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Au Fablab Setagaya, le prototypage au milieu des arts et métiers

Le Fablab Setagaya, à l'intérieur de l’Ikejiri Institute of Design à Tokyo. © Cherise Fong

Après six mois d’essai, le Fablab Setagaya, 18ème et dernier-né du réseau de fablabs japonais, est ouvert depuis le 1er novembre 2016. Et trouve peu à peu sa place au sein d’un micro village d’arts et métiers au sud-ouest de Tokyo. Visite.

Tokyo, de notre correspondante (texte et photos)

A première vue, rien d’extraordinaire : une petite pièce au milieu du couloir, à droite de l’entrée, juste après les toilettes. A l’intérieur, une découpe laser, trois imprimantes 3D, deux scanners 3D, une CNC qui coupe l’aluminium et le bois, une dizaine de rouleaux d’ABS accrochés au mur, plusieurs écrans plats sur lesquels sont affichés les logiciels Fusion 360, Geomagic Sculpt, Zbrush, Rhinoceros ou Scratch, des étagères pleines d’objets bricolés, une table centrale, quelques tabourets. Puis, écrit en lettres géantes sur le tableau sous l’horloge de cette ancienne salle de classe : Fablab Setagaya at IID.

L’entrée du Fablab Setagaya à l’intérieur de l’IID.

Le dernier-né du réseau de fablabs japonais est une émanation du Ikejiri Institute of Design (IID), dont le nom japonais (世田谷ものづくり学校) se traduit littéralement par « école de fabrication artisanale de Setagaya »… Mais ce n’est pas du tout une école, contrairement à ce que son nom suggère.

L’incongruité apparente vient du projet de l’IID, l’entreprise qui gère le bâtiment. Jusqu’en 2004, l’IID était une école publique du quartier d’Ikejiri dans la municipalité de Setagaya. Le concept consistait à réaménager la structure pédagogique en espace incubateur pour start-ups, bureaux, co-working, formations, présentations, boutiques, galeries, ateliers… le tout ayant un rapport avec le design, les arts déco, la fabrication artisanale et numérique. Un espace hyperlocal et ouvert au public pour « travailler, jouer, apprendre », comme une version pédagogique et commerciale du centre artistique 3331 Arts Chiyoda.

D’ailleurs, l’IID a repris ce même concept de réaménagement d’écoles publiques fermées dans un esprit de revitalisation locale, industrielle et créative pour ouvrir deux autres « écoles » multiplexes : à Sanjo dans la préfecture de Niigata et à Oki sur l’île d’Okinoshima, au large de Tottori dans l’ouest du Japon.

Kazumasa Kanei (à gauche), directeur, et Ryota Yokoiwa, fabmanager, au Fablab Setagaya.

Kazumasa Kanei, directeur du Fablab Setagaya, une des initiatives les plus récentes de l’IID, évoque plus de 500 workshops et autres activités par an dans le bâtiment, auxquels participent plusieurs milliers de personnes devenus familiers de ce tiers-lieu de bricolage et de création. Il est également fier d’accueillir au 2ème étage, pour la troisième fois cette année, le Stem Meeting du 11 décembre 2016, une conférence d’un après-midi sur les enjeux de l’éducation Stem (pour Science, Technology, Engineering and Maths), organisée par le Fablab Kamakura à la suite du 1er Fablearn Asie en 2015.

Au rez-de-chaussée, en face du couloir où se trouve la boutique spécialisée de boules à neige, le Fablab Setagaya s’épanouit à petits pas. L’ancienne salle de prototypage PTA (Physical Thinking Area), aménagée en 2014, a été rebaptisée fablab en avril 2016, avec accès libre aux machines.

Avec son nouveau statut (et sa présence à FAB12), et son ouverture officielle le 1er novembre dernier, l’utilisation du matériel au fablab devient payante. Kanei voit plus d’étrangers et de gens venus d’ailleurs, sans doute parce que l’espace est désormais indexé en ligne sous le mot-clé « fablab ». Dans un coin, on reconnaît le Mbot pédagogique de Makeblock et une série de clones du fameux fabbot mascotte de Fablearn Asie, témoins des ateliers pour enfants qui ont lieu dans la même pièce.

Le fabbot pédagogique au Fablab Setagaya.

Ce dimanche après-midi, de 16h jusqu’à 19h, c’est l’Open Lab hebdomadaire : toute personne dûment formée peut se servir des machines gratuitement pendant une heure strictement réservée, en échange du partage de son projet sur le site du lab.

N Asami est venue utiliser la découpe laser pour customiser des Post-it à tête de nounours. L’heure qui suit, c’est un homme qui s’en sert pour découper un mobile décoratif en cellophane. La semaine d’après, l’artiste Yuka Otani a réservé la machine pour de la gravure sur verre. De temps en temps, un employé de l’agence spatiale japonaise Jaxa vient utiliser la CNC pour découper le métal pour sa recherche personnelle.

Programmation de la découpe laser pendant l’Open Lab du Fablab Setagaya.
Des Post-it et rouleaux «maste makimaki» découpés au lab.
Le cellophane découpé pour un mobile décoratif.

Ryota Yokoiwa, le fabmanager diplômé en physique quantique du Kyoto Institute of Technology, assure entre autres des formations en Autodesk Fusion 360. Et se retrouve parfois face à de curieuses « commandes ». Un client lui a ainsi demandé de fabriquer des objets en 3D qui ne s’achètent pas pour des haut-parleurs de marque, un autre voulait une boucle de ceinture très particulière… Un volontaire pour apprendre le logiciel de conception assistée a réussi, après 30mn de formation, à sortir une forme plutôt simple mais qui correspondait à l’invention de rêve qui le préoccupait depuis cinq ans.

Ryota, qui se revendique aussi écrivain et inventeur, reste toujours patient et disponible pour tout conseil, sans garantie de résultat. Lui-même s’est amusé à inventer un support pour livre (ou écran mobile) fait de pâte à papier découpé au laser, un porte-boîte de Caloriemate fait sur mesure et imprimé en 3D… car rien ne vaut la petite niche de prototypage au milieu du grand bazar écolier.

Ryota Yokoiwa et son porte-boîte de Caloriemate.

Le site du Fablab Setagaya à l’IID