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Le crochet change la vie de femmes et des sacs plastique à Ouaga et Paris

Tapis, pochettes, corbeilles… le sac plastique trouve une seconde vie sous le crochet des Filles du facteur. © Caroline Grellier

C’est une idée simple: recycler des sacs plastique en objets design en aidant des femmes à créer leur emploi. Les filles du facteur, association créée par la styliste Delphine Kohler, déploie ses sacs et tapis colorés en France et au Burkina Faso.

Comment concilier artisanat local et commerce équitable, problématiques environnementales et combat social pour l’égalité ? Delphine Kohler a trouvé une solution. Depuis qu’elle a découvert à 25 ans l’Afrique, la designer fait rayonner savoir-faire manuels et réutilisation de matériaux. A son retour, en 2000, elle commence par ouvrir une boutique parisienne, rue Quincampoix, où elle met en avant des créateurs artisans venus d’un peu partout dans le monde.

Et puis un jour, c’est le coup de foudre avec un tapis fait main tout droit venu du Brésil, réalisé au crochet à l’aide de sacs plastique transformés. Le plastique, c’est peut-être fantastique, mais c’est aussi une source majeure de pollution dans le monde, pour la faune et la flore, en Afrique et sur les océans. 75% des déchets en mer sont en plastique, selon la Commission européenne. En France, où 17 milliards de sacs plastique jetables sont distribués chaque année, le gouvernement a d’ailleurs adopté un décret qui interdit depuis début juillet 2016 les sacs plastique jetables aux caisses des supermarchés, et, à partir du 1er janvier 2017, pour les emballages plastiques des fruits et légumes. Si la tendance est à la prise de conscience du fléau, on est encore loin de la pénurie… 

Un tapis coloré fait main pour un autre regard sur le plastique. © Caroline Grellier

Toutes les valeurs de la styliste Delphine Kohler sont matérialisées dans ce tapis brésilien : il valorise un matériau polluant, permet de le recycler de façon artisanale tout en protégeant l’environnement. Cerise sur le sachet, il s’agit aussi d’un projet social qui permet aux femmes de gagner en autonomie et de diversifier leurs revenus en travaillant à la maison, avec pour seul outil un crochet, facile à se procurer et très bon marché.

Ouvrage en cours avec comme seul outil, un crochet! © Les filles de facteur

En 2008, Delphine Kohler retourne donc à Tiébélé, son village d’adoption au sud du Burkina Faso, pour transmettre son expérience. L’atelier prend vite forme, qui permet aux femmes de devenir de vraies pros du crochet. Le « métier le plus facile du monde », affirme Delphine Kohler.

«Je travaille de façon empirique, je suis très instinctive. Je me suis assise avec mon crochet à côté des femmes du village et ça a pris! Curieuses, elles sont venues et c’était parti.»

Delphine Kohler, styliste

S’appuyant sur sa marque de styliste Facteur Céleste, Delphine Kohler crée l’association Les filles du facteur, qui accompagne les femmes du village dans la gestion de leur activité (administration, finances, commerce, informatique, etc.).

Des doigts de fée pour transformer ces sas plastiques en objets. © Les filles du facteur

En 2009, le projet Recycsacplastic des Filles du facteur tape dans l’œil de l’enseigne Monoprix, qui passe une première grosse commande. D’autres marques, dont Yves Saint Laurent, font elles aussi appel au savoir-faire des Filles du facteur. En 2011, l’atelier d’insertion se relocalise à Ouagadougou. Il compte aujourd’hui une quarantaine de femmes qui cotisent ensemble pour bénéficier chaque matin de cours d’alphabétisation en langue Mooré. Et c’est avec leurs marges qu’elles achètent le matériel. 

Les collections s’enchaînent: coussins, portefeuilles, sacs, corbeilles, tapis, poubelles… © Caroline Grellier

L’histoire s’écrit en parallèle en France et tisse ainsi des liens entre femmes africaines et femmes réfugiées : depuis huit ans, Les filles du facteur agissent ainsi auprès de femmes migrantes, poursuivant le même objectif qu’au Burkina Faso.

«Mon rôle, c’est de les accompagner, de les mettre en capacité de faire seules. J’ai plutôt la place d’une directrice artistique finalement, bien qu’elles créent des modèles elles-mêmes aussi. L’association leur fait aussi un peu de pub pour les aider à vendre.»

Delphine Kohler, styliste

En France comme au Burkina Faso, ce sont les femmes qui manipulent le crochet qui décident du prix de vente de leurs ouvrages et se rémunèrent à la pièce.

La réalisation d’une poubelle peut prendre jusqu’à une semaine ! Le travail est créatif, minutieux mais très accessible. Les sachets sont d’abord découpés pour devenir une bobine de fil, puis crochetés selon des techniques empruntées à la laine. 

A Paris, les sachets colorés sont récupérés et triés pour partir au Burkina Faso afin de colorer les créations. © Caroline Grellier

On trouve à Paris une quinzaine de points de collecte, repérables à leur gros bidons bleus. Tous les sacs plastique ne sont pas recyclables pour le crochetage, ils doivent être « fins, blancs ou colorés ». Côté burkinabè, les sachets sont rachetés à des collecteuses, le plus souvent des femmes âgées qui les récupèrent et les lavent. 

«Un enfant de 8 ans peut apprendre, le crochet c’est à la portée de tout le monde!»

Delphine Kohler, styliste

Ça papote autour du crochet lors d’ateliers grand public à Paris. © Les filles du facteur

Le mieux étant encore de tester par vous-même, vous pouvez participer aux ateliers des Filles du facteur organisés chaque vendredi aux Grands Voisins (Paris, 14ème) et une fois par mois à La Petite Rockette (Paris, 11ème).

Si vous êtes au Burkina, allez faire un tour à Tiébélé, là où tout a commencé et où ça continue !

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