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«Electrosound», l’atelier des machines de la musique électro

Comme entre Kraftwerk et les machines, ça a toujours été une histoire d'amour, on ne s'étonne pas de retrouver cette citation dans l'expo «Electrosound». © Jacob Khrist

Ce sont parfois les machines qui racontent le mieux les histoires. L’exposition «Electrosound, du lab au dancefloor» à Paris déroule l’évolution de la musique électronique à travers ses instruments iconiques. 

Révolution dans le monde de l’exposition. Fini les injonctions à ne pas toucher, désormais on manipule. A l’exposition Electrosound, du lab au dancefloor, du 25 mai au 2 octobre à la Fondation EDF à Paris, vous êtes invités à vous essayer aux iconiques Minimoog, Vocoder ou TR 808 et expérimenter les nouvelles lutheries électroniques, sous le regard bienveillant de la sécurité (qui, une fois l’exposition fermée au public, en profite aussi, nous confiera l’un d’entre eux).

Un visiteur s’essaie au Minimoog. © Jacob Khrist

C’est que la musique, ça se joue et ça se vit, explique Jean-Louis Fréchin de l’agence Nodesign, co-commissaire de l’exposition avec l’artiste sonore, DJ et journaliste Jean-Yves Leloup dans la présentation de cette exposition, l’une des premières sur la musique électronique en France. « La musique exposée, ça s’appelle un concert. Exposer la musique dans un musée, c’est compliqué. »

Zone de machines

Plutôt que le format musée, les scénographes choisiront donc celle d’atelier. A l’étage, les machines légendaires partagent l’affiche avec la nouvelle génération d’instruments. La lutherie électronique, avec le dualo du-touch, un contrôleur-synthétiseur-séquenceur de la forme d’un accordéon, création d’une équipe française qui a récolté en mai dernier plus de 200 000€ sur Kickstarter (quadruplant l’objectif de 50 000€). Les anciens instruments se réinventent aussi, avec Theremini, réinterprétation contemporaine du thérémine par l’entreprise américaine Moog. Coup de cœur pour le Seaboard Rise 25, développé en 2015 par l’entreprise anglaise Roli, un synthétiseur numérique en silicone qui capte les différentes actions du touché – appuyer, glisser, lever, etc. – et module les effets en conséquence.

Présentation du dualo du-touch, 2015:

Après avoir été l’apanage des chercheurs et ingénieurs les plus pointus, ici c’est le triomphe de l’amateur. « Grâce à la démocratisation de la programmation et de l’électronique numérique, grâce aux potentiels d’empowerment (de capacitation) et d’apprentissage collectif permis par l’ordinateur et les réseaux, ainsi que la baisse des coûts des composants, puces et cartes électroniques, d’autres, que l’on pourrait qualifier de codeurs (programmeurs) ou de makers (bricoleurs), créent et fabriquent de nouveaux instruments », présentent les commissaires.

Gelée musicale et microscope du sampling

Les bidouilleurs ont donc droit aussi à leur table. Séparés en catégories artistes et makers (mais qui a dit que les makers n’étaient pas des artistes ?), le visiteur est appâté dans l’univers DiY par une construction colorée et blobloteuse, le fameux Noisy Jelly, une gelée interactive conçue par les Français Raphaël Pluvinage et Marianne Cauvard qui génère de la musique grâce à un Arduino et un logiciel Max/MSP. On testera l’ordi old-school avec le Monosynth Octaver de Quentin Caille du collectif Sin, synthétiseur FM que l’on joue sur un clavier USB hacké et dont les signaux se matérialisent sur un écran à tube cathodique, les Littlebits dans leur version synthé et le son 8-bit avec PO-24 Office, une boîte à rythme de la taille d’une calculette et au circuit imprimé apparent.

L’artiste électro Flavien Berger en session avec les Noisy Jelly, 2013:

On jettera un œil à la recherche aussi. L’intelligence artificielle de Jukedeck, un service en ligne qui génère des morceaux originaux et libres de droit, ou le « microscope du sampling » Collidoscope, un synthétiseur granulaire qui permet de créer des échantillons sonores (samples), de zoomer à l’intérieur et de distordre chaque milliseconde tout en observant les effets sur une interface graphique. Grisant.

Platine et boule disco

Mais pas si vite ! Avant de mettre les mains dans le cambouis, il vous faudra passer par la case historique. Plongée dans une époque où la musique électronique est une affaire d’experts et où le magazine Popular Mechanics professe que « dans le futur, les ordinateurs ne pèseront sans doute pas plus de 1,5 tonnes ».

Les commissaires de l’expo «Electrosound». © Jacob Khrist

Depuis l’invention du thérémine (1919) puis des Ondes Martenot (1928), « premiers véritables instruments électroniques », Jean-Yves Leloup et Nodesign déroulent un siècle de musique électronique sur un fond sonore de Kraftwerk, Donna Summer et R2-D2. Dans une savante mise en contexte, une frise chronologique guide à travers le premier magnétophone professionnel, le premier Macintosh puis l’avènement de l’Ipod, « icône de la consommation musicale des années 2000 », et mêle krach boursier, premier épisode des Simpsons, découvertes scientifiques, mouvements sociaux, guerres, catastrophes nucléaires et citations de George W. Bush père. 

Et puisque la musique exposée est un concert, allez donc faire un tour au sous-sol. Platine et boule disco, le dancefloor est à vous.

«Electrosound, du lab au dancefloor», du 25 mai au 2 octobre à la Fondation EDF à Paris