Makery

Il a réalisé le planeur de Nausicaä

Vol d'essai d'un des planeurs clones du Möwe à Kanazawa au Japon, le 4 octobre 2008. © Yuki Yonekura

L’aéronef imaginé par le maître de l’animation Hayao Miyazaki dans «Nausicaä de la vallée du vent» est devenu une réalité, grâce au média-artiste japonais Kazuhiko Hachiya. Depuis 2003, ce rêveur éveillé développe prototype sur prototype répliquant le Möwe. Rencontre.

Tokyo, de notre correspondante

Au début, au début des années 1980, il y avait le manga, puis le film d’animation de Hayao Miyazaki, Nausicaä de la vallée du vent. Pour la première fois, les Japonais « voyaient » voler le Möwe, sorte de planeur personnel que la princesse du vent maîtrise parfaitement, tout en sauvant la planète d’une guerre écologique. Son nom lui vient de sa forme de goéland en plein vol. Le planeur fictif n’a pas de queue mais des ailes pliantes, un moteur d’appoint et se monte sur le dos. Depuis le succès international du film, le Möwe appartient à l’imaginaire collectif.

Le Möwe, planeur fictif de «Nausicaä de la vallée du vent». © DR

Depuis longtemps, Kazuhiko Hachiya rêvait de voler comme un oiseau, libre comme l’air. Et, comme tous les fans de SF, il était fasciné par les véhicules fantastiques imaginés par Miyazaki. Ce média-artiste a poussé la fascination jusqu’à réaliser un aéronef qui ressemble le plus possible au merveilleux Möwe. En 2003, sur fonds propres, il conçoit le premier modèle Moewe 1/2. Le projet Opensky est lancé. 

Son premier modèle grandeur nature, le M-01, un hybride de bois et de matériau composite, sera construit en 2004. Dans les années qui suivent, il peaufine avec quelques variantes le M-02 en collaborant avec des ingénieurs aéronautiques de la firme Olympos. Les plis des ailes et le corps de la machine sont affinés pour permettre le vol pour un pilote d’environ 50kg. Dans le même temps, les différents prototypes sont exposés dans des musées d’art au Japon, à Kumamoto et Tokyo. A partir d’avril 2006 ont lieu les premiers essais de vol.

M-02, essai de vol à Kanazawa en 2008. © Yuki Yonekura

Le premier décollage du planeur M-02, volant à un mètre au-dessus du sol, le 21 avril 2006 à l’université de Meisei à Tokyo, est un des deux moments forts du projet Opensky, affirme l’artiste d’aujourd’hui 50 ans à la taille ultra-compacte de jockey. L’autre moment fort, c’est le premier décollage du M-02J, le planeur enfin augmenté d’un moteur à réaction, toujours à un mètre de hauteur, sept ans plus tard, en 2013.

Cette année-là, le dixième anniversaire d’Opensky est célébré par une grande exposition rétrospective au centre d’art 3331 Arts Chiyoda à Tokyo. D’autres expositions ont été consacrées au projet à Kirishima, Kanazawa et au ICC de Tokyo. Au programme, des conférences autour des technologies et des enjeux des aéronefs, un livre qui raconte l’histoire d’Opensky, des ateliers de fabrication d’avions et autres ovnis en papier, ainsi que des installations interactives qui simulent le vol des M-02 et M-02J.

Premier décollage du M-02J, 2013:
c

Si Miyazaki lui-même a envoyé une lettre de félicitations à Hachiya, l’artiste et pilote se garde d’être associé au Studio Ghibli du maître de l’animation japonaise ou à toute autre entreprise. Son projet Opensky est porté exclusivement par Hachiya et sa société Petworks, une façon d’assumer la responsabilité de la sécurité humaine.

C’est pour cette même raison qu’il hésite encore à distribuer les plans du planeur en open source, conscient des risques sanitaires que présente ce projet encore expérimental. « Je pense qu’un maker averti pourrait probablement construire le fuselage de l’aéronef, mais son pilotage nécessite une formation spécialisée, ainsi qu’un environnement de vol optimisé », explique-t-il.

L’artiste pilote Kazuhiko Hachiya. © DR

Opensky est encore pour l’instant un projet purement artistique… qui comprend néanmoins une certaine dimension politique, et ce, dès son lancement. « Le manga de Hayao Miyazaki parle d’une guerre entre religion d’Etat et grandes puissances, raconte Hachiya. En 2003, le Japon a été entraîné dans la guerre d’Irak, car notre Premier ministre ne pouvait pas s’opposer à cette guerre initiée par les Etats-Unis. C’était une situation dangereuse qui je pense ressemblait à celle du manga. »

Réaliser une version physique du Möwe relève aussi de la situation du Japon de l’après-guerre, estime-t-il : « Actuellement, le Japon n’a presque pas d’aviation civile. Même si on peut difficilement rivaliser avec Airbus et Boeing, il est intéressant de créer une aviation générale et de petits avions. Ce projet a pour but de prouver que c’est possible, même au Japon, de réaliser ce genre d’aéronef personnel. »

M-02J, essai de vol à Hokkaido en 2016. © DR

Alors que le développement du M-02J est presque terminé, Hachiya rêve d’emporter son aéronef à l’étranger, comme au salon américain EAA AirVenture Oshkosh ou au Salon international de l’aéronautique et de l’espace au Bourget.

En attendant, le tout dernier essai de vol du M-02J a eu lieu à Takikawa, dans le Hokkaido, en septembre dernier. « C’était ce qu’il y a de plus proche de voler comme un oiseau », sourit Hachiya.

Vol d’essai du M-02J, septembre 2016:

En savoir plus sur le projet Opensky