui donner. 2017 sera vraiment l’année décisive pour Termatière. Mon projet de création d’entreprise se construit au fur et à mesure, s’affine et se renforce. Je suis même assez étonnée de constater où peut mener un bricolage de garage de makeuse en matériaux !

Mon tout premier composite de sarment, moulé dans un bac à glaçons à l’aide de cartons et serre-joints! Le projet a fait du chemin depuis… © Caroline Grellier

R&D, conseil, design

Désormais, Termatière prend forme et se structure, pas aussi vite que ce que j’imaginais certes, mais avec de nouvelles offres pour renforcer le modèle économique. En effet, les activités de conception et développement de nouveaux matériaux par Termatière étant de longue haleine et envisagées sur du moyen et long terme, je pense à diversifier les métiers de l’entreprise et à capitaliser sur ces expériences de R&D en proposant des missions de conseil, d’audit sur les potentiels de valorisation de déchets agricoles. L’occasion de démontrer les nombreux atouts de ma démarche de makeuse en matériaux : économique car nécessitant peu de moyens en amont, créative car empirique, rapide à mettre en œuvre !

En quête de matériaux locaux biosourcés en Afrique

Cette démarche prend aussi tout son sens en Afrique, où une problématique m’intéresse particulièrement : les emballages biosourcés agro-alimentaires. L’offre est quasi inexistante dans ce secteur pour répondre aux besoins des agriculteurs, souvent positionnés sur du bio : de petits volumes (trop petits pour les fabricants industriels, trop grands pour les fabricants artisans), des matériaux locaux biosourcés et/ou biodégradables (pour un impact environnemental moindre) et des contenants adaptés au positionnement de leurs produits. Ce besoin se fait sentir auprès de l’ensemble des agriculteurs et transformateurs que je rencontre en Afrique, souvent obligés d’opter pour du plastique ou d’importer des pots en verre du Ghana ou du Maroc, ce qui crée une dépense équivalente à la moitié de leur coût de revient total !

Sur cette question, je compte bien appliquer la « méthode Termatière », efficiente et innovante à bas coût. Convaincue que les makers peuvent vraiment influencer les processus d’innovation, je poursuis ma quête des matériaux locaux.

Après les premiers protos, il faut caractériser et affiner les recettes de ces briques 100% biosourcées. © Caroline Grellier

Côté vigne et vin en France, le projet suit son cours. Côté palmier à huile et brique au Togo, y’a encore du boulot ! Le prochain grand rendez-vous africain pour Termatière aura lieu à Abidjan fin mai 2017 pour le premier colloque sur les éco-matériaux en Afrique. Les premiers prototypes réalisés avec peu de moyens cet été ont quand même suscité la curiosité d’architectes togolais, convaincus des enjeux de construire en matériaux locaux et motivés par l’idée d’entreprendre.

Entreprendre en France et au Togo

Entreprendre… C’est justement ce qui m’amène de nouveau au Togo en ce mois de décembre, à l’occasion de la quatrième édition du Forum des jeunes entrepreneurs. Je suis venue partager mon expérience d’entrepreneure européenne inspirée par les façons de « faire » et d’inventer en Afrique. Un week-end riche en rencontres avec plus de 300 jeunes Togolais porteurs de projets, souvent à un stade de prototypage avancé, réalisé avec les moyens du bord. J’ai d’ailleurs croisé un jeune inventeur, génie du bricolage, qui avait remporté l’année passée le prix de l’innovation grâce à sa machine à brique pouvant mouler 16 briques à la fois au lieu de 2 ! Peut-être une future machine pour les briques 100% biosourcées de Termatière ?

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